Merde,
c'est l'histoire d'une créature, d'un homme dont les origines
demeurent indéfinies. Un être vivant en marge de la société, sous
terre, dans les égouts d'une ville mise à l'honneur non pas
seulement à travers ce court-métrage signé Leos Carax, mais par
les cinéastes Michel Gondry et Joon-Ho Bong, auteurs respectifs de
Interior Design et Shaking Tokyo. Trois
courts réunis sous le titre Tokyo ! Cette ville, c'est Tokyo,
donc. Ses traditions, ses portables, sa technologie, ses panneaux
d'affichages géants qui bientôt seront les témoins d'une histoire,
on peut le dire, singulière. Merde est comme une gifle
dans la gueule des bien-pensants. Si d'ailleurs il plait tant à
Gaspar Noé, c'est parce qu'il ressemble à son cinéma. De Carne
à Seul Contre Tous. On y retrouve ce même
anticonformisme. C'est réactionnaire, un peu trash sur les bords et
parfois même totalement burlesque.
Le court-métrage de Leos
Carax est l'ouverture parfaite à une soirée scatologique
underground et schizophrénique consacrée aux fluides corporels, à
la folie des hommes dont accouche notre civilisation, et à ce monde
qui refuse d'ouvrir les yeux face au désœuvrement dans lequel
certains d'entre nous sont tombés. Pas aussi barré et crade que
l'épouvantable et perturbant Crazy Murder de Doug
Gerber, moins souterrain que C.H.U.D de
Douglas Cheek, certainement moins déprimant que
Combat Shock de Buddy
Giovinazzo et pas aussi exutoire que le génial Street
Trash de Jim Muro,
Merde est tout de même sacrément... bandant !
Enfin, dans sa première partie (le film dure environs trente-huit
minutes), filmée en plan-séquence, celle durant laquelle celui qui
s'autoproclamera Merde durant son procès, émerge d'une
bouche d'égout pour effrayer la population tokyoïtes. Ouais,
flippant le type. Un œil mort, une barbe rousse, une démarche vive
et chaotique, et surtout, une logorrhée verbale inquiétante.
Le Diable en personne ?
Peut-être puisqu'en réponse au grand barbu qui file le torticolis à
ceux qui prient encore pour lui, l'autre débarque de tout en bas, là
où la fange est sa couche et les grenades sa langue maternelle.
D'ailleurs, de langue, il en possède une que seuls trois hommes dans
le monde savent comprendre et parler.
Merde vit dans un univers
souterrain dans lequel la guerre est demeurée mondiale. En veuillent
pour preuve ces reliquats trouvés dans les égouts et avec lesquels
Merde va bientôt faire joujou, laissant derrière lui des dizaines
de corps ensanglantés, démembrés...
Merde devient célèbre
tout à coup. Comme pour nous rappeler que les plus grands criminels
de notre histoire ont tous inspiré des œuvres littéraires,
cinématographiques et parfois même musicales, devenant ainsi des
stars dont les méfaits, réels, perdent peu à peu de leur
importance et de leur ignominie. Leos Carax fait de son héros un
personnage détesté par les uns et voué à un culte par les autres.
On l'affiche derrière une multitude d'écrans, au cœur même de
cette ville qu'il a hanté. On se grime en portant des masques à son
effigie. Et lorsqu'après son procès il est condamné à mort, il en
demeure encore pour tenter de le sauver de son funeste destin,
d'autre allant même jusqu'à le prier tel un dieu, à la place de
Dieu.
Merde, c'est Denis
Lavant, qui depuis ses débuts suit le cinéaste Leos Carax dans ses
œuvres. A ses côtés, étonnamment, on retrouve l'excellent acteur
Jean-François Balmer. Merde est un court-métrage
étonnant, parfois abscons (le procès manque d'une écriture plus
intense), mais qui ne laisse pas indifférent...
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