Poussin ouvre ses chakras
à travers des ouvrages de méditation. Bouli Lanners qui
l'interprète s'y connaît en mantra, lequel témoignait il y a
quelques années en arrière que ''Vivre, ça n'est pas simplement
respirer''. Jeff de Claerke
n'est pas simplement que le chef d'une équipe de dockers. L'homme
travaille sa prose sous la forme de poèmes. Et comme ils ne lui
suffisent plus pour attirer l'attention de celle qu'il aime (la jolie
caissière Roxane qu'interprète Constance Rousseau), son professeur
lui conseille d'essayer l'alexandrin. Au risque lui-même de finir
dans un trou si jamais l'idée ne donne aucun résultat :
''Je-vais-e-ssa-yer-d'é-crire-un-a-le-xan-drin.....
Pour-me-faire-com-pren-dre-de-cette-cai-ssière-jo-lie.....
Et-si-ça-ne-mar-che-pas-cette-fois-en-co-re.....
Je-tue-rai-mon-pro-fe-sseur de po-é-sie.... ça fait onze. Ça
marche pas''. Et le dit
professeur de répliquer ''Je-DE-SCEN-DRAI-mon-pro-fe-sseur
de po-é-sie....''. Ça n'a
l'air de rien mais ces quelques alexandrins figurent à eux seul
l'esprit tout entier de Cette musique ne joue pour
personne,
le dernier long-métrage de Samuel Benchetrit. Où l'amour, la poésie
et la violence communiquent dans une camaraderie incisive. Tourné
dans le Nord de la France, le film exploite l'image pas toujours très
joyeuse et reluisante d'une jeunesse désargentée, avec son accent
Ch'timi
à couper au couteau et ses prolétaires qui passent leur temps
devant la télé à regarder des émissions insipides. Provenant sans
doute moins d'une planète très éloignée de celle où vivent ceux
du centre ou du sud de l'hexagone que les héros de Bruno Dumont
(Coin Coin et les Z'inhumains),
nos personnages, si tant est que le réalisateur les ait caricaturé
à l'excès, sont d'abord touchants et non pas effrayants comme peut
l'être un fait dont on ne comprend ni l'origine ni les intentions...
En cela, l'univers de Samuel Benchetrit se rapproche sensiblement de
celui du duo formé par Benoît Delépine et Gustave Kervern qui
eux-mêmes investissent souvent de mystérieuses contrées où
naviguent l'étrange et l'absurde. Le second rejoint d'ailleurs
l'équipe formée autour de François Damiens, le poète transi
d'amour pour sa caissière en blouse rose. L’œuvre nous impose un
casting en or. Complété par Ramzy Bédia dans le rôle de Neptune
et JoeyStarr dans celui de Jésus. Une équipe brinquebalante qui
oscille entre pureté et ''congestion'' et à laquelle sont également
greffés Vanessa Paradis, Valeria Bruni Tedeschi, Bruno Podalydès ou
Vincent Macaigne pour les plus connus d'entre eux. Malgré son
attitude posée, le scénario semble n'avoir rien à nous raconter.
Tout y transpire la banalité. Mais dans ce quotidien auquel nous
n'aimerions sans doute surtout pas nous référer, le réalisateur
français et son scénariste Gabor Rassov ont la générosité de
ceux qui partent d'une histoire simple pour nous conter le récit
d'individus à l'existence apparemment sage et sans aspérités mais
à laquelle viennent pourtant se greffer des ''détails''
comportementaux savoureusement transgressifs.
Le
récit intéressant peut-être un peu moins Samuel Benchetrit que ses
personnages, on se penchera plus sur leurs différents traits de
caractère que sur leurs actes. Quoique, quoique... Le réalisateur
n'oublie pas ces petits détails qui font la différence. Des
personnages parfois, et même très souvent, maladroits, appliquant
des méthodes inédites pour convaincre par exemple un garçon de
participer à la fête organisée par la fille de l'un d'entre eux ou
pour contraindre l'une de ses camarades, au contraire, à ne pas y
assister. Si vous voulez découvrir une Valeria Bruni Tedeschi triste
à mourir, vautrée dans son canapé devant des émissions débiles
et vêtue de son éternel pantalon de survêtement, ou Vanessa en
actrice de théâtre bègue, Gustave Kervern endossant le costume de
Jean-Paul Sartre, Bouli Lanners menaçant des adolescent(e)s à
l'aide de sacs-plastique ou de sa ceinture ou encore François
Damiens et Ramzy Bédia dans une belle complicité, ruez-vous sur
Cette musique ne joue pour personne.
Simple, poétique, caustique, séduisant. Une jolie surprise...
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