Mosquito State
est le troisième long-métrage du réalisateur américano-polonais
Filip Jan Rymsza après Sandcastles
en 2004 et Dustclouds en
2007. Treize ans séparent ce dernier de ce qui s'apparente
(paraît-il) à une métaphore de la crise financière qui eut lieu
durant l'automne 2008. Si le phénomène reste pour le commun des
mortels comme de lire le chinois sans en avoir appris les bases,
tenter de comprendre le fond du récit risque de s'avérer
particulièrement délicat. Comme peut l'être également le métier
d'analyste, profession du personnage central de cette histoire hors
du commun, au traitement aussi minimaliste que les sinistres décors
dans lesquels il évolue. Entre une salle de réception et le bureau
dans lequel il travaille sur un logiciel qu'il a lui-même conçu (un
algorithme capable de prévoir par avance l'évolution des marchés
financiers), rares séquences qui l'extraient de son univers froid et
impersonnel que représente son appartement, Richard Boca est un
curieux individu. Son intelligence et sa tenue vestimentaire ont bien
du mal à camoufler ses failles. Atteint de troubles du spectre de
l'autisme et du syndrome du savant, ce jeune homme particulièrement
compétent dans le domaine de l'analyse (là encore, toute
méconnaissance sur le sujet mène à l'incompréhension de certains
propos) est l'un des éléments clés de l'entreprise qui l'emploie.
Mais le jour où le logiciel Honeybee
montre une faille que Richard ne semble pas pouvoir expliquer, c'est
tout son univers qui s'effondre. Chez lui, un moustique s'est invité,
qui bientôt va pondre et donner naissance à des milliers de ses
congénères. Le logiciel Honeybee
reposant sur l'étude du comportement des abeilles, le jeune homme
choisi de concevoir un nouveau modèle calqué sur le mode de
reproduction des moustiques. Peu à peu, Richard développe une
véritable obsession pour ses très nombreux hôtes qu'il finit par
nourrir à l'aide de son propre sang...
Sans
être tout à fait aussi saisissant que le Body
Horror
cher au canadien David Cronenberg, Filip Jan Rymsza développe un
univers qui à l'origine devrait questionner sur la santé mentale de
son personnage principal et sur les conséquences physiques qui en
découlent. Entre schizophrénie et paranoïa, son héros plonge la
tête la première dans un univers fantasmagorique dans lequel une
nuée immense de moustique partage son appartement. Richard Boca
qu'interprète l'acteur américain Beau Knapp semble être le seul à
remarquer l'urgence de découvrir la raison pour laquelle le logiciel
de sa conception réagit de manière si inquiétante. Et d'ailleurs,
on se demande dans quelles proportions la maladie qui le touche
n'est-elle pas responsable de son état de délabrement physique et
intellectuel qui le poussent à se méfier de son collègue et
concurrent direct. Une existence que le jeune homme a toujours su
contrôler à la perfection. Du moins, jusqu'à ce qu'arrive dans son
existence la belle Lena del Alcazar qu'interprète l'actrice
espagnole Charlotte Vega. Laquelle s'invite chez lui après une
réception organisée par sa entreprise et avec laquelle l'homme va
partager une bouteille de vin bouchonné. Un détail ? Pas
vraiment puisque c'est justement à partir de cet élément
apparemment anodin que l'existence et la raison de Richard vont
vaciller...
Dire
que Mosquito State
est une œuvre étrange serait un euphémisme. Toute l’œuvre est
parcourue par le sentiment de n'être qu'un rêve opaque et froid.
Les décors de l'appartement sont à l'image du héros. Impersonnels.
Incapable pour le spectateur de s'y raccrocher comme il devient très
rapidement inenvisageable de comprendre le mode de pensée de
Richard. Le réalisateur américano-polonais réalise ici sa version
de La Mouche
sans pour autant avoir l'impact émotionnel du long-métrage de David
Cronenberg. C'est à un autre type de science auquel nous confronte
Filip Jan Rymsza et sans nous donner aucune clé dès le départ, il
abandonne son public aux dérives de son personnage. Les spectateurs
atteints d'entomophobie qui ne supportent pas d'être enfermés dans
la même pièce qu'un moustique risquent de ressentir de réelles
démangeaisons. Comme le héros, atteint d'impressionnants boutons
qui se développent sur son visage puis sur tout le corps. À trop
vouloir garder une certaine distance entre son personnage et les
spectateurs, Filip Jan Rymsza empêche toute projection. Le mal qui
le ronge physiquement et intellectuellement, sans tout à fait nous
laisser indifférents, n'a pas l'impact affectif auquel il aurait dû
prétendre. On ne ressort pas de l'expérience éreintés, la gorge
serrée, émerveillés par le spectacle auquel on vient d'assister.
Juste avec cette impression d'avoir collaboré à une œuvre pas tout
à fait accomplie, presque dénuée d'âme et de sentiments. Mosquito
State
n'est donc pas le genre de film que l'on garde en souvenir comme
l'une des expériences cinématographiques les plus intenses. Le
long-métrage de Filip Jan Rymsza est donc un semi-échec malgré une
volonté de bien faire, un Beau Knapp convainquant, une bande-son qui
crée l'ambiance et des décors glaçants...
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