Oscar et Linda, qui
depuis tout petits se sont promis que jamais rien ne les séparerait
ont pourtant grandit séparément. Alors que leurs parents sont morts
dans un accident de voiture lorsqu'ils étaient très jeunes, il
mènent leur existence chacun de leur côté en caressant l'espoir de
se retrouver un jour. Oscar est installé à Tokyo, et, pour subvenir
à ses besoins et pouvoir payer un billet d'avion à Linda, il deale
de la drogue. A la recherche de sensations toujours plus fortes, il
cherche à se procurer de la DMT, un psychotrope puissant mais aux
effets de courtes durée.
Lorsqu'il a réuni assez
d'argent, il achète un billet d'avion à Linda et lui propose de
venir le rejoindre à Tokyo. La jeune femme y trouve un boulot de
danseuse et fréquente Mario, le propriétaire de la boite. Plongé
dans la lecture d'un ouvrage consacré à la réincarnation que lui a
prêté Alex, l'un de ses rares amis, Oscar doit un soir rejoindre
Victor, un jeune garçon avec lequel il est en affaire, à
l'intérieur du Void, un bar plutôt mal fréquenté. Mais
alors qu'ils se retrouvent à une table, Oscar comprend qu'il a été
trahi par son ami. Réfugié dans les toilettes de l'édifice, il
jette dans la cuvette la drogue qu'il avait destinée à Victor.
Derrière la porte close, la police lui ordonne de sortir. Mais
devant son refus, un tir d'arme à feu retentit et Oscar s'effondre.
C'est le début pour lui d'une expérience de décorporation...
Gaspar Noé offre à son
principal personnage de vivre enfin son rêve. Lui qui espérait un
jour survoler Tokyo à bord d'un avion afin de contempler la cité
vue du ciel, le cinéaste français lui fait cadeau de cette
opportunité. S'il n’effleure pas les nuages, ni même les toitures
des immeubles, il traverse cependant les murs de quelques édifices à
l'intérieur desquels se concentre l'action. Entre l'appartement
d'Oscar, la boite de nuit, le Void et une salle d'autopsie.
N'en déplaise à
quelques journaleux des magasines Critkart, Ouest France,
Marianne ou encore Première qui ont gerbé sur le long-métrage de
Gaspar Noé, il n'en demeure pas moins de mon point de vue un
chef-d’œuvre. Peut-être le film de la maturité de la part d'un
cinéaste qui ne s'était jusque là jamais manqué. Carne,
Seul Contre Tous et Irréversible pour
ses projets personnels.
Noé croise le fer entre
expérience de mort imminente et diméthyltryptamine,
plus communément appelée DMT. Après le trauma causé chez certains
par Irréversible
et son compte à rebours pourtant fort ingénieux, le cinéaste
expérimente ou mieux, réinvente son propre style, celui qui ouvrait
déjà son précédent long-métrage. Mais alors que le procédé
pouvait créer un certain malaise, voire des maux de tête et des
nausées, ici, Noé l'exploite de manière intégrale et pas si
inconfortable qu'on aurait pu le croire (le film dure presque trois
heures).
D'un
point de vue esthétique, Enter The Void
nous en met plein la vue. Un Tokyo lumineux, flashy, intégralement
recouvert de néons. Un fantasme de geek nourrit aux mangas et aux
jeux vidéos. Derrière l'apparat, la descente aux enfers d'un Oscar
qui refuse de quitter le monde des vivants et d'y abandonner sa sœur. Une sœur
avec laquelle il entretient des rapports parfois ambigus. Une œuvre
toute entière filmée en vue subjective. La caméra devient
d'ailleurs, si ce n'est le principal, du moins l'un des personnages
du film. Comme une descente de shoot, le héros promène son esprit
dans un décor qui devient peu à peu de plus en plus étouffant.
Jusqu'à ce Love
Hotel,
temple de la luxure où baisent des dizaines de couples. Tokyo sous
la couette. Tokyo à l'horizontale. Tokyo morbide et faussement
joyeuse.
Enter The Void
est un chef-d’œuvre. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir quelques
défauts. Si sa longueur ne cause aucun dommage majeur en matière
d'ennui, il aurait mérité quelques coupes ne serait-ce que pour
éviter les nombreuses redondances du récit. Beaucoup de scènes se
répètent inutilement. Quant à l'émotion, elle s'y fait rare,
l'empathie pour ses personnages n'étant pas évidente au premier
abord. Mais ces petits
défauts ne sont rien en regard du travail remarquable accompli par
son auteur. Enter The Void
est une tumeur qui s'installe dans votre esprit pour ne plus s'en
déloger. Si sous certains aspects le récit demeure froid et
certaines situations impersonnelles, le film de Gaspar Noé fait
montre d'une éblouissante imagination, jusqu'à un final grandiose.
De quoi encore réfléchir et décoder certaines scènes durant des
années.
Si
sept années (d'angoisse) me furent nécessaires pour visionner Enter
The Void
tant l'espoir que j'y consacrais était démesuré après
l'excellente surprise que fut son Irréversible,
je n'attendrai pas une semaine de plus pour consacrer un peu de mon
temps à l’œuvre qu'il signa l'année dernière, Love,
son dernier long-métrage en date...
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