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samedi 5 février 2022

Lux Æterna de gaspar Noé (2019) - ★★★★★☆☆☆☆☆

 


 

Si le chiffre sept est connu pour avoir été sacré par les sumériens, Gaspar Noé n'aura pas attendu si longtemps pour renouveler SON cycle à lui, de quatre années, et initié il y a cinq ans avec Love, cette ''histoire d'amour'' pornographique tellement dénuée d'émotion que l'auteur de Carne, de Seul Contre Tous ou de Irréversible allait signer son plus mauvais film. Ou du moins, le seul qui, en plus d'être dénué d'émotion s'avère surtout dénué d'intérêt. Ou comment saler sexuellement la note sans laquelle le film n'aurait sans doute jamais fait parler de lui. Quatre ans plus tard, donc, (et dix-sept après avoir ''définitivement'' entériné son statut de cinéaste culte et de réalisateur de génie avec l'incroyable Enter the Void, en 2010), Gaspar Noé semble avoir une fois encore ressenti le besoin, après son Climax de 2018, de relâcher la pression. De limiter son travail d'orfèvre à la partie congrue et en se reposant sur les acquis pas toujours évidents de ses interprètes. Ici, Charlotte Gainsbourg et Béatrice Dalle, tout d'abord lors de confidences qui ont autant d'intérêt que les pages, au hasard, de Voici. Difficile effectivement d'être subjugué par l'improvisation de ces deux là, filmées sous la forme d'un Split Screen, la première étant surtout attentive à ce que lui révèle la seconde. Comme le fera plus tard le producteur sous pression, qui peut-être sans le vouloir proposera le seul bon mot de ce Lux Eternae (« « Béatrice Dalle ? Béatrice que Dalle ! »), Charlotte ''Gainsbourrée'' d’anxiolytiques est effacée, écrasée par une Béatrice ''Dalle de plomb'', mâchant ses mots, la mâchoire crispée lors de son monologue inaugural...
 
 
En hommage à Carl Theodor Dreyer et Benjamin Christensen auxquels il emprunte quelques images de deux classiques respectifs (Häxan, La sorcellerie à travers les âges et Jour de colère) et même plus loin au cinéaste allemand Rainer Werner Fassbinder duquel il prélève une citation, Gaspar Noé propose en ouverture ce qui en terme d'intérêt se révélera finalement comme le seul véritable point positif d'une œuvre se noyant dans des conjectures artistiques dont le spectateur est en général laissé dans l'ignorance. Ici, le tournage d'un film sur la sorcellerie qui va tourner à l'aigre lorsque producteur, interprètes, chef opérateur et réalisatrice vont se frotter les uns aux autres. Il n'est pourtant pas tout à fait certain que l'envers du décor doive forcément être envisagé sous cet angle même si l'on connaît la réputation de certains cinéastes. Gaspar Noé ''abandonne'' ses interprètes sans directives apparentes. Ce qui au fond, apporte un semblant de crédibilité mais condamne par contre l’œuvre à une accumulation de dialogues absolument ineptes. À ce titre, le duo Gainsbourg/Dalle rame tant lors des quinze premières minutes que les deux femmes ne savent plus comment s'y prendre pour rejoindre la berge. Reste le montage, le principe du Split Screen utilisé servant sans doute pour tout ou partie à noyer le spectateur lors d'une joute, d'un duel d'images et de sons d'arrière-cour signifiant les coulisses, cette cour des miracles où chacun tente de tirer à soi la couverture. Projet ambitieux mais auquel il manque néanmoins le travail d'ampleur d'un Enter the Void, Lux Eternae arrive en seconde position dans le classement des œuvres les moins convaincantes réalisées par Gaspar Noé... Dommage...

 

vendredi 4 février 2022

Climax de Gaspar Noé (2018) - ★★★★★★☆☆☆☆

 


 

La carrière de Gaspar Noé pourrait se résumer en une ligne partant d'un point A et se dirigeant vers un point...X. De Enter the Void à Love. Du meilleur au pire et, en chemin, disséminé par ordre de croissance selon les goûts de chacun, le reste de sa filmographie. Ces deux là, chacun à leur façon, sont éreintants. Le premier pour ses immenses qualités visuelles et narratives mais surtout, pour son expérience sensitive hors du commun. Comme si son auteur nous conviait alors à nous replonger une nouvelle fois dans le ventre de notre génitrice, baignant dans le liquide amniotique tout en nous nourrissant de son placenta. Le second, pour cette autre forme de sidération qui n'a cette fois-ci plus rien de commun avec celle de Enter the Void duquel il aura fallut prendre du temps pour s'extraire de son univers bien après que la projection fut achevée. Non, celle de Love fut du genre désagréable. Film de cul concernant (consternant?) des actes de pénétration non simulés, si l'on ne pouvait pas reprocher au quatrième long-métrage de l'auteur de Irréversible (et de sa récente Inversion Intégrale) d'être aussi minable que la purge signée de Virginie Despentes et Coralie Trinh Thi et intitulée Baise-moi, dans la catégorie porno-grand public, Love se posait comme une œuvre moins excitante que n'importe quel film érotique du dimanche soir sur M6, n'importe quel porno des rayons X de nos feux vidéoclubs ou n'importe quel cours d'éducation sexuelle. Pas aussi froid que la mort mais dénué de toute émotion, ébranlant ainsi le fan du réalisateur qui pour la première fois ratait le coche. Alors, finis les Seul contre tous ? Les Irréversible ? Les Enter the Void ? C'est à se demander si Gaspar Noé n'avait pas atteint là les limites de son cinéma. Une œuvre qui eu tendance à évoluer avec une telle fulgurance en matière de mise en scène qu'il n'a peut-être désormais plus rien à nous dire...


Ce que laissera d'ailleurs supposer plus tard le moyen (dans tous les sens du terme) métrage Lux Æterna dont les fondations ne tiennent que sur son aspect visuel et certainement pas sur son écriture et sur l'interprétation de ses deux principales interprètes (Béatrice Dalle et Charlotte Gainsbourg). Climax, ce fut un rêve. Celui d'un Enter the Void en mode 2.0. une expérience forcément sensorielle elle aussi. Ce qu'il fut d'ailleurs. Une heure et trente-cinq minutes environ situant l'action dans un établissement, entre piste de danse, couloirs glauques baignés d'une lumière verte, salles de bain, chambres à coucher et local électrique ! Des danseurs réunis pour une ultime répétition et dont les membres, qui après avoir absorbé de la sangria à laquelle fut ajoutée une drogue (que l'on suppose être du LSD), vont littéralement péter les plombs. Techniquement, rien à redire. Gaspar Noé fait le taff et offre entre une succession de mini-séquences en forme d'entretiens, quelques plans-séquence qui ont de la gueule. Une fois encore, le film souffre ici d'un manque flagrant d'écriture. Mais ce qui pouvait être encore envisageable par le passé (sauf concernant Love, je le répète) finit de nous dérouter. Qui donc professait que l'on sortait de l'expérience essorés fut un menteur. Tout au plus avons-nous suivi jusqu'à leur triste sort, cette bande de danseurs constituée d'homme et de femmes, de blancs et de noirs, d'hétéros, d'homos et de bisexuels...


Au départ, franchement, ça le fait. Non pas ces interviews qui servent à peine à présenter des personnages qui de toute manière demeureront insuffisamment caractérisés, mais plutôt lorsqu'ensuite, Gaspar Noé ''se lance'' sur la piste, armé de sa caméra, au dessus des danseurs qui s'agitent pour commencer sur le titre culte du compositeur et musicien français Marc Cerrone, Supernature. Osez dire que vous n'avez pas immédiatement tapé du pied lorsque a retentit le beat de ce fameux track disco ! L'une des richesses de Climax, c'est sa bande originale. Encore faut-il aimer la house, la techno ou l'electro. Petite entorse à la règle, les Rolling Stones viendront faire le ménage en fin de métrage avec leur très belle chanson Angie. Mais d'ici là, on aura tout d'abord droit à tout un tas de discussions sur le sexe, avec en toile de fond, tout de même, un brin de religion et l'évocation de ce drapeau français dont la présence dérangera très rapidement quelques danseurs avec ce que cela peut supposer de discours. Puis tout dégénère finalement assez vite. Chacun y va de son verre de sangria ''augmentée''. On appréciera Gaspar Noé qui promène sa caméra dans tous les recoins, jusqu'aux plus glauques, suivant tour à tour une partie des personnages. Et le spectateur assiste alors à un déluge de cruauté. De celles qui naissent notament de la meute. Tabassage en règle, visage enflammé sous les rires d'une ''spectatrice'' en délire. Soumission, viol... Si l'on est loin de la terrible séquence du tunnel de Irréversible, Gaspar Noé reprend certains principes comme lors de l'ouverture de ce même film dans sa version d'origine de 2002 où sa caméra tanguait alors qu'elle nous proposait une petite visite d'un club gay particulièrement sordide ! Si Gaspar Noé s'impose une fois de plus en virtuose de la caméra, on sort pourtant de l'expérience avec une certaine indifférence. Du moins, l'expérience n'a absolument rien de comparable avec celles des œuvres citées au dessus (excepté pour.... enfin, vous avez compris). Un son énorme, des teintes qui marquent des secteurs plus ou moins risqués (excellente idée au demeurant) des beaux gosses et de jolies filles mais au final, une grosse déception. Et même pas droit à un petit verre de sangria durant la projection...

 

vendredi 4 décembre 2020

Irréversible : Inversion Intégrale de Gaspar Noé (2020) - ★★★★★★★★★★

 


 

Dix-huit ans après le choc Irréversible, le réalisateur Gaspar Noé remonte son film dans une ''Inversion intégrale'', son œuvre la plus connue se déroulant désormais dans l'ordre chronologique. Dix-huit ans... le temps de la maturité pour un long-métrage qui en proposant un montage ''classique'' prend le risque de perdre un peu et même beaucoup de sa saveur et de son intérêt. Hué, sifflé, insulté lors de son passage au festival de Cannes en 2002, Irréversible a fait l'objet de polémiques et surtout d'une incompréhension de la part de certains critiques comme d'un certain public qui n'y voyaient qu'ultra violence, ce que le film proposait tout de même objectivement d'ailleurs, mais pas seulement. En remontant le récit à l'envers, il poussait à l'examen de chaque séquence faisant suite à la précédente. Une réflexion qui prend bien évidemment avec Irréversible : Inversion Intégrale, un sens bien différent. À titre d'exemple, il suffit seulement de reprendre la ''fameuse'' scène de viol qui suivait pratiquement une scène de meurtre déjà bien gratinée. Pas simplement pour sa violence et son réalisme mais parce qu'elle regroupait déjà l'essence même du concept, cette séquence demeure sans doute la pièce maîtresse du long-métrage. Non seulement parce qu'en 2002, elle nous présentait une Alex/Monica Bellucci que le montage à rebours avait empêché de caractériser (d'où une vision très légèrement moins abrupte voire choquante du viol que dans le nouveau montage), mais aussi parce que la dite séquence évoquait au beau milieu du film l'absurdité du meurtre vécu comme sur un bateau ivre en début de récit...


Découvrir désormais Monica Bellucci de face sur la nouvelle affiche n'est pas anodin


On ne reviendra évidemment pas sur l'exceptionnelle interprétation de Vincent Cassel/Marcus, représentation de la fougue et de la jeunesse à portée de main, d'Albert Dupontel/Pierre et ''la raison qui vacille'', mais sans doute plus encore de Monica Bellucci/Alex, la beauté faite femme, humiliée, déchirée, dans son corps et dans son âme. De ce point de vue là, le montage de Irréversible : Inversion Intégrale ne change en réalité pas grand chose. Mais en replaçant cette ''petite chose'', ce ''petit détail'' qui fit toute la différence et donna à certains l'envie de quitter les salles avant la fin de la projection, dans l'ordre chronologique, Irréversible perd de son originalité mais gagne par contre en puissance. Cette puissance que l'on pensait inégalable après la version 2002 et les années suivantes mais qui sur l'échelle de l'indicible parvient à gravir quelques marches supplémentaires. Irréversible : Inversion Intégrale ressemble moins à un divertissement qu'il n'en avait l'air dix-huit ans en arrière.

 

Jo Prestia/ le Ténia: l'un des monstres ''ordinaires'' les plus saisissants


Désormais, le curseur du réalisme est arrivé à son comble. Désormais, on comprend tout de suite mieux le désir de vengeance de Marcus tandis que l'on mettra davantage de temps à comprendre la futilité/absurdité de l'acte meurtrier (ceux qui ont déjà vu le film, quelle que soit sa version, comprendront ce que je veux dire). Surtout, désormais la séquence du viol n'aura jamais paru aussi longue et pénible à regarder que dans cette version. Au point que si cela n'avait pas été le cas jusqu'à présent, désormais il n'est pas idiot d'évoquer la possibilité de détourner le regard. Si la caractérisation n'est ici pas un aboutissement, ouvrir sur une Alex allongée dans l'herbe plutôt que de faire connaissance avec elle dans un tunnel éclairé couleur rouge sang n'a plus le même effet. Alors qu'un étrange sentiment d'espoir naissait de ce voyage des Enfers jusqu'au Paradis, celui que nous propose désormais l'immense Gaspar Noé est une inévitable et définitive plongée dans les entrailles de l'Enfer. On aurait pu penser qu'en 2020, dans un contexte où la violence s'exprime si profondément sur les réseaux sociaux, Irréversible n'aurait plus l'occasion de nous troubler aussi radicalement. Qu'il laisserait ''presque'' indifférent. Ç’aurait été une erreur. Car de ce montage ''à l'endroit'' éclot une œuvre sans doute encore plus grande. Un chef-d’œuvre...

 

mardi 8 mai 2018

Carne (1991) et Seul contre Tous (1998) de Gaspar Noé - ★★★★★★★★☆☆



Carne et Seul Contre Tous sont indissociables l'un de l'autre. Le second est le prolongement du premier. Carne s'apparente aux premiers symptômes d'un cancer tandis que le second développe l'idée d'une maladie définitivement installée dans l'organisme de son porteur. Un cancer en phase terminale. Une tumeur au cerveau qui ne cesse de grandir, jusqu'à troubler les perceptions du malade, ainsi investit par un parasite intérieur qui sans interruption, le conduit à vouloir se venger de ce monde malade qui l'entoure, et ce, quel qu'en puisse être le prix. Une vie de misère. A quoi bon s'y raccrocher, puisque même le fruit des entrailles de la bonne femme avec laquelle il s'est acoquiné, a été souillé. Du moins, le suppose-t-il. Suffisamment en tout cas pour que l'envie de tuer un ouvrier arabe lui écorche l'âme. Carne, c'est d'abord l'histoire d'un boucher chevalin installé dans la banlieue parisienne. Afin d'argumenter le propos, Gaspar Noé provoque d'entrée de jeu la nausée en montrant l'un des emblèmes de la symbiose entre l'homme et l'animal échouer au sol, le crâne perforé par l'impact d'un pistolet d'abattage. Le cinéaste n'est pas ici pour faire semblant. On continue dans le carmin avec l'égorgement de la bête. Un fleuve de sang se déverse de la plaie. Ce même liquide qui reviendra hanter les trente-huit minutes que dure le moyen-métrage de Noé. Toutes les étapes nous sont infligées jusqu'à ce que la viande rouge et saignante vienne échoir dans une assiette. Celle de la compagne de l'anti-héros incarné deux fois de suite par l'acteur Philippe Nahon.
Après la mort, la vie. Et le début des emmerdes. Une mère qui renie son enfant, et un père obligé de l'élever seul. Gaspar Noé film tout d'abord son boucher le visage hors-cadre. Un type ordinaire, pour une existence ordinaire, alors à quoi bon ? Les années filent, mais le rituel est le même. La découpe de la viande, il connaît. Des carcasses par centaines sont passées dans sa boucherie, et pendant ce temps-là, la petite a grandit. Déjà, il ressasse. Les mauvaises pensées le taraudent. Un certain désir incestueux également car, si sa fille prend de l'âge, et des formes, son père continue à prendre soin d'elle comme aux premiers jours. La lavant, l'essuyant, l'habillant même. Ambiance de merde. Couleurs criardes rappelant sans cesse la couleur du sang. Puis survient le drame. Un malentendu.
Après la liberté, la prison. Le sang, encore. Celui de Cynthia. Premières règles témoignant des mutations qui s'opèrent chez cette jeune fille muette. Pour le père, le fait est indéniable. Elle a été violée. Le coupable, un ouvrier arabe. Son outil de prédilection en main, le boucher s'en est allé venger sa progéniture. Un acte gratuit, filmé sans artifices. Un fait divers sordide comme l'est Carne. Un moyen-métrage incommodant se terminant sur un constat amer. Ce même fil conducteur qui ne s'est jamais rompu. Les happy end, Gaspar Noé n'en voulait déjà pas à l'époque. Il abandonne les spectateurs en enfermant son héros en taule et sa fille à l'assistance publique...

Ce n'est qu'après quelques années de prison que l'on retrouve le boucher. Gaspar Noé a eu le temps de mûrir son premier projet de long-métrage. Cinq années durant, le cinéaste repoussera sa réalisation jusqu'à ce que la créatrice de mode versaillaise Agnès Troublé lui donne un coup de pouce financier afin qu'il puisse enfin le mettre en chantier. Seul Contre Tous signifie à travers sa seule appellation, toute la rancœur d'un individu livré à lui-même dans une société qu'il ne reconnaît pas. Philippe Nahon est toujours présent. La jeune Blandine Lenoir également. Nouvelle venue au casting, l'actrice Frankie Pain, éternel second rôle aux formes généreuses qui ici, incarne le rôle de la maîtresse du boucher. Vulgaire, avare, autoritaire. Le genre de femme qu'il ne fallait surtout pas mettre entre les pattes de notre héros. Surtout que la prison n'a pas calmé l'ancien boucher chevalin qui a perdu sa boutique, devenue la propriété d'un commerçant... arabe. Un comble pour notre bonhomme. Deux cents francs en poche, pas de boulot, et vivant aux côtés de sa maîtresse et de sa belle-mère, le boucher étouffe. Mais ce qui semble le répugner encore davantage encore, c'est l'idée d'avoir un gosse avec elle. Car après l'avoir sautée, la voilà qui arbore fièrement un ventre tout rond. Huit ans ont passé entre Carne et Seul Contre Tous, et pourtant, rien n'a changé. Le style est le même. Les couleurs également. Le personnage créé par Gaspar Noé continue de croiser la lie de notre société. Allant même jusqu'à se permettre quelques traits d'humour fort peu innocents (le héros se faisant traiter d'ivrogne par le client d'un bar qui à la suite d'une altercation, demande lui-même au barman de lui resservir un coup).
Si le personnage incarné par Philippe Nahon apparaît jusqu’au-boutiste dans les propos qu'il rumine sans cesse (certains d'entre eux s’entre-chevauchant même), il est facile de ressentir le malaise qui l’étreint puisque la majorité des individus qu'il est amené à croiser sur sa route demeurent absolument répugnants. La maîtresse, le gérant du supermarché, ou bien même la prostituée toxicomane, tous laissent le sentiment d'une humanité parcourue par la misère. Alors que bon nombre de longs-métrages érigent les serial killer comme une nouvelle forme de héros en les jetant directement dans la fosse aux lions, Seul Contre Tous explore ce qui précède la transformation d'un individu en un monstre froid. Le boucher de Gaspar Noé ressemble à ces hommes qui parce qu'ils ont connu la déchéance absolue, ont choisi des chemins de traverse meurtriers. Mais à la manière d'un Michael Haneke, le français exploite le délire de son héros en imaginant une conclusion sanglante qui, par sa propre lâcheté, ou par amour pour sa fille, ne fera finalement l'objet que d'un fantasme évoqué lors d'un visuel graphiquement perturbant. Avant d'abandonner son héros et d'aller planer au dessus d'une rue où jouent quelques enfants demeurés sourds à la tragédie d'un homme né sous une mauvaise étoile...

vendredi 4 mai 2018

Love de Gaspar Noé -2015) - ★★★☆☆☆☆☆☆☆



C'est triste à dire mais Love de Gaspar Noé, arrive trop tard. Trop tard car après Enter the Void, cette œuvre miraculeuse, sommet inaltérable et insurpassable dans la carrière d'un cinéaste qui aura pénétré l'esprit des spectateurs chaque fois que l'un de ses films aura marqué de son empreinte, les écrans de cinéma. Le plus gros plan du film ? L'affiche. Pas celle présentée ci-dessus, mais celle qui voit deux visages s'embrasser. Deux langues collées l'une à l'autre. Deux bouches se dévorant goulûment. Le titre dégoulinant littéralement de stupre n'est que très partiellement représentatif du contenu. Du symbole qu'évoque ce mot de quatre lettres laissant des coulées blanchâtres, ne subsiste que son aspect scabreux car jamais, ou si peu, les personnages ne nous semblent capables d'exprimer ce qu'est le véritable amour.
Love laisse la dérangeante impression de n'être que ce qu'il semble... être. Un film de cul oscillant entre érotisme hard et porno soft. Gaspar Noé n'aurait-il pas, ici, mérité sa réputation de provocateur ? Pourquoi tant de cul, et pourquoi si peu d'émotion ? Et alors, pourquoi ne pas aller au fond des choses et s’embarrasser de certaines limites ? Du cul, de la sueur, du poil, de la queue, des seins, du stupre, mais bizarrement, des pleurs qui tardent à venir et surtout, un trio d'acteurs qui laisse une impression mitigée sur leur réelle valeur d'interprètes. Visuellement, Love se contente du minimum. Surtout si on le compare au précédent long-métrage de son auteur que le spectateur aura forcément la mauvaise idée d'évoquer.

Difficile, et sans doute, même impossible d'aller plus loin qu'avec Enter the Void, les fans demeurent désormais orphelins. Abandonnés par cette émotion qui ne foulera malheureusement jamais les portes d'un dernier long assurément trop... long. Deux heures et une quinzaine de minutes plus tard, on ressort avec le sentiment d'avoir été floués, et sans jamais éprouver cette impression d'avoir passé plus de deux heures dans le tambour d'une machine à laver en mode essorage. Si le précédent nous avait littéralement retourné le cerveau, s'il avait conquis les quatre-vingt dix pour cent du cerveau qui restent endormis du jour de notre naissance jusqu'à celui de notre mort, par opposition, Love a réussit à éteindre les dix pour cents que l'homme utilise au quotidien, nous endormant invariablement au son des gémissements de son trio.

L'amour chez Gaspar Noé est violent, froid (malgré la beauté de certains plans), sans doute à cause de ses interprètes. Love transpire tout sauf ce qu'il est censé vouloir raconter. A-t-on besoin de se déchirer lorsque l'on s'aime ? A-t-on besoin de paradis artificiels ? Et que penser de cette séquence durant laquelle nos amants traînent leurs fantasmes dans une boite échangiste n'ayant rien à jalouser à la boite homosexuelle ouvrant le bal de Irréversible ? Impossible pour le spectateur lambda de se référer à ce récit. A ce trio de marginaux poudrés, accrocs au sexe plus qu'à l'émotion que le sentiment d'amour devrait exsuder. Merde Gaspar, qu'as-tu donc fait de ton prodigieux talent ? Comme Oscar se perdait au dessus des toits de Tokyo, on aurait aimé que le cinéaste provoque une rupture de ton lorsqu'est évoquée l'expérience 'ayahuasca', mais même là, le cinéaste se révèle pantouflard en sans la moindre imagination. On pourra arguer que le propos n'était pas là, et c'est vrai. On pourra même supposer que le cinéaste n'ait pas désiré empiéter sur les plates-bandes de son ami Jan Kounen, et ce serait alors, là, lui faire honneur.

Choquant, Love ? Non, définitivement, non. Trop poli, parfois trop arty pour réellement troubler jusqu'aux ménagères repassant leur linge devant la télévision, le film de Gaspar Noé manque de ce souffle épique auquel on rêvait d'assister. C'est finalement très plat, et relativement banal à une époque où le sexe explicite a tendance à très largement se démocratiser sur les écrans de cinéma. On pourrait pousser le bouchon de la critique négative en arguant que Love est de plus, une œuvre parfaitement misogyne car alors, comment justifier qu'à l'écran, l'orgasme soit presque exclusivement masculin ? Vierge de toute émotion, aussi bavard et chiant qu'une conférence sur l'histoire du timbre-poste, le dernier film en date de Gaspar Noé est une énorme déception...

dimanche 29 janvier 2017

Irréversible de Gaspard Noé (2002) - ★★★★★★★★☆☆




Long plan séquence dans une boite de nuit homosexuelle. Proche de la caricature que se font certains des ces lieux de débauche. De celles dans lesquelles la sueur et le foutre coulent à flots et où cuir, chaînes et sadisme règnent en maîtres. Dans un univers aux teintes rouge sang et à l'atmosphère étouffante voire suffocante, un homme plein de haine et de fureur en cherche un autre. Marcus (interprété par Vincent Cassel), accompagné de son ami Pierre (Albert Dupontel),a semble-t-il une dent contre un troisième homme, le Ténia, dont nous ne tarderons pas à faire connaissance. La première question qui se pose est qu'à donc à bien pu faire cet homme pour que nos deux amis aient pris le risque insensé de pénétrer ce lieu de perdition ou le danger rode dans chaque couloir?
Pour comprendre et accepter la scène qui va suivre, particulièrement abjecte, celle ou l'homme reconnu comme étant celui recherché par nos deux hommes va mourir dans des conditions abominables et devant les yeux émerveillés d'une bande de malades avides de sueur et de sang, il va falloir patienter.
Car le génie de Gaspard Noé, s'il s'agit bien de cela, est d'avoir choisi de nous montrer la conclusion d'un drame qui s'est déroulé quelques temps auparavant et de remonter le fil du temps durant quatre vingt dix minutes. Un acte incompréhensible qui prendra tout son sens lorsque le sus-dit drame arrivera jusqu'à nos pupilles écarquillées par tant de violence. Et ce drame, c'est un viol, une longue agonie vécue par la femme de Marcus et que la caméra n'a même pas la générosité de nous voiler. Dix longues minutes, en plan-séquence, pas une de moins pendant lesquelles ont suit, presque en apnée, le long calvaire d'Alex (Monica Belluci).Une scène d'une crudité rarement atteinte au cinéma.

Gaspard Noé Choque, révulse, écœure, et fascine, posant sa caméra au sol, la laissant tourner sans rien nous épargner. Et c'est alors que de spectateurs, nous voici rendu à l'état de voyeurs. Comment parvenir à garder les yeux ouverts devant cette image terrible d'une femme écrasée au sol, humiliée, seule face à son bourreau qui n'a de cesse de la briser dans son corps et dans son âme? Alors on comprends, on adopte le point de vue de Noé (de Marcus?). On applaudit des deux mains le meurtre que l'on rejetait au départ et qui ouvrait presque le film après un long travelling bancal qu'une musique signée Thomas Bangalter finissait de rendre insupportablement long......jusqu'à la nausée. 

Le film commence donc par la fin et se termine par le prologue.C'est tout bête et pourtant ce détail qui pourrait sembler insignifiant rends la scène finale un brin, si ce n'est, terriblement dramatique. En effet, vu du ciel, notre couple, allongé sur l'herbe, semble couler des jours heureux, il savent leur bonheur total puisqu'Alex attends un enfant de Marcus. L'accomplissement sûrement d'une vie de couple bien "réglée" qu'un traumatisme bientôt va détruire. Et c'est là que Gaspard Noé montre l'étendue de son talent. Plus qu'un vulgaire film basé sur une vengeance, même légitime, il pousse le spectateur à participer à l'histoire, comme un énième personnage et lorsque le générique de fin arrive "enfin", le sentiment qui devrait nous envahir, celui du bonheur, représenté par cette herbe verte et ce couple heureux, est totalement faussé. Car oui, à ce moment là, Marcus et Alex sont seuls au monde et ne vivent que pour eux. Mais nous spectateurs, savons déjà que ce bonheur est éphémère...

Un film "hardcore" dont beaucoup n'ont pas compris le message et c'est bien dommage car il est à mille lieues de l'image du film totalement gratuit qu'il traîne derriere lui...

samedi 4 juin 2016

Enter The Void de Gaspar Noé (2008) - ★★★★★★★★★★



Oscar et Linda, qui depuis tout petits se sont promis que jamais rien ne les séparerait ont pourtant grandit séparément. Alors que leurs parents sont morts dans un accident de voiture lorsqu'ils étaient très jeunes, il mènent leur existence chacun de leur côté en caressant l'espoir de se retrouver un jour. Oscar est installé à Tokyo, et, pour subvenir à ses besoins et pouvoir payer un billet d'avion à Linda, il deale de la drogue. A la recherche de sensations toujours plus fortes, il cherche à se procurer de la DMT, un psychotrope puissant mais aux effets de courtes durée.

Lorsqu'il a réuni assez d'argent, il achète un billet d'avion à Linda et lui propose de venir le rejoindre à Tokyo. La jeune femme y trouve un boulot de danseuse et fréquente Mario, le propriétaire de la boite. Plongé dans la lecture d'un ouvrage consacré à la réincarnation que lui a prêté Alex, l'un de ses rares amis, Oscar doit un soir rejoindre Victor, un jeune garçon avec lequel il est en affaire, à l'intérieur du Void, un bar plutôt mal fréquenté. Mais alors qu'ils se retrouvent à une table, Oscar comprend qu'il a été trahi par son ami. Réfugié dans les toilettes de l'édifice, il jette dans la cuvette la drogue qu'il avait destinée à Victor. Derrière la porte close, la police lui ordonne de sortir. Mais devant son refus, un tir d'arme à feu retentit et Oscar s'effondre. C'est le début pour lui d'une expérience de décorporation...

Gaspar Noé offre à son principal personnage de vivre enfin son rêve. Lui qui espérait un jour survoler Tokyo à bord d'un avion afin de contempler la cité vue du ciel, le cinéaste français lui fait cadeau de cette opportunité. S'il n’effleure pas les nuages, ni même les toitures des immeubles, il traverse cependant les murs de quelques édifices à l'intérieur desquels se concentre l'action. Entre l'appartement d'Oscar, la boite de nuit, le Void et une salle d'autopsie.
N'en déplaise à quelques journaleux des magasines Critkart, Ouest France, Marianne ou encore Première qui ont gerbé sur le long-métrage de Gaspar Noé, il n'en demeure pas moins de mon point de vue un chef-d’œuvre. Peut-être le film de la maturité de la part d'un cinéaste qui ne s'était jusque là jamais manqué. Carne, Seul Contre Tous et Irréversible pour ses projets personnels.

Noé croise le fer entre expérience de mort imminente et diméthyltryptamine, plus communément appelée DMT. Après le trauma causé chez certains par Irréversible et son compte à rebours pourtant fort ingénieux, le cinéaste expérimente ou mieux, réinvente son propre style, celui qui ouvrait déjà son précédent long-métrage. Mais alors que le procédé pouvait créer un certain malaise, voire des maux de tête et des nausées, ici, Noé l'exploite de manière intégrale et pas si inconfortable qu'on aurait pu le croire (le film dure presque trois heures).
D'un point de vue esthétique, Enter The Void nous en met plein la vue. Un Tokyo lumineux, flashy, intégralement recouvert de néons. Un fantasme de geek nourrit aux mangas et aux jeux vidéos. Derrière l'apparat, la descente aux enfers d'un Oscar qui refuse de quitter le monde des vivants et d'y abandonner sa sœur. Une sœur avec laquelle il entretient des rapports parfois ambigus. Une œuvre toute entière filmée en vue subjective. La caméra devient d'ailleurs, si ce n'est le principal, du moins l'un des personnages du film. Comme une descente de shoot, le héros promène son esprit dans un décor qui devient peu à peu de plus en plus étouffant. Jusqu'à ce Love Hotel, temple de la luxure où baisent des dizaines de couples. Tokyo sous la couette. Tokyo à l'horizontale. Tokyo morbide et faussement joyeuse.

Enter The Void est un chef-d’œuvre. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir quelques défauts. Si sa longueur ne cause aucun dommage majeur en matière d'ennui, il aurait mérité quelques coupes ne serait-ce que pour éviter les nombreuses redondances du récit. Beaucoup de scènes se répètent inutilement. Quant à l'émotion, elle s'y fait rare, l'empathie pour ses personnages n'étant pas évidente au premier abord. Mais ces petits défauts ne sont rien en regard du travail remarquable accompli par son auteur. Enter The Void est une tumeur qui s'installe dans votre esprit pour ne plus s'en déloger. Si sous certains aspects le récit demeure froid et certaines situations impersonnelles, le film de Gaspar Noé fait montre d'une éblouissante imagination, jusqu'à un final grandiose. De quoi encore réfléchir et décoder certaines scènes durant des années.

Si sept années (d'angoisse) me furent nécessaires pour visionner Enter The Void tant l'espoir que j'y consacrais était démesuré après l'excellente surprise que fut son Irréversible, je n'attendrai pas une semaine de plus pour consacrer un peu de mon temps à l’œuvre qu'il signa l'année dernière, Love, son dernier long-métrage en date...
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