C'est triste à dire mais
Love de Gaspar Noé, arrive trop tard. Trop tard
car après Enter the Void,
cette œuvre miraculeuse, sommet inaltérable et insurpassable dans
la carrière d'un cinéaste qui aura pénétré l'esprit des
spectateurs chaque fois que l'un de ses films aura marqué de son
empreinte, les écrans de cinéma. Le plus gros plan du film ?
L'affiche. Pas celle présentée ci-dessus, mais celle qui voit deux
visages s'embrasser. Deux langues collées l'une à l'autre. Deux
bouches se dévorant goulûment. Le titre dégoulinant littéralement
de stupre n'est que très partiellement représentatif du contenu. Du
symbole qu'évoque ce mot de quatre lettres laissant des coulées
blanchâtres, ne subsiste que son aspect scabreux car jamais, ou si
peu, les personnages ne nous semblent capables d'exprimer ce qu'est
le véritable amour.
Love laisse
la dérangeante impression de n'être que ce qu'il semble... être.
Un film de cul oscillant entre érotisme hard et porno soft. Gaspar
Noé n'aurait-il pas, ici, mérité sa réputation de provocateur ?
Pourquoi tant de cul, et pourquoi si peu d'émotion ? Et alors,
pourquoi ne pas aller au fond des choses et s’embarrasser de
certaines limites ? Du cul, de la sueur, du poil, de la queue,
des seins, du stupre, mais bizarrement, des pleurs qui tardent à
venir et surtout, un trio d'acteurs qui laisse une impression mitigée
sur leur réelle valeur d'interprètes. Visuellement, Love
se
contente du minimum. Surtout si on le compare au précédent
long-métrage de son auteur que le spectateur aura forcément la
mauvaise idée d'évoquer.
Difficile,
et sans doute, même impossible d'aller plus loin qu'avec Enter
the Void,
les fans demeurent désormais orphelins. Abandonnés par cette
émotion qui ne foulera malheureusement jamais les portes d'un
dernier long assurément trop... long. Deux heures et une quinzaine
de minutes plus tard, on ressort avec le sentiment d'avoir été
floués, et sans jamais éprouver cette impression d'avoir passé
plus de deux heures dans le tambour d'une machine à laver en mode essorage. Si le
précédent nous avait littéralement retourné le cerveau, s'il
avait conquis les quatre-vingt dix pour cent du cerveau qui restent
endormis du jour de notre naissance jusqu'à celui de notre mort, par
opposition, Love a
réussit à éteindre les dix pour cents que l'homme utilise au
quotidien, nous endormant invariablement au son des gémissements de
son trio.
L'amour
chez Gaspar Noé est violent, froid (malgré la beauté de certains
plans), sans doute à cause de ses interprètes. Love
transpire
tout sauf ce qu'il est censé vouloir raconter. A-t-on besoin de se
déchirer lorsque l'on s'aime ? A-t-on besoin de paradis
artificiels ? Et que penser de cette séquence durant laquelle nos
amants traînent leurs fantasmes dans une boite échangiste n'ayant
rien à jalouser à la boite homosexuelle ouvrant le bal de
Irréversible ?
Impossible pour le spectateur lambda de se référer à ce récit. A
ce trio de marginaux poudrés, accrocs au sexe plus qu'à l'émotion
que le sentiment d'amour devrait exsuder. Merde Gaspar, qu'as-tu donc
fait de ton prodigieux talent ? Comme Oscar se perdait au dessus
des toits de Tokyo, on aurait aimé que le cinéaste provoque une
rupture de ton lorsqu'est évoquée l'expérience 'ayahuasca',
mais même là, le cinéaste se révèle pantouflard en sans la
moindre imagination. On pourra arguer que le propos n'était pas là,
et c'est vrai. On pourra même supposer que le cinéaste n'ait pas
désiré empiéter sur les plates-bandes de son ami Jan Kounen, et ce
serait alors, là, lui faire honneur.
Choquant,
Love ?
Non, définitivement, non. Trop poli, parfois trop arty pour
réellement troubler jusqu'aux ménagères repassant leur linge devant
la télévision, le film de Gaspar Noé manque de ce souffle épique
auquel on rêvait d'assister. C'est finalement très plat, et
relativement banal à une époque où le sexe explicite a tendance à
très largement se démocratiser sur les écrans de cinéma. On
pourrait pousser le bouchon de la critique négative en arguant que
Love est
de plus, une œuvre parfaitement misogyne car alors, comment
justifier qu'à l'écran, l'orgasme soit presque exclusivement
masculin ? Vierge de toute émotion, aussi bavard et chiant
qu'une conférence sur l'histoire du timbre-poste, le dernier film en
date de Gaspar Noé est une énorme déception...
merci
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