Popularisé en 2021 grâce
à la série événement Squid Game,
le réalisateur sud-coréen Hwang Dong-hyuk n'en était cependant pas
à son premier coup d'essai. Auteur de deux courts-métrages en 2000
et 2004 puis d'un premier long en 2004 (Ma-i
pa-deo),
il a signé en 2011 Do-ga-ni,
sorte d'électrochoc adapté d'un fait-divers aussi tragique,
bouleversant, qu'authentique. Une œuvre qui n'hésite parfois pas à
se faire très démonstrative afin de montrer toute l'horreur des
actes qui furent perpétrés dans l'enceinte de l'école de Gwangju
Inhwa située à plus de trois-cent kilomètres au sud de Séoul.
C'est au cœur de cette institution chargée d'éduquer de jeunes
enfants tous atteints de surdité que certains d'entre eux ont été
victimes de maltraitances. Battus, violés, voire même assassinés...
Do-ga-ni se
penche donc sur cette affaire qui révulsa un pays tout entier. Sans
paternalisme outrancier, le film romance finalement assez peu le fait
divers pour lui coller à la peau comme un vieux sparadrap. L'affaire
de l'école de Gwangju Inhwa a tout d'abord inspiré l'écrivain
sud-coréenne Gong Ji-young qui en 2009 adapte le fait-divers à
travers l'ouvrage Les
enfants du silence (à
ne pas confondre avec la pièce de théâtre éponyme de Mark Medoff
et Hesper Anderson qui fut elle-même à l'origine d'une adaptation
sur grand écran sur le sujet d'un professeur et d'une école pour
sourds et malentendants). On retrouvait déjà dans le roman de
Gwangju Inhwa, le personnage du professeur fraîchement débarqué
dans l'école et très rapidement témoin des violences qui y sont
commises par certains professeurs et responsables de
l'établissement...
Entre
des actes qui ne sont pas simplement retranscrits à travers les mots
mais concrètement exposés à travers l'image, toute l'horreur ou
presque des viols et des coups portés sur des gamins d'une dizaine
d'années nous est imposée lors de séquences parfois difficiles à
regarder en face. D'où l'importance du jeu des jeunes interprètes
qui miment la souffrance avec un réalisme qui parfois donne le
vertige. Hwang Dong-hyuk déshabille ses gamines de douze ou treize
ans devant la caméra et exhibe un jeune garçon, le visage tuméfié
devant les sévices que lui fait endurer en direct l'un de ses
professeurs. Les coups semblent si bien portés qu'on a parfois
l'impression d'assister au passage à tabac en règle de son jeune
interprète. Toute la difficulté est ici de démontrer non seulement
la violence dont fait preuve une institution chargée à l'origine de
la protection de ses pensionnaires tandis que de simples témoins
inactifs, certains profs deviennent tout aussi méprisables, que
celle de montrer combien le chemin vers l'obtention de la vérité et
de la justice est rude. Et même, lorsque cette dernière s'impose de
nature lors du verdict mettant en accusation le directeur de
l'établissement, son frère, ainsi que l'un des professeurs de
l'école, pas sûr que soit réellement pris en compte le degré de
gravité des faits. C'est un peu une habitude mais comme l'on s'y
attend, les enfants sont à minima traités comme des handicapés
mentaux (l'affaire de l'infâme Émile Louis et des disparues
de l'Yonne n'est
pas très loin) tandis que les responsables, parfaitement intégrés
à leur société, risquent moins que les horreurs qu'ils ont
infligées à leurs jeunes victimes...
On
louera les qualités du film dont seuls les éléments à charges
(mais doit-il d'ailleurs y en avoir seulement à décharge dans ce
genre d'affaire ?) désamorcent le suspens tant attendu lors du
procès. L'accusation et les témoins se défendent si bien que l'on
n'a jamais réellement l'occasion de douter de la conclusion du
procès. Tout au plus la sentence a-t-elle de quoi nous révulser.
Tandis que Jang Gwang interprète le rôle double et abject du
directeur et de son frère, on remarquera l'exceptionnelle
interprétation de Gong Yoo qui joue le rôle de Gang In-Ho, ce jeune
professeur sans lequel le fait-divers se perpétrerait peut-être
encore aujourd'hui. Et que dire du trio de jeunes acteurs,
terriblement crédibles et touchants. Leur jeune âge ne les empêche
pas d'interpréter leur personnage respectif avec une très grande
lucidité et avec beaucoup de sincérité. À noter qu'après la
sortie du film en 2011, une pétition signée par quarante mille
personnes circula afin que l'enquête sur l'affaire soit rouverte.
Malgré sa durée qui dépasse de peu les cent-vingt minutes, on ne
s'ennuie pas un seul instant devant Do-ga-ni.
La Corée du sud a une fois de plus tapé dans le mille avec cette
histoire sordide très intelligemment mise en scène...
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