Aaltra,
c'est l'histoire de deux hommes auxquels rien ne réussi vraiment.
L'un bosse à Paris, l'autre, à la campagne. Au volant de son
tracteur, le second emmerde le premier en lui barrant la route. Le
quotidien de ces deux hommes qui se haïssent va être bouleversé le
jour où ils vont en venir aux mains devant la machine agricole du
second. Alors qu'ils se sont empoignés, c'est l'accident :
l'énorme benne de l'engin est malencontreusement activée durant la
bagarre et broie les jambes des deux hommes. Ils n'en retrouveront
plus l'usage et après avoir passé quelques temps dans la même
chambre d’hôpital, ils sont priés de la libérer.
Les voici donc désormais
contraints de se déplacer en fauteuil roulant. L'épouse du citadin,
qui le trompait déjà bien avant l'accident a pris la poudre
d'escampette. Alors que les deux hommes n'attendent plus grand chose
de leur existence, se toisant du regard chaque fois qu'il se
croisent, le paysan détecte un vice de fabrication sur la machine
incriminée dans l'accident qui leur a coûté leurs jambes : en
effet, le bouton de sécurité censé stopper la machine en cas
d'alerte ne fonctionne pas. Après avoir calculé eux-même le
montant des indemnités qu'ils croient mériter toucher, il décident
ensemble de partir en Finlande, pays où sont construites ces
fameuses machines de marque Aaltra afin de toucher l'argent...
Tout premier long-métrage
du duo Benoît Delépine et Gustave Kervern, Aaltra ne
risque pas de convaincre ceux qui n'auraient éventuellement pas été
conquis par leurs deux ou trois derniers longs-métrages. Déjà, à
l'époque, les deux cinéastes faisaient preuve d'un humour noir
féroce et de partis-pris risqués. Image dégueulasse, noir et blanc
acnéique, mise en scène et montage anarchiques, scénario
rachitique, dialogues fantômes, tout y est pour rebuter les amateurs
de films esthétisants. Ici, on se fiche de filmer au milieu d'une
foule qui n'a apparemment pas été alertée du tournage et qui
regarde, amusée, la caméra de Benoît Delépine et Gustave
Kervern, eux-mêmes principaux acteurs de leur propre film. De deux
types à la base plutôt médiocres, les cinéastes en font des
handicapés, mais pas de ceux sur lesquels on a l'habitude de se
retourner avec un air de commisération hypocrite. S'ils ne sont pas
forcément sales, affreux et méchants, ils le sont certainement.
N'hésitant pas à piller
dans le sachet de chips d'un gamin ou de vivre de la générosité
d'un couple de hollandais et de leur enfants, nos deux hommes n'ont
rien pour plaire. Aaltra est un road-movie se déroulant
au rythme des véhicules de ses deux interprètes. C'est lent,
parfois même ennuyeux. On s'attend tellement à retrouver la trash
attitude de Groland que les timides et rares scènes allant dans ce
sens apparaissent bien faible au regard d'un récit qui ne nous conte
pas grand chose de passionnant. Du moins, c'est l’a priori que l'on
a lors de la toute première moitié du film. La seconde, elle, nous
offre quelques moments de pure jubilation mais sont-ils assez
nombreux et s'inscrivent-ils dans l'attente qui est la notre pour
satisfaire une attention de plus d'une heure trente ? Pas sûr.
Ce qui l'est par contre, c'est cette certitude que le film du duo ne
laisse pas indifférent, quel que soit le degré d'empathie que l'on
ressente ou non pour ses héros ou simplement pour leur histoire.
Contrairement à ces
œuvres auxquelles on a peut-être la maladresse d'accorder
immédiatement le statut de film culte, Aaltra se
digère bien après qu'il ait été visionné. Un film qui aurait
sans doute mérité un format plus court. Mais ne rechignons pas
notre plaisir car tout de même, on y ressent quelques plaisirs,
comme la présence de Benoît Poelvoorde en fan de moto-cross ou
Bouli Lanners en chanteur finlandais...
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