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mardi 26 août 2025

Avant-première : L'homme qui a vu l'ours qui a vu l'homme de Pierre Richard (2025) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

L'acteur, réalisateur et scénariste français Pierre Richard ne s'était pas installé derrière une caméra depuis presque trente ans (en dehors du court-métrage SOS Siné Mensuel: Pierre Richard en 2022). Vingt-huit, pour être plus précis. Depuis qu'il s'était notamment mis en scène aux côtés de Véronique Genest, Carol Sihol, Daniel Russo, Isabelle Candelier ou encore Daniel Prévost dans Droit dans le mur. En cette soirée du 25 août 2025, il fallait donc avoir prévu d'acheter par avance sa place de cinéma tant le public qui afflua dans les quatre salles réservées à la projection de son nouveau long-métrage projeté en avant-première au cinéma CGR de Narbonne furent combles. Pour une raison très simple : la présence avant et après la séance de Pierre Richard en chair et en os. Un événement précédé par son passage dans le hall principal du multiplex, tout d'abord accueilli par un orchestre de tambours, puis par un public immédiatement acquis à la cause de l'un de nos plus grands acteurs. Que dis-je, un cinéaste, complet, qui multiplia durant sa carrière les rôles sur grand écran. Une carrière essentiellement vouée à la comédie, débutée comme bien d'autres avant et après lui par de petits rôles, très secondaires comme celui d'un agent de police dans Un idiot à Paris de Serge Korber en 1967 avant d'interpréter le rôle très remarquable de Colibert dans le classique d'Yves Robert l'année suivante, Alexandre le bienheureux... Dès le tout début des années soixante-dix, Pierre Richard passe alors derrière la caméra avec Le distrait. Comédie qu'il réalise, écrit et incarne. Très vite il se démarque par une approche fantaisiste, parfois proche du mime où son talent de ''gaffeur'' s'y exprime volontiers. Après cette savoureuse critique du monde de la publicité dans laquelle il s'amuse des codes propres au métier pour les détourner, Pierre Richard signe Les malheurs d'Alfred deux ans plus tard. Mais c'est surtout avec Je sais rien, mais je dirai tout que le cinéaste peaufine certains très de son caractère. Si tout comme dans Le distrait le personnage qu'il interprète s'appelle Pierre, ça n'est alors sans doute pas le fruit du hasard. Dans ce troisième long-métrage, Pierre Richard se montre féroce, acerbe et donc très critique envers la société. Et notamment vis à vis de la bourgeoisie dont il est lui-même issu à l'origine. Qui ne souvient pas du fameux dîner réunissant les membres d'une famille constituée de représentants de l'armée, de l'église ou d'une grande entreprise dont Pierre Richard se pose comme antithèse n'observera sans doute pas le rapport qu’entretient son troisième long-métrage avec L'homme qui a vu l'ours qui a vu l'homme.


Sans présager de la suite de sa carrière d'auteur puisque comme il le témoigna lui-même lors de cette avant-première, rien ne permet d'affirmer qu'il reviendra derrière la caméra, le huitième long-métrage de Pierre Richard pourrait bien être le dernier. Cela n'était pas arrivé depuis des décennies mais quatre salles furent donc réservées à la seule diffusion de sa dernière comédie devant l'incroyable affluence du public de tous âges qui est venu non seulement découvrir le film mais voir aussi et surtout en chair et en os l'un des plus attachants acteurs français. De sept à soixante-dix sept ans, comme le veut l'expression, le public est venu honorer Pierre Richard à grand renforts d'applaudissement. Soutenu avec grâce par une canne qui semble le suivre désormais partout, il a donc passé les portes du cinéma devant une foule particulièrement attentive à sa présence jusqu'à ce qu'il rejoigne l'un des symboles du film : une ''poupée' grandeur nature de l'ours du titre... La ferveur fut telle que pas un seul siège n'est resté libre. Pierre Richard ainsi que le jeune et talentueux Timi-Joy Marbot nous firent alors l'honneur de leur présence devant l'écran avant que les lumières ne s'éteignent et que ne soit lancée la projection. Après l'émotion d'avoir pu découvrir pour la toute première fois l'immense acteur à quelques mètres devant nous, L'homme qui a vu l'ours qui a vu l'homme a déroulé ses quatre-vingt huit minutes. Et au sortir de cette aventure pleine de surprises, de cocasseries, teintée d'émotion et de réparties dont Pierre Richard, l'auteur, eut toujours le secret, il n'est pas difficile de considérer L'homme qui a vu l'ours qui a vu l'homme comme faisant partie de ses tout meilleurs films en tant que réalisateur et scénariste. Un script auquel a d'ailleurs collaboré Anne-Sophie Rivière qui débute ici dans l'écriture...


Côté casting, outre la vedette et son jeune partenaire, Pierre Richard a essentiellement et volontairement opté pour des interprètes du cru. Parmi les rôles secondaires, en dehors de Louis-Do de Lencquesaing (qui incarne Christos, le fils de Grégoire), Gustave Kervern (dans le rôle de nanosh, le père du jeune Michel) ou d'Anny Duperey, l'on retrouve donc des acteurs du sud et du sud-ouest. Et ce, pour une raison simple : Pierre Richard voulait absolument avoir dans son film des acteurs et donc des personnages ''authentiques'' et pas simplement des parisiens qui n'auraient fait que mimer l'accent de la région où se situe l'action. Parmi ces derniers, l'on retrouve ainsi Patrick Ligardes, Jean-Claude Baudracco et même, un petit nouveau dans le milieu du cinéma. Un certain... Henri Forgues ! L'homme qui a vu l'ours qui a vu l'homme nous conte la relation entre un vieil homme qui a tout plaqué pour venir vivre dans le sud de la France et d'un jeune garçon atteint du Syndrome d'Asperger. Mais plutôt que de nous offrir une œuvre larmoyante, le duo ainsi que les seconds rôles nous offrent une comédie pleine de fantaisie. De ce point de vue là, on peut dire que Pierre Richard a chargé la mule. N'étant finalement pas essentiellement tourné autour de la rencontre entre un homme et un ours comme le titre pourrait le laisser entendre mais autour d'un florilège de personnages pittoresques (dont un fan de Johnny Hallyday qui tente de reconquérir son territoire amoureux auprès d'une épouse lassée de sa passion pour le chanteur), l'on retrouve le Pierre Richard de ses premières œuvres. Car derrière l'immense tendresse et le regard intense que porte l'acteur, scénariste et réalisateur sur ses acteurs et ses personnages, derrière la poésie et la folie douce des dialogues et des situations l'on retrouve un Pierre Richard taquin. Surtout lorsqu'il s'en prend encore une fois à la bourgeoisie ou plus encore à la Gendarmerie... Particulièrement inspiré, bourré de situations et de dialogues savoureux et souvent burlesques, L'homme qui a vu l'ours qui a vu l'homme a, d'après les nombreux rires qui se sont fait entendre durant la projection, remporté tous les suffrages. Une fois le générique de fin arrivé à terme, Pierre Richard et Timi-Joy Marbot sont réapparus devant l'écran pour une séance questions/réponses pleine d'humour. Puis tous les deux ont ensuite quitté la place. La salle, enfin, s'est vidée pour ne plus laisser qu'un grand vide mais nos têtes pleine d'images...

 

jeudi 29 août 2024

Rosalie de Stéphanie Di Giusto (2024) - ★★★★★★★☆☆☆



Je ne crois pas avoir déjà eu l'occasion de découvrir l'actrice franco-finlandaise Nadia Tereszkiewicz sur un écran de cinéma ou de télévision autrement qu'à travers le démentiel Seules les bêtes de Dominik Moll en 2019 mais après l'avoir également découverte tout récemment dans le formidable Rosalie de Stéphanie Di Giusto, il devient évidemment qu'il va falloir consacrer à la jeune femme plus que les quelques rôles éparses que certains lui ont confié ces dernières années face à un Benoît Magimel toujours aussi magistral, l'actrice de vingt-huit ans incarne le rôle relativement compliqué de celle qui donne son nom au film.. Rosalie, jeune femme charmante, qui se préoccupe très singulièrement de son apparence (et l'on comprendra très rapidement pourquoi) est une fille de la campagne française du milieu du dix-neuvième siècle. Vivant avec son père Paul (Gustave Kervern) qui la destine à épouser le rustre Abel Leduc (Benoît Magimel), propriétaire d'un café dont la fermeture et le rachat semblent être déjà programmés par le notable Barcelin (Benjamin Biolay), Rosalie cache un lourd secret. Promettant amour et vérité à son futur mari lors de leur union à l'église, celui-ci ne va pas tarder à découvrir que sa jeune épouse lui a caché qu'elle est atteinte d’hypertrichose. En clair, Rosalie est dotée d'une pilosité particulièrement abondante pour une personne de sexe féminin. Un duvet recouvre une grande partie de son corps tandis qu'elle est contrainte de se raser le visage et de camoufler sous une épaisse couche de maquillage les signes avant coureurs de cet étonnant symptôme... Les deux principaux interprètes effacent littéralement toute concurrence. Celle qui relie leur personnage respectif à celles et ceux qui croisent leur chemin durant ce récit proche des deux heures. En jeune femme pleine de vie et en homme bourru, Nadia Tereszkiewicz et Benoît Magimel campent un étonnant duo. Un couple hors norme dont chaque personnalité est tout d'abord nourrie de blessures et d'angoisses.


Dans un milieu rural qui ne pardonne à aucun moment la différence, l'intégration de la jeune femme apparaît tout d'abord comme une anomalie, finalement bien acceptée par la communauté (quoique l'excellent Guillaume Gouix dans le rôle de Pierre persiste à se montrer aussi inquiétant qu'ambigu) et ne laissant certains hommes pas tout à fait indifférents. Les caractères les plus inflexibles cédant parfois sous le charme très particulier de cette jeune femme qui pour aider son époux à conserver son bien va se laisser pousser la barbe afin d'attirer la clientèle. Alors que Stéphanie Di Giusto s'amuse consciemment ou non à nous rappeler les origines artistiques de Benjamin Biolay (son doigt posé sur l'une des touches du piano installé dans le bar d'Abel) ou sa filiation avec Anna Biolay qui dans Rosalie incarne l'une de ses employées prénommée Jeanne, laquelle rappelle à notre héroïne que son employeur la traite comme s'il était son père ! Tourné dans les remarquables environnements des Forges des Salles en Centre-Bretagne dans les communes de Perret et Sainte-Brigitte, le long-métrage bénéficie tout d'abord d'une photographie somptueuse signée de Christos Voudouris. Laquelle renvoie à certaines grandes œuvres picturales rendant hommage à la ruralité d'il y a près de deux-cent ans. On pense alors à Léon Lhermitte, à Julien Dupré ou encore à Jean-Alexis Achard... Vient ensuite la partition musicale de la compositrice, chanteuse et pianiste polonaise Hania Rani qui d'emblée donne le ton à ce récit remarquable où s'entremêlent la beauté et la bestialité des sentiments, la cruauté et le rejet, la curiosité aussi, sans que celle-ci ne soit pour autant jamais compromise par un quelconque désir de voyeurisme. Mais ce que l'on observe bien avant toute autre chose est ce formidable duo incarné par deux interprètes de talent. Entre force et fragilité, l'un et l'autre des principales incarnations devenant ainsi interchangeables. Écrit et réalisé par une femme sur la base d'une authentique histoire, il ne pouvait d'ailleurs en être autrement. On sort de l'aventure totalement séduit par ce récit qui entre des mains maîtrisant mal ce genre de sujet aurait pu tourner au ridicule. Plus de quatre-vingt dix ans après Tod Browning et son mythique Freaks, la monstrueuse parade, Stéphanie Di Giusto rend à son tour et de la plus digne des manières, un hommage à la différence...

mardi 14 décembre 2021

Cette musique ne joue pour personne de Samuel Benchetrit (2021) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

Poussin ouvre ses chakras à travers des ouvrages de méditation. Bouli Lanners qui l'interprète s'y connaît en mantra, lequel témoignait il y a quelques années en arrière que ''Vivre, ça n'est pas simplement respirer''. Jeff de Claerke n'est pas simplement que le chef d'une équipe de dockers. L'homme travaille sa prose sous la forme de poèmes. Et comme ils ne lui suffisent plus pour attirer l'attention de celle qu'il aime (la jolie caissière Roxane qu'interprète Constance Rousseau), son professeur lui conseille d'essayer l'alexandrin. Au risque lui-même de finir dans un trou si jamais l'idée ne donne aucun résultat : ''Je-vais-e-ssa-yer-d'é-crire-un-a-le-xan-drin..... Pour-me-faire-com-pren-dre-de-cette-cai-ssière-jo-lie..... Et-si-ça-ne-mar-che-pas-cette-fois-en-co-re..... Je-tue-rai-mon-pro-fe-sseur de po-é-sie.... ça fait onze. Ça marche pas''. Et le dit professeur de répliquer ''Je-DE-SCEN-DRAI-mon-pro-fe-sseur de po-é-sie....''. Ça n'a l'air de rien mais ces quelques alexandrins figurent à eux seul l'esprit tout entier de Cette musique ne joue pour personne, le dernier long-métrage de Samuel Benchetrit. Où l'amour, la poésie et la violence communiquent dans une camaraderie incisive. Tourné dans le Nord de la France, le film exploite l'image pas toujours très joyeuse et reluisante d'une jeunesse désargentée, avec son accent Ch'timi à couper au couteau et ses prolétaires qui passent leur temps devant la télé à regarder des émissions insipides. Provenant sans doute moins d'une planète très éloignée de celle où vivent ceux du centre ou du sud de l'hexagone que les héros de Bruno Dumont (Coin Coin et les Z'inhumains), nos personnages, si tant est que le réalisateur les ait caricaturé à l'excès, sont d'abord touchants et non pas effrayants comme peut l'être un fait dont on ne comprend ni l'origine ni les intentions...


En cela, l'univers de Samuel Benchetrit se rapproche sensiblement de celui du duo formé par Benoît Delépine et Gustave Kervern qui eux-mêmes investissent souvent de mystérieuses contrées où naviguent l'étrange et l'absurde. Le second rejoint d'ailleurs l'équipe formée autour de François Damiens, le poète transi d'amour pour sa caissière en blouse rose. L’œuvre nous impose un casting en or. Complété par Ramzy Bédia dans le rôle de Neptune et JoeyStarr dans celui de Jésus. Une équipe brinquebalante qui oscille entre pureté et ''congestion'' et à laquelle sont également greffés Vanessa Paradis, Valeria Bruni Tedeschi, Bruno Podalydès ou Vincent Macaigne pour les plus connus d'entre eux. Malgré son attitude posée, le scénario semble n'avoir rien à nous raconter. Tout y transpire la banalité. Mais dans ce quotidien auquel nous n'aimerions sans doute surtout pas nous référer, le réalisateur français et son scénariste Gabor Rassov ont la générosité de ceux qui partent d'une histoire simple pour nous conter le récit d'individus à l'existence apparemment sage et sans aspérités mais à laquelle viennent pourtant se greffer des ''détails'' comportementaux savoureusement transgressifs.


Le récit intéressant peut-être un peu moins Samuel Benchetrit que ses personnages, on se penchera plus sur leurs différents traits de caractère que sur leurs actes. Quoique, quoique... Le réalisateur n'oublie pas ces petits détails qui font la différence. Des personnages parfois, et même très souvent, maladroits, appliquant des méthodes inédites pour convaincre par exemple un garçon de participer à la fête organisée par la fille de l'un d'entre eux ou pour contraindre l'une de ses camarades, au contraire, à ne pas y assister. Si vous voulez découvrir une Valeria Bruni Tedeschi triste à mourir, vautrée dans son canapé devant des émissions débiles et vêtue de son éternel pantalon de survêtement, ou Vanessa en actrice de théâtre bègue, Gustave Kervern endossant le costume de Jean-Paul Sartre, Bouli Lanners menaçant des adolescent(e)s à l'aide de sacs-plastique ou de sa ceinture ou encore François Damiens et Ramzy Bédia dans une belle complicité, ruez-vous sur Cette musique ne joue pour personne. Simple, poétique, caustique, séduisant. Une jolie surprise...

 

dimanche 20 septembre 2020

Effacer l'Historique de Gustave Kervern et Benoît Delépine (2020) - ★★★★★★★★☆☆





Samedi 19 Septembre 2020, Cinéma des Corbières à Sigean. Cinq spectateurs, pas un de plus pour découvrir le dernier long-métrage de Gustave Kervern et Benoît Delépine. Est-ce le mauvais temps qui a découragé les gens à venir en masse ? Ou bien le port du masque obligatoire même si dans un si petit cinéma, les gérants y sont plutôt cool ? Peut-être est-ce plus simplement le manque de communication sur la toile car peu d'informations, voire aucunes, n'a filtré sur sa diffusion dans cette charmante petite ville qu'est Sigean. Il fallait pour le savoir, être passé devant le cinéma ou avoir été mis au courant par une personne au courant de l'événement. Effacer l'Historique est le neuvième long-métrage du duo formé par Gustave Kervern et Benoît Delépine qui se sont d'abord fait connaître sur la chaîne Canal+ avant de débuter leur carrière cinématographique en 2004 avec leur premier long-métrage Aaltra (Benoît Delépine ayant en réalité fait ses premières armes aux côtés de Christophe Smith huit ans auparavant avec le court-métrage À l'Arrachée). Seize ans plus tard, rien n'a vraiment changé. Ou plutôt, si. Car si le fond est toujours le même, la forme a pris une ampleur incroyable dans la maîtrise de ces deux maîtres es cynisme. Avec une rigueur ''militaire'' (une expression qui devrait forcément leur déplaire), Gustave Kervern et Benoît Delépine démontent les maux de notre société avec aujourd'hui en toile de fond, la technologie dans son ensemble, et plus précisément certains outils comme les téléphones portables et les réseaux sociaux. En matière de social, justement, les deux hommes en profitent notamment pour s'attaquer également de front à l'administration...





Toujours aussi mordants et cyniques, Gustave Kervern et Benoît Delépine plongent le spectateur dans un univers comparable à ceux proposés par les cinq saisons de la série britannique Black Mirror. Mais plutôt que de projeter leurs personnages dans un futur proche, les deux réalisateurs et scénaristes envisagent leur film sous un paysage actuel dans lequel la technologie a pris une place si importante qu'elle emprisonne ceux qui la consomment. C'est dans ce contexte (sur)réaliste qu'interviennent les trois anciens gilets jaunes Marie, Christine et Bertrand, trois amis respectivement interprétés par Blanche Gardin, Corrine Masiero et Denis Podalydès. Trois individus qui vont régler leurs comptes avec cette put.... de technologie dont ils sont malgré eux devenus esclaves. En effet, après une soirée trop arrosée dans un bar lors de laquelle elle a couché avec un ''Saxetapeur'' (excellent Vincent Lacoste) qui a filmé leur rapport, elle est menacé par le jeune homme de mettre en ligne la vidéo si elle refuse de lui donner dix-milles euros. Bertrand, père d'une adolescente harcelée et filmée par certains de ses camarades à l'école fait tout ce qu'il peut pour faire retirer la vidéo de facebook. Mais après des dizaines de relances par courrier, il n'a toujours obtenu aucune réponse. Quant à Christine, chauffeur VTC, elle se désespère de ne recevoir de ses clients que des mauvaises appréciations. En guerre contre ceux qui minent leur existence, les trois amis se lancent à leur assaut...


Gustave Kervern et Benoît Delépine signent sans doute leur film le plus abouti. Bien que la plupart des sujets abordés soient à l'origine d'une comédie particulièrement amère, on s'étonne de rire aux éclats à certains moments clés du long-métrage. L'interprétation du trio de tête y est évidemment pour beaucoup mais le script lui-même également. Totalement absurde mais reflétant l'inquiétante dictature des réseaux sociaux et leur monopole sur les données personnelles, en un peu plus de cent-cinq minutes seulement Effacer l'Historique propose un catalogue effarant de situations aussi glaçantes que réalistes même si elles sont en général enrobées sous des dehors de comédie bouffonne. Effacer l'Historique est non seulement l'occasion de découvrir un trio d'interprètes étonnants mais également des seconds rôles savoureux. Vincent Lacoste donc, mais aussi Benoît Poelvoorde en livreur ''Alimazone'', Bouli Lanners dans le rôle de ''Dieu'', un hacker vivant au sommet d'une éolienne, Philippe Rebbot dans le rôle de l'individu ayant toutes les clés pour profiter du système ou encore l'écrivain Michel Houellebecq pour un passage en forme de clin d’œil dans lequel il incarne un homme suicidaire. Humour noir, cynisme, bourré d'idées géniales et de répliques déjà cultes, l’œuvre de Gustave Kervern et Benoît Delépine n'oublie cependant pas de faire passer un message d'espoir et s'autorise, après la dérision, le désespoir et la noirceur, une jolie touche de poésie. LE chef-d’œuvre du duo ? Et pourquoi pas, tiens...

samedi 6 avril 2019

Groland, le Gros Métrage de Benoît Delépine et Jules-Édouard Moustic (2015) - ★★☆☆☆☆☆☆☆☆




On a échappé au pire en cette année 2015 : se réfugier dans une salle obscure pour y aller contempler un véritable naufrage artistique. Parce que Groland le Gros Métrage n'est qu'un téléfilm, ce n'est donc pas sur grand écran qu'il a été diffusé pour la première fois le 19 décembre 2015, mais sur Canal+. L'acteur, réalisateur et humoriste Benoît Delépine y faisait des infidélités à son éternel compagnon de route Gustave Kervern et se fourvoyait donc il y a quatre ans dans les bras de Jules-Édouard Moustic que tous les amateurs d'humour décalé connaissent surtout pour avoir incarné jusqu'à très récemment le rôle d'un présentateur de journal télévisé pour les émission tournant autour de Groland, pays imaginaire « pensé » par Jules-Édouard Moustic lui-même et toute son équipe...
Au générique, voir se déployer les noms de Jules-Édouard Moustic, Benoît Delépine, Gustave Kervern ou encore Francis Kuntz éveille forcément l'émoi des amateurs d'humour trash même si les deux principaux interprètes ne sont pas ceux que nous attendions forcément (Gérald Touillon a réalisé et interprété Paulo Anarkao en 2007, et quant à François Neycken, à part sa ressemblance avec un certain François-Xavier Demaison, il n'a joué que dans quelques séries télévisées et n'est apparu que dans de rares longs-métrages dont Ma Mère est Folle de Diane Kurys en 2018).

Bon, on va pas se mentir : même si l'on est fan de Groland, un collectionneur compulsif de tout ce qui peut y être rattaché, humble devant le travail plus ou moins soigné de ses différents auteurs, et même si l'on manque parfois d'objectivité devant certains de leurs travaux un peu moins réussis mais que l'on tient pour cultes, force est de reconnaître que Groland le Gros Métrage est vraiment mauvais. Et même si à l'origine le scénario donne envie de découvrir le téléfilm de Benoît Delépine et Jules-Édouard Moustic (Noel et Guy, deux chômeurs de Frincheux ont inventé un procédé de naturalisation pour les animaux et montent dans la capitale pour y trouver des financements pour leur projet), le résultat est catastrophique. Leur œuvre a beau tenter de reproduire ce qui fait le sel de l'univers Groland, ça ne fonctionne pas. A part durant les premières minutes (le coup du hérisson naturalisé est plutôt amusant) et un peu plus loin (celui du putois), Groland le Gros Métrage est d'un ennui abyssal. Rares auront été les occasions de se faire autant chier devant une œuvre de fiction. Le téléfilm de Benoît Delépine et Jules-Édouard Moustic, outre le sujet de fond, est une collection de situations dont ont le secret les auteurs de Groland mais qui, étrangement, ne fonctionnent jamais. Pas drôle et pourtant interprété par deux acteurs dans la veine des personnages auxquels nous ont habitué les auteurs, toutes les tentatives tombent à plat.

Groland le Gros Métrage a beau ne durer qu'un peu plus de quatre-vingt minutes, on trépigne d'impatience que ce pitoyable spectacle se termine. Il faut s'armer d'un courage immense ou avoir un respect démesuré pour ses auteurs ou pour le cinéma en général (j'englobe ici la télévision) pour tenir jusqu'au bout. Mieux qu'un benzodiazépine, pire qu'une heure trente de contrainte, à fixer la petite aiguille d'une horloge, presque aussi douloureux qu'une émission de télé-réalité (non, là, j'exagère), et aussi chiant qu'un séminaire sur l'agriculture maraîchère en région Nord Pas de Calais, Groland le Gros Métrage décevra les amateurs et confortera les anti-Groland (s'ils existent vraiment) dans leurs opinions... Un gros, très gros raté !

samedi 2 février 2019

I Feel Good de Gustave Kervern et Benoît Delépine (2018) - ★★★★★★★☆☆☆




Enfin de retour avec leur huitième long-métrage, Gustave Kervern et Benoît Delépine dirigent ici pour la première fois l'acteur Jean Dujardin. Un projet de collaboration qui leur tient à cœur depuis 2012 puisque c'est lors du Festival de Cannes et la diffusion de leur sixième film Le Grand Soir que le duo lui propose d'incarner le rôle principal dans un prochain film. Et ce film, ça n'est autre que I Feel Good, dernière comédie sociale et délirante de deux hommes qui n'ont pas perdu leur sens de l'humour si particulier qu'ils cultivent notamment depuis les diverses émissions auxquelles ils ont participé et ayant pour cadre principal, la principauté fictive de Groland. Leur dernier méfait se déroule principalement dans un immense centre Emmaüs, là où dirige la communauté, la sympathique Monique Pora qu'incarne la fidèle Yolande Moreau, laquelle a déjà participé à trois longs-métrages du duo si l'on ne tient pas compte de sa participation en tant que voix off dans Saint Amour.
Le récit tourne donc autour d'une sexagénaire physiquement robuste mais intellectuellement fragile. Sympathique, mais sachant très exactement comment diriger la communauté. Lorsque réapparaît son frère Jacques qu'elle n'a pas revu depuis des années, Monique est heureuse. Pourtant, ce sont deux univers bien distincts qui vont se télescoper. D'un côté, il y a Monique qui travaille comme elle le souligne elle-même pour une œuvre à but non lucratif. Ce qui fait sourire Jacques qui de son côté, rechigne à la tâche et rêve de trouver l'idée qui le rendra riche. Une idée qu'il a d'ailleurs en tête depuis quelques temps puisque c'est en rencontrant un vieil ami qu'il n'avait pas revu depuis longtemps que lui vient l'idée de proposer aux petites gens de devenir beaux.

Mais chez Gustave Kervern et Benoît Delépine, la beauté d'âme n'a ici rien à voir avec le projet de leur héros. Non, ici il s'agit d'évoquer la pratique de la chirurgie dite Low Coast. Une absurdité ? Pas vraiment puisque ce business consistant à pratiquer certaines médecines au rabais existe réellement. Pour aborder ce sujet qui fait tant polémique dans les médias, le duo n'y va pas avec le dos de la cuillère en invoquant un personnage trouble, psychologiquement instable et persuadé de pouvoir gagner de l'argent en proposant aux membres de la communauté Emmaüs d'accepter de se faire opérer à moindre frais en Roumanie. Une clinique qui pour environs mille cinq-cent euros donne accès à tous types de chirurgies plastiques.


Si le sujet traité s'inspire en partie du principe de chirurgie low cost, Gustave Kervern et Benoît Delépine s'y prennent de manière fantaisiste avec un Jean Dujardin dont le personnage n'est pas si éloigné de celui qu'il incarnait dans Le Retour du Héros de Laurent Tirard. Mais cette fois-ci, l'acteur a troqué son costume de mythomane poltron contre celui d'un individu persuadé de tenir les clés de la réussite. Face au caractère profondément humain du projet (redonner la joie de vivre et les outils susceptibles de donner une seconde chance aux membres de la communauté), le spectateur est confronté à toute la vacuité de celui-ci, le personnage de Jacques fonçant tête baissée alors même que l'on sait très rapidement que le projet a peu de chance d'aboutir à un résultat concret. En ce sens, I Feel Good qui, il faut le reconnaître, est assez mollasson durant la première moitié, révèle peu à peu un caractère touchant inattendu. Tour à tour, le personnage de Jacques apparaît comme méprisant (je-m’en-foutiste et mythomane), utopiste (il se voit déjà faire ériger une immense tour de verre à son nom), puis humaniste puisqu'il ira jusqu'au bout pour mener à bien son projet.

Dès que s'enclenchent les différentes étapes menant jusqu'au voyage en Roumanie, révélées sous une forme naïve et touchante, le film prend une tournure beaucoup plus enlevée et humoristique. On retrouve la patte provocatrice de Gustave Kervern et Benoît Delépine à laquelle sont ajoutées les performances de Yolande Moreau, Jean Dujardin, mais également des seconds rôles. Nombre de séquences prêtent à sourire, et même, parfois, à rire.

I Feel Good est ponctué d'interludes musicaux (la nuit, certains membres de la communauté s'isolent dans les immenses hangars Emmaüs pour y jouer qui de l'accordéon, qui du piano, et même qui de la machine à laver!) et de séquences totalement absurdes. Si dans un premier temps I Feel Good laisse entrevoir une œuvre maussade, la seconde moitié vient nous rappeler que ses auteurs n'ont rien perdu de leur mordant. Sans doute pas le meilleur film du duo, mais tout de même une très jolie surprise...

lundi 14 janvier 2019

Avida de Benoît Delépine et Gustave Kervern (2005)



Avida, c'est l'histoire de... ben en fait, j'en sais rien. Sans trop savoir ce qui est passé par la tête de ces suicidaires de Benoît Delépine et Gustave Kervern qui en réalisant cette chose on pris le risque insensé de se voir fermer ensuite toutes les portes des maisons de production (chose qui, heureusement, n'a pas eu lieu puisqu'ils n'ont pas cessé de tourner jusqu'à leur dernier, et très réussi Saint Amour), les quatre vingt-deux minutes de leur second métrage m'ont laissé presque totalement indifférent. Il n'est pas impossible qu'à une époque lointaine j’eusse été séduit par cette œuvre ô combien barrée, surréaliste et indépendante, mais après avoir pénétré l'univers d'artistes tels que Jodorowski ou Lynch ou qui sais-je encore, je me dis que cette tentative honorant certainement le cinéma du père Alessandro demeure un peu pathétique.

On y retrouve un peu de l'esprit du cinéaste chilien : quelques trisomiques (et donc d'une manière générale, des êtres atteints de handicaps lourds), une bonne femme pantagruélique, une montagne, ça ne vous rappelle rien ? A part cela, sans l'aide de sites consacrés au cinéma, j'aurais bien été incapable de dire de quoi il s'agit ici. Le surréalisme est ici si mal exploité, que même l'excellente trouvaille des pseudos n'est pas très clair. Imaginez : vous vous apprêtez à pénétrer un univers dans lequel vont se croiser (attention, la liste est longue) : un sourd-muet, un homme à la tête de scotch, un picador suicidaire, un riche paranoïaque, un chef de village d'armoires, un garde du corps maladroit, une femme à bonbonne d'eau, un captif chantant, un taxidermiste incompris, un zoophile débonnaire, et j'en passe...

Rien qu'en énumérant la longue liste de ces personnages aux noms hauts en couleur, on se dit que forcément, ça va envoyer du lourd. Sauf qu'en fait, ça n'envoie rien d'autre qu'une succession de scènes qui n'ont pas grand chose d'autre à offrir en terme d’homogénéité que leur similitude en matière d'absurde (terme qui n'est, ici, pas à prendre au sens péjoratif). Il n'y a aucune cohérence entre elles. Tout juste peut-on y voir une accumulation de sketchs, rarement drôles, et même si l'on comprend que l'humour n'y est pas toujours le but recherché, on s'ennuie de toute façon.

Quand aux acteurs. Réunir Jean-Claude Carrière (Le Retour de Martin Guerre), Bouli Lanners (encore et toujours), Albert Dupontel, le chanteur Sanseverino, le dessinateur Philippe Vuillemin, et même Fernando Arrabal (encore une référence)... le casting lui-même est barré... ! Avida aurait peut-être mérité d'être un peu moins hermétique et mieux scénarisé. Son principal défaut est de ne jamais vraiment être ludique. Il demeure sans doute l'oeuvre la moins aboutie du duo formé par Benoît Delépine et Gustave de Kervern qui heureusement, nous prouvera plus tard qu'ils ont autant de talent dans la mise en scène que dans l'écriture. Peut-être avaient-ils simplement besoin d'abandonner l'interprétation pour la confier à d'autres et s'attarder sur ce qu'ils savent faire le mieux : écrire...

mercredi 14 novembre 2018

Aaltra de Benoît Delépine et Gustave Kervern (2003)



Aaltra, c'est l'histoire de deux hommes auxquels rien ne réussi vraiment. L'un bosse à Paris, l'autre, à la campagne. Au volant de son tracteur, le second emmerde le premier en lui barrant la route. Le quotidien de ces deux hommes qui se haïssent va être bouleversé le jour où ils vont en venir aux mains devant la machine agricole du second. Alors qu'ils se sont empoignés, c'est l'accident : l'énorme benne de l'engin est malencontreusement activée durant la bagarre et broie les jambes des deux hommes. Ils n'en retrouveront plus l'usage et après avoir passé quelques temps dans la même chambre d’hôpital, ils sont priés de la libérer.

Les voici donc désormais contraints de se déplacer en fauteuil roulant. L'épouse du citadin, qui le trompait déjà bien avant l'accident a pris la poudre d'escampette. Alors que les deux hommes n'attendent plus grand chose de leur existence, se toisant du regard chaque fois qu'il se croisent, le paysan détecte un vice de fabrication sur la machine incriminée dans l'accident qui leur a coûté leurs jambes : en effet, le bouton de sécurité censé stopper la machine en cas d'alerte ne fonctionne pas. Après avoir calculé eux-même le montant des indemnités qu'ils croient mériter toucher, il décident ensemble de partir en Finlande, pays où sont construites ces fameuses machines de marque Aaltra afin de toucher l'argent...

Tout premier long-métrage du duo Benoît Delépine et Gustave Kervern, Aaltra ne risque pas de convaincre ceux qui n'auraient éventuellement pas été conquis par leurs deux ou trois derniers longs-métrages. Déjà, à l'époque, les deux cinéastes faisaient preuve d'un humour noir féroce et de partis-pris risqués. Image dégueulasse, noir et blanc acnéique, mise en scène et montage anarchiques, scénario rachitique, dialogues fantômes, tout y est pour rebuter les amateurs de films esthétisants. Ici, on se fiche de filmer au milieu d'une foule qui n'a apparemment pas été alertée du tournage et qui regarde, amusée, la caméra de Benoît Delépine et Gustave Kervern, eux-mêmes principaux acteurs de leur propre film. De deux types à la base plutôt médiocres, les cinéastes en font des handicapés, mais pas de ceux sur lesquels on a l'habitude de se retourner avec un air de commisération hypocrite. S'ils ne sont pas forcément sales, affreux et méchants, ils le sont certainement.

N'hésitant pas à piller dans le sachet de chips d'un gamin ou de vivre de la générosité d'un couple de hollandais et de leur enfants, nos deux hommes n'ont rien pour plaire. Aaltra est un road-movie se déroulant au rythme des véhicules de ses deux interprètes. C'est lent, parfois même ennuyeux. On s'attend tellement à retrouver la trash attitude de Groland que les timides et rares scènes allant dans ce sens apparaissent bien faible au regard d'un récit qui ne nous conte pas grand chose de passionnant. Du moins, c'est l’a priori que l'on a lors de la toute première moitié du film. La seconde, elle, nous offre quelques moments de pure jubilation mais sont-ils assez nombreux et s'inscrivent-ils dans l'attente qui est la notre pour satisfaire une attention de plus d'une heure trente ? Pas sûr. Ce qui l'est par contre, c'est cette certitude que le film du duo ne laisse pas indifférent, quel que soit le degré d'empathie que l'on ressente ou non pour ses héros ou simplement pour leur histoire.

Contrairement à ces œuvres auxquelles on a peut-être la maladresse d'accorder immédiatement le statut de film culte, Aaltra se digère bien après qu'il ait été visionné. Un film qui aurait sans doute mérité un format plus court. Mais ne rechignons pas notre plaisir car tout de même, on y ressent quelques plaisirs, comme la présence de Benoît Poelvoorde en fan de moto-cross ou Bouli Lanners en chanteur finlandais...

mardi 13 mars 2018

Saint Amour de Benoît Delépine et Gustave Kervern (2016) - ★★★★★★★☆☆☆



Saint Amour, c'est l'histoire de Jean, éleveur de bovins, qui une fois encore est monté à Paris pour le Salon de l'Agriculture afin d'y présenter sa plus belle bête, Nabuchodonosor, un taureau de plus de mille cinq cent kilos. C'est aussi celle de Bruno, son fils, qui en a décidément marre du métier d'agriculteur et qui espère bien se faire embaucher dans un Jardiland. Comme chaque année au Salon de l'Agriculture, son oncle et lui participent à leur propre Route des Vins en passant d'un stand de dégustation à l'autre en finissant toujours ivres. Bruno rêve de rencontrer celle qui partagera sa vie. Jean, lui, aimerait bien se rapprocher de son fils.

Depuis que sa femme est morte, il n'a plus que lui et pour rester au contact de Bruno, Jean décide de l'accompagner dans une Route des Vins grandeur nature. A bord d'un taxi conduit par le jeune Mike, père et fils vont apprendre à s'apprivoiser. Et ce, non seulement au contact l'un de l'autre, mais aussi grâce aux diverses rencontres qu'ils vont être amenés à faire durant leur périple de plusieurs jours...

Saint Amour est le septième long-métrage que le duo Benoît Delépine et Gustave Kervern, deux des auteurs et interprètes de l'émission trash diffusée sur Canal Plus, Groland (et ses dérivés), coréalisent. S'y croisent sur les routes de campagne, non seulement le couple formé par Gérard Depardieu et Benoît Poelvoorde qui signent ici une interprétation chargée d'émotion, d'amour et d'amitié, mais également Vincent Lacoste que l'on a pu notamment découvrir dans Lolo de Julie Delpy ou Camille Redouble de Noémie Lvovsky, Céline Sallette, Ana Girardot, Chiara Mastroianni, Andréa Férreol, Ovidie, ou encore l'écrivain Michel Houellebecq dans le rôle d'un propriétaire de chambre d'hôte tout à fait particulière.

Comme l'on pouvait s'y attendre, le film est décalé, acide, drôle, étonnant, parfois noir aussi tout en demeurant lumineux. Filmé caméra à l'épaule, l’œuvre de Benoît Delépine et Gustave Kervern peut tout à fait s'envisager comme un long-métrage indépendant, le genre de pellicule visible au festival de Sundance mais, ici, à la sauce française.

Le duo crée un décalage plutôt réaliste entre le monde rural et le monde urbain en assénant de véritable coups de poings qui s'en en avoir l'air et en disposant ça et là des répliques plutôt amusantes laissent en réalité un goût amer. A titre d'exemple, la scène de fête durant laquelle une future mariée n'ose pas avouer que son futur époux est agriculteur devant les visages jusque là amusés de Jean et Bruno finit de nous glacer les sangs lorsque le père et le fils réalisent le pourquoi de ce silence. Et des scènes comme celle-ci, Saint-Amour en regorge. Mai comme nos deux cinéastes sont également des êtres sensibles, ils composent équitablement chacune de leurs scènes avec l'humour noir qu'on leur connaît, mais aussi avec une certaine poésie que les deux immenses acteurs que sont Gérard Depardieu et Benoît Poelvoorde parviennent à rendre toujours crédible. Entre le père semblant idolâtrer son fils et ce dernier qui apparaît sans cesse au bord de la rupture, les deux acteurs font des miracles et parviennent à émouvoir même lorsque les situations paraissent improbables dans leur décalage.

La ritournelle musicale qui accompagne le film tout entier est composée par Sébastien Tellier. Quatre millions d'euros, c'est tout ce qu'à coûté le film de Benoît Delépine et Gustave Kervern. Un petit budget pour un très grand film. Une œuvre que l'on ne se lassera sans doute jamais de voir et revoir...


mardi 6 février 2018

Louise-Michel de Gustave Kervern et Benoît Delépine (2008)



Alors que toutes les employées d'une usine de textiles ont reçu en cadeau une blouse de travail toute neuve, toutes SAUF Louise Ferrand, le patron de l'entreprise profite de leur absence pour déménager l'intégralité des machines durant la nuit. Abasourdies, Louise et ses collègues doivent réagir au plus vite. Elles réunissent leur indemnités et accumulent vingt-mille euros qu'elles décident d'employer afin de faire tuer leur patron. C'est Louise qui s'y colle et la voilà partie à la recherche de celui qui les débarrassera, elle et ses compagnes d'infortune, de leur salopard de boss.

Louise tombe sur Michel Pinchon. Un beau parleur qui possède en réalité aussi peu de courage et de talent dans la profession qui intéresse Louise qu'il a d'argent. Incapable d'orchestrer le meurtre d'un chien qui doit lui rapporter vingt euros, le voilà prêt à tout pour empocher les vingt-mille euros promis par Louise. Mais la tâche va se révéler plutôt rude. Après avoir demandé à une amie en phase terminale d'un cancer de tuer le dit patron d'après photo, la jeune femme ayant lamentablement échoué en tuant une autre personne, Michel et Louise font route ensemble, bien décidés à venir à bout de leur objectif. Parce que Michel semble incompétent, Louise va l'assister dans sa mission...

Derrière la réalisation de Louise-Michel se cachent Gustave Kervern et Benoît Delépine que l'on connait surtout pour les avoir découvert sur la chaîne Canal Plus avec des émissions humoristiques tournant autour de la Principauté fictive, Groland. Ils n'en sont donc pas à leur premier coup d'essai en matière d'écriture (les deux hommes sont également les auteurs du scénario) et furent déjà les auteurs de plusieurs longs-métrages dont Aaltra, Avida, et plus tard Mammuth avec Gérard Depardieu. Il ne faut donc pas être devin pour comprendre que le contenu de Louise-Michel sera à peu de chose près de même nature que les sketches souvent corrosifs proposés par Canal Plus le samedi en première partie de soirée. Le casting est long comme un rouleau de papier toilette et l'on retrouve une partie de l'équipe de Groland dont les deux cinéastes sont les parmi les plus fiers représentants. A leurs côtés, on découvre Benoît Poelvoorde, Kafka, plus connu sous le nom de Francis Kuntz, le dessinateur et caricaturiste Siné, l'acteur-réalisateur-humoriste Albert Dupontel, le chanteur Philippe Katerine et surtout Bouli Lanners et l'ancienne Deschiens Yolande Moreau qui forment tous les deux un tandem bien particulier.

On retrouve une Yolande fidèle à elle-même, jouant sur son physique particulier et un Bouli Lanners toujours aussi épatant. Il y a de la mélancolie dans ce film à l'humour noir irrésistible. Noir mais pas trash comme peuvent l'être certains sketches Groland. Passée la minuscule déception qui peut naître lorsque l'on comprend que le film n'irai pas aussi loin qu'on aurait aimé, Louise6michel se révèle une bonne surprise. Mêlant le social à la comédie noire, Louise-Michel est un excellent défouloir, un exutoire aux maux de notre société. Sous la forme d'un long-métrage, les duos (de cinéastes et d'interprètes) parviennent à nous soulager de cette trop forte pression qui nous donne envie de prendre les armes pour combattre ceux d'en haut qui nous méprisent tant. Moins jusqu’au-boutiste dans sa forme qu'une œuvre d'Albert Dupontel, Louise-Michel demeure pourtant une réussite...

mardi 31 octobre 2017

Un Profil pour Deux de Stéphane Robelin (2017) - ★★★★★★★★☆☆



Nous avons, chaque année en France, l'occasion de découvrir une légion de comédies françaises. Si une grande majorité d'entre elles ont le malheur de manquer d'originalité et de se faire très vite oublier, il en demeure fort heureusement quelques-unes qui sortent du lot. Un Profil pour Deux fait partie de ces comédies qui nagent entre plusieurs eaux. Le triangle amoureux autour duquel tourne l'intrigue n'est pourtant pas lui non plus un sujet tout neuf. Pourtant, la générosité de ses interprètes et les différents changements de ton lui confèrent une aura toute particulière. Car le film de Stéphane Robelin qui réalise ici son troisième long-métrage après Real Movie et Et si on Vivait tous Ensemble ? est un petit bijou. Le réalisateur étant parti d'un scénario dont il a lui-même assuré l'écriture, le film met en scène Pierre, un septuagénaire vivant seul depuis la mort de son épouse. Sa fille, désespérée, demande au compagnon de Juliette de donner des cours d'informatique au vieil homme afin de lui permettre de découvrir les possibilités offertes par Internet.
C'est ainsi qu'Alex lui apprend comment manipuler son nouvel ordinateur et utiliser les sites de rencontres. Pierre use de ses talents de conteur pour séduire une certaine Flora63, laquelle tombe sous le charme du vieil homme dont elle ignore tout de la véritable apparence. En effet, Pierre lui a envoyé une photo d'Alex prise quelques jours auparavant et le jour où Flora et lui décident de se rencontrer pour la première fois à Bruxelles, le vieil homme supplie Alex d'approcher la jeune femme à sa place. Malgré sa réticence, le jeune homme accepte de se rendre en Belgique aux côtés de Pierre, d'autant plus qu'entre Juliette et lui, le torchon brûle. Sa rencontre avec Flora va bouleverser son existence, ainsi que celle de la jeune femme et celle de Pierre...

 
Première impression positive : la présence de l'immense Pierre Richard. Celui qui nous faisait rire grâce aux pitreries et à la distraction de ses personnages a depuis quelques années mûri. Même si sa façon d'aborder la comédie est bien différente que par le passé, le retrouver sur grand écran demeure toujours un réel plaisir. Ici, on le retrouve dans la peau d'un homme vieillissant. Étouffé par la présence de proches relativement antipathiques. Une existence finalement assez morne qui va changer du jour au lendemain grâce à Alex, personnage incarné par l'acteur Yaniss Lespert qui pour l'instant n'a joué que dans très peu de longs-métrages pour le cinéma et est surtout apparu à la télévision dans une petite dizaine de téléfilms et de séries. Aux côtés des deux hommes, la ravissante et talentueuse Fanny Valette. La jeune arlésienne apporte au long-métrage de Stéphane Robelin une véritable fraîcheur. L'actrice incarne une Flora sensible, touchante, rêvant du prince charmant tout en espérant trouver celui auquel elle pourra redonner le goût de vivre à nouveau une histoire d'amour. Car contre attente, de ce petit jeu malsain auquel s'adonnent les personnages interprétés par Pierre Richard et Yaniss Lespert va éclore une très belle romance.

Stéphane Robelin table sur un imbroglio compliqué à mettre en place. A la:manière d'une pièce de théâtre où les portes claquent, s'ouvrent et se referment, épargnant les uns après les autres des personnages qui ne sont jamais censés se croiser, le cinéaste maîtrise sur le bout des doigts son propre récit. On sent l'amour du réalisateur pour ses interprètes. Battant le froid et le chaud, sa mise en scène surprend. Un Profil pour Deux passe allégrement de la comédie douce-amère au drame. L’œuvre de Stéphane Robelin ne fera généralement pas hurler de rire. On s'éloigne très largement des poncifs du genre, et pourtant, cela fonctionne à merveille. Cependant, le film évite toute forme d’apitoiement. Le cinéaste n'oublie pas d'y injecter quelques moments savoureusement loufoque comme la scène du petit-déjeuner, et d'autres, beaucoup plus émouvant, comme la merveilleuse scène située dans l'appartement de Flora.

Même si les intrigues n'ont que très peu de rapports, Un Profil pour Deux nous chavire le cœur comme avait pu le faire en son temps, une œuvre aussi forte que Le Tout Nouveau Testament de Jaco van Dormael dont certaines critiques assassines demeurent encore aujourd'hui incompréhensibles. Alors que le film de Stéphane Robelin démarrait assez tristement, la suite allait se révéler fort réjouissante. Sans doute l'une des meilleures surprises de cette année 2017...
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