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jeudi 13 décembre 2018

Les Garçons Sauvages de Bertrand Mandico (2018) - ★★★★★★★★★★



Ce devait être le 1500ème article, mais trop pressé d'en parler, je n'ai pas eu le courage d'attendre deux articles supplémentaires...


LE film de l'année... ça ne veut pas dire grand chose. Tout étant histoire de (dé)goût et de couleur, chacun y trouvera son compte. Pour ma part, et en supposant que je n'assiste à aucune projection inédite d'ici la fin du mois, MON film de l'année 2018 est français. Il est le premier long-métrage de son auteur (si l'on ne tient pas compte de Hormona qui en 2015 proposait une anthologie constituée de trois de ses courts-métrages), le cinéaste Bertrand Mandico, et surtout, l'adaptation d'un roman culte The Wild Boys: A Book of the Dead de l'un des grands écrivains de la Beat Generation, William S. Burroughs. Sexe, violence, addictions, homosexualité, saphisme, tout cela dans un contexte d'anticipation. Tel est Les Garçons Sauvages. En 2018, rares auront été les occasions de véritablement s'évader sur grand écran. D'un point de vue strictement hexagonal, à part les blockbusters venus d'Outre-Atlantique et les dizaines de comédies pépères, le public français n'aura pas vraiment eu beaucoup d'occasions de ressortir de sa salle de cinéma préférée essoré, vidé, bouleversé, violenté, tout en ayant été magistralement accompagné durant presque deux heures dans un conte aussi sombre que lumineux. Par des interprètes tous magnifiques. Un film qui au-delà de sa singulière approche toute masculine, ne se révèle jamais l’œuvre misogyne que certain(e)s aimeraient faire paraître.

Entrelacé de séquences renvoyant directement à la culture pop des années 60, 70 et 80, le long-métrage de Bertrand Mandico est en NOIR et en BLANC. Le reflet du bien et du mal. Du sang et du sperme. Ceux qui coulent dans les veines de ce quintette en négatif du Club des Cinq du britannique Enid Blyton, mais dont les références s'étendent bien plus loin. Bien que le cinéaste ait ses propres sources d'inspiration que l'on n'oserait pas affirmer être freinées par l'ouvrage de William S. Burroughs, Les Garçons Sauvages appelle autant le spectateur à évoquer ses propres modèles, comparant ainsi le travail d'orfèvre de Bertrand Mandico (lequel s'est lui-même chargé de l'adaptation), d'une part, à tout ce qu'il a construit sa vocation de cinéphile.

Forcément, Les Garçons Sauvages rappellera tout d'abord le roman Lord of the Flies de William Golding même si le réalisateur avoue avoir été principalement (et logiquement) inspiré par le roman de William S. Burroughs. Avouant également un fait que le spectateur aura déjà vérifié de visu sur grand écran : Que le film de Bertrand Mandico s'inspire également très fortement du roman de Jules Verne, Deux ans de Vacances. Mais là où ce dernier évoquait du moins pour un temps, la fraîcheur et l'insouciance de la jeunesse, Bertrand Mandico s'y refuse totalement et signe une œuvre gothique et mortifère d'une beauté visuelle parfois fulgurante. Impossible de quitter l'aventure et de reprendre une activité normale dans les minutes qui suivent. L'expérience est unique. Ou presque. Comme si dans un shaker, le cinéaste avait mêlé à ce lait étrange coulant des verges végétales sur l'île où se situe une partie de l'intrigue, des expériences aussi fortes que le Singapore Sling du grec Nikos Nilolaïdis, le ¿Quién Puede Matar a un Niño? de l'espagnol Narciso Ibáñez Serrador, le Clockwork Orange du britannique Stanley Kubrick, ou encore le The Night of the Hunter de Charles Laughton.

Extraordinaire interprétation de la part des cinq ACTRICES, oui, des femmes, pour interpréter, des hommes. Enfin, des gamins. Le cinéaste s'est appuyé sur l'un des point essentiels du film : la caractérisation des personnages. Que l'on parle ici de Romuald, Jean-Louis, Hubert, Tanguy et Sloan, respectivement interprétés par Pauline Lorillard, Vimala Pons, Diane Rouxel, Anaël Snoek et Mathilde Warnier, ou du « Capitaine » magistralement incarné par l'acteur belge Sam Louwyck et de sa « complice » Séverine (envoûtante Elina Lowensohn), on reste littéralement subjugués. Comment oublier le témoignage de Jean-Louis et de ses camarades lors du procès qui les accuse du meurtre de leur professeur de lettres ? L'incroyable séquence qui durant ce même procès met face aux accusés, un procureur (hallucinant Christophe Bier) vampirisant totalement l'espace ? Cette longue virée à bord d'un rafiot hanté par un Captaine-démon aussi effroyable que le Malin de l'extraordinaire Gok-Seong du sud-coréen Na Hong-Jin ? Cette île-huître habitée par une végétation luxuriante et par des phénomènes plus qu'étranges ? Ou encore Séverine qui d'un pas feutré s'invite en icône insaisissable lors d'un simulacre d'acte sexuel nécrophile ?

Les Garçons Sauvages est d'une richesse visuelle et sonore inouïs !!! Le travail effectué sur la photographie (Pascale Granel) et sur le montage (Laure Saint-Marc) est d'une créativité sans limites. Mais que serait l’œuvre de Bertrand Mandico sans l'immense apport du compositeur français Pierre Desprats qui à travers une dizaine de compositions exprime toute l'angoisse, l'horreur et la luxure de ces Garçons Sauvages. Des musiques additionnelles accompagnent l'ensemble (Es War Einmal de Cluster), Pierre Desprats malmenant certaines d'entre elles dont la célèbre Danse de la fée Dragée qui entre ses mains devient terriblement angoissante.
Réduire Les Garçons Sauvages au stupre et à sa violence serait faire preuve de mauvais esprit. Le long-métrage de Bertrand Mandico est un poème macabre qui fouille même jusque dans le cinéma le plus lointain (on pense parfois à certains « Tableaux de Méliès » ou à la vague expressionniste allemande) et respecte un cahier des charges voulant qu'aucun secteur n'ait été favorisé plutôt qu'un autre. Mise en scène, choix des interprètes, musique, photographie, costumes, montage, scénario, et j'en passe. Les Garçons Sauvages est un chef-d’œuvre. Un très grand coup de maître par un cinéaste que l'on attendra forcément au tournant...

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