Enfin de retour avec leur
huitième long-métrage, Gustave Kervern et Benoît Delépine
dirigent ici pour la première fois l'acteur Jean Dujardin. Un projet
de collaboration qui leur tient à cœur depuis 2012 puisque c'est
lors du Festival de Cannes et la diffusion de leur sixième film Le
Grand Soir que le duo lui propose d'incarner le rôle
principal dans un prochain film. Et ce film, ça n'est autre
que I Feel Good,
dernière comédie sociale et délirante de deux hommes qui n'ont pas
perdu leur sens de l'humour si particulier qu'ils cultivent notamment
depuis les diverses émissions auxquelles ils ont participé et ayant pour cadre principal, la
principauté fictive de Groland.
Leur dernier méfait se déroule principalement dans un immense
centre Emmaüs, là où dirige la communauté, la sympathique Monique
Pora qu'incarne la fidèle Yolande Moreau, laquelle a déjà
participé à trois longs-métrages du duo si l'on ne tient pas
compte de sa participation en tant que voix off dans Saint
Amour.
Le récit tourne donc autour d'une sexagénaire physiquement robuste
mais intellectuellement fragile. Sympathique, mais sachant très
exactement comment diriger la communauté. Lorsque réapparaît son
frère Jacques qu'elle n'a pas revu depuis des années, Monique est
heureuse. Pourtant, ce sont deux univers bien distincts qui vont se
télescoper. D'un côté, il y a Monique qui travaille comme elle le
souligne elle-même pour une œuvre à but non lucratif. Ce qui fait
sourire Jacques qui de son côté, rechigne à la tâche et rêve de
trouver l'idée qui le rendra riche. Une idée qu'il a d'ailleurs en
tête depuis quelques temps puisque c'est en rencontrant un vieil ami
qu'il n'avait pas revu depuis longtemps que lui vient l'idée de
proposer aux petites gens de devenir beaux.
Mais chez Gustave Kervern et Benoît Delépine, la beauté d'âme n'a
ici rien à voir avec le projet de leur héros. Non, ici il s'agit
d'évoquer la pratique de la chirurgie dite Low Coast. Une
absurdité ? Pas vraiment puisque ce business consistant à
pratiquer certaines médecines au rabais existe réellement. Pour
aborder ce sujet qui fait tant polémique dans les médias, le duo
n'y va pas avec le dos de la cuillère en invoquant un personnage
trouble, psychologiquement instable et persuadé de pouvoir gagner de
l'argent en proposant aux membres de la communauté Emmaüs
d'accepter de se faire opérer à moindre frais en Roumanie. Une
clinique qui pour environs mille cinq-cent euros donne accès à tous
types de chirurgies plastiques.
Si le sujet traité s'inspire en partie du principe de chirurgie low
cost, Gustave Kervern et Benoît Delépine s'y prennent de manière
fantaisiste avec un Jean Dujardin dont le personnage n'est pas si
éloigné de celui qu'il incarnait dans Le Retour du Héros de Laurent Tirard. Mais cette fois-ci, l'acteur a troqué son costume de mythomane poltron contre celui d'un individu persuadé de tenir les clés de la réussite. Face au caractère profondément humain du projet (redonner la joie de vivre et les outils susceptibles de donner une seconde chance aux membres de la communauté), le spectateur est confronté à toute la vacuité de celui-ci, le personnage de Jacques fonçant tête baissée alors même que l'on sait très rapidement que le projet a peu de chance d'aboutir à un résultat concret. En ce sens, I Feel Good qui, il faut le reconnaître, est assez mollasson durant la première moitié, révèle peu à peu un caractère touchant inattendu. Tour à tour, le personnage de Jacques apparaît comme méprisant (je-m’en-foutiste et mythomane), utopiste (il se voit déjà faire ériger une immense tour de verre à son nom), puis humaniste puisqu'il ira jusqu'au bout pour mener à bien son projet.
Dès que s'enclenchent les différentes étapes menant jusqu'au voyage en Roumanie, révélées sous une forme naïve et touchante, le film prend une tournure beaucoup plus enlevée et humoristique. On retrouve la patte provocatrice de Gustave Kervern et Benoît Delépine à laquelle sont ajoutées les performances de Yolande Moreau, Jean Dujardin, mais également des seconds rôles. Nombre de séquences prêtent à sourire, et même, parfois, à rire.
I
Feel Good est ponctué d'interludes musicaux (la nuit,
certains membres de la communauté s'isolent dans les immenses
hangars Emmaüs pour y jouer qui de l'accordéon, qui du
piano, et même qui de la machine à laver!) et de séquences
totalement absurdes. Si dans un premier temps I Feel Good
laisse entrevoir une œuvre maussade, la seconde moitié vient nous
rappeler que ses auteurs n'ont rien perdu de leur mordant. Sans doute
pas le meilleur film du duo, mais tout de même une très jolie
surprise...
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