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samedi 2 février 2019

I Feel Good de Gustave Kervern et Benoît Delépine (2018) - ★★★★★★★☆☆☆




Enfin de retour avec leur huitième long-métrage, Gustave Kervern et Benoît Delépine dirigent ici pour la première fois l'acteur Jean Dujardin. Un projet de collaboration qui leur tient à cœur depuis 2012 puisque c'est lors du Festival de Cannes et la diffusion de leur sixième film Le Grand Soir que le duo lui propose d'incarner le rôle principal dans un prochain film. Et ce film, ça n'est autre que I Feel Good, dernière comédie sociale et délirante de deux hommes qui n'ont pas perdu leur sens de l'humour si particulier qu'ils cultivent notamment depuis les diverses émissions auxquelles ils ont participé et ayant pour cadre principal, la principauté fictive de Groland. Leur dernier méfait se déroule principalement dans un immense centre Emmaüs, là où dirige la communauté, la sympathique Monique Pora qu'incarne la fidèle Yolande Moreau, laquelle a déjà participé à trois longs-métrages du duo si l'on ne tient pas compte de sa participation en tant que voix off dans Saint Amour.
Le récit tourne donc autour d'une sexagénaire physiquement robuste mais intellectuellement fragile. Sympathique, mais sachant très exactement comment diriger la communauté. Lorsque réapparaît son frère Jacques qu'elle n'a pas revu depuis des années, Monique est heureuse. Pourtant, ce sont deux univers bien distincts qui vont se télescoper. D'un côté, il y a Monique qui travaille comme elle le souligne elle-même pour une œuvre à but non lucratif. Ce qui fait sourire Jacques qui de son côté, rechigne à la tâche et rêve de trouver l'idée qui le rendra riche. Une idée qu'il a d'ailleurs en tête depuis quelques temps puisque c'est en rencontrant un vieil ami qu'il n'avait pas revu depuis longtemps que lui vient l'idée de proposer aux petites gens de devenir beaux.

Mais chez Gustave Kervern et Benoît Delépine, la beauté d'âme n'a ici rien à voir avec le projet de leur héros. Non, ici il s'agit d'évoquer la pratique de la chirurgie dite Low Coast. Une absurdité ? Pas vraiment puisque ce business consistant à pratiquer certaines médecines au rabais existe réellement. Pour aborder ce sujet qui fait tant polémique dans les médias, le duo n'y va pas avec le dos de la cuillère en invoquant un personnage trouble, psychologiquement instable et persuadé de pouvoir gagner de l'argent en proposant aux membres de la communauté Emmaüs d'accepter de se faire opérer à moindre frais en Roumanie. Une clinique qui pour environs mille cinq-cent euros donne accès à tous types de chirurgies plastiques.


Si le sujet traité s'inspire en partie du principe de chirurgie low cost, Gustave Kervern et Benoît Delépine s'y prennent de manière fantaisiste avec un Jean Dujardin dont le personnage n'est pas si éloigné de celui qu'il incarnait dans Le Retour du Héros de Laurent Tirard. Mais cette fois-ci, l'acteur a troqué son costume de mythomane poltron contre celui d'un individu persuadé de tenir les clés de la réussite. Face au caractère profondément humain du projet (redonner la joie de vivre et les outils susceptibles de donner une seconde chance aux membres de la communauté), le spectateur est confronté à toute la vacuité de celui-ci, le personnage de Jacques fonçant tête baissée alors même que l'on sait très rapidement que le projet a peu de chance d'aboutir à un résultat concret. En ce sens, I Feel Good qui, il faut le reconnaître, est assez mollasson durant la première moitié, révèle peu à peu un caractère touchant inattendu. Tour à tour, le personnage de Jacques apparaît comme méprisant (je-m’en-foutiste et mythomane), utopiste (il se voit déjà faire ériger une immense tour de verre à son nom), puis humaniste puisqu'il ira jusqu'au bout pour mener à bien son projet.

Dès que s'enclenchent les différentes étapes menant jusqu'au voyage en Roumanie, révélées sous une forme naïve et touchante, le film prend une tournure beaucoup plus enlevée et humoristique. On retrouve la patte provocatrice de Gustave Kervern et Benoît Delépine à laquelle sont ajoutées les performances de Yolande Moreau, Jean Dujardin, mais également des seconds rôles. Nombre de séquences prêtent à sourire, et même, parfois, à rire.

I Feel Good est ponctué d'interludes musicaux (la nuit, certains membres de la communauté s'isolent dans les immenses hangars Emmaüs pour y jouer qui de l'accordéon, qui du piano, et même qui de la machine à laver!) et de séquences totalement absurdes. Si dans un premier temps I Feel Good laisse entrevoir une œuvre maussade, la seconde moitié vient nous rappeler que ses auteurs n'ont rien perdu de leur mordant. Sans doute pas le meilleur film du duo, mais tout de même une très jolie surprise...

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