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dimanche 10 mars 2024

Pauvres Créatures de Yórgos Lánthimos (2024) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

Chaque année apporte son lot de bons et même, d'excellents films. Mais pour pouvoir assister à la projection d'œuvres telles que Pauvres Créatures, il faut parfois se montrer patient et attendre une décennie toute entière. Après avoir été profondément interloqué par la bande-annonce non pas pour l'intérêt que pouvaient engendrer les quelques images mises à disposition avant la sortie du film sur grand écran mais pour le désintérêt qu'elles me procurèrent, il fallait au moins que le nom du réalisateur grec Yórgos Lánthimos s'affiche à l'écran pour voir naître en moi une certaine curiosité. Le sien mais aussi celui de l'acteur américain Willem Dafoe dont la carrière a pris un essor fulgurant depuis le début des années 2000. Yórgos Lánthimos est l'homme que certains tentent d'abattre chaque fois que sort l'un de ses nouveaux délires en salle obscure. Mais ces réducteurs de têtes qui depuis son Canine de 2009 cherchent par tous les moyens à le prendre dans leurs filets auront bien du mal en cette année 2024 à faire du réalisateur et dramaturge leur nouveau trophée de chasse ! Plus de deux-cent ans après sa toute première publication sur le territoire britannique, le roman de Mary Shelley Frankenstein ou le Prométhée moderne continue à faire des émules. Avec son dernier long-métrage Yórgos Lánthimos est donc quasiment en terrain conquis. Sauf que le bonhomme semble avoir des ambitions narratives et esthétiques qui s'éloignent drastiquement de l’œuvre originale. Le grec convie aux noces de sa nouvelle égérie, le français Bertrand Mandico, l'américano-britannique Terry Gilliam, l'américain Wes Anderson et parfois même le créateur de jeux vidéos Ken Levine, auteur notamment de Bioshock Infinite avec lequel Pauvres créatures partage certaines ''visions''... De ce dernier, il emprunte l'approche rétro-futuriste et s'emploie à remanier l'architecture de Lisbonne ou de Paris en offrant à leurs ruelles et leurs façades une nouvelle patine et des moyens de locomotion qui demeurent encore à ce jour, pur fantasmes. Retrouvant Emma Stone après l'avoir dirigée dans La favorite cinq ans auparavant, Yórgos Lánthimos la transforme en créature, en pantin désarticulé dont les origines repoussent le concept originel sur lequel reposait le roman de Mary Shelley.


Ici, il n'est plus simplement question de créer la vie à partir de bouts de cadavres mais bien d'implanter le cerveau d'un bébé né urgemment sous césarienne dans la boîte crânienne de sa propre génitrice morte noyée ! Au temps où le féminisme sur grand écran semble être devenu un genre à part entière, l'on jugera ou non du bien-fondé du terme employé même si de toute évidence, le film est presque intégralement porté par l'interprétation d'Emma Stone qui dans le rôle de Bella Baxter, passera de la marionnette disloquée dont l'âge mental ne dépassera tout d'abord pas celui en rapport avec le tout jeune cerveau qui lui fut implanté pour se diriger ensuite vers sa propre émancipation et le passage en accéléré à l'âge adulte. Un voyage curieux, inédit, fantasmagorique mais aussi très drôle, à la limite parfois du burlesque et de l'incongru. De l'érotisme aussi, parfois, lorsque l'héroïne découvre sa propre sexualité par des moyens qui là encore, sont loin de rejoindre l'apprentissage tel qu'il est généralement enseigné. Willem Dafoe incarne le docteur Godwin Baxter, ''père'' de Bella et scientifique un brin dérangé qui poursuit les travaux que son père mena sur lui dès sa plus tendre enfance. Mark Ruffalo, lui, interprète le rôle du Duncan Wefferburn, personnage que l'on nommait en un temps ancien ''coureur de jupons'' et qui désormais est plus couramment connu sous le nom de ''prédateur sexuel''. Si l'apprentissage de Bella atteint son aboutissement lors de la conclusion, le chemin sera pavé de très nombreux pièges auxquels la jeune femme saura faire face du haut de sa pureté.... virginale... qui ne le demeurera guère longtemps puisque le film multipliera les séquences de sexe. Peut-être en trop grand nombre d'ailleurs, trahissant alors sans doute les limites d'un scénario qui regorge par la suite davantage de séquences visuellement bluffantes que de réels ressorts dramatiques, lesquels finissent par s'épuiser. Le film n'aurait-il d'ailleurs pas mérité d'être quelque peu resserré sur sa durée ? Toujours est-il que Pauvres créatures est une expérience cinématographique fort réjouissante, parfois graphiquement époustouflante et remarquablement interprétée...

 

dimanche 16 janvier 2022

The Lighthouse de Robert Eggers (2019) - ★★★★★★★★★☆

 


 

Quatre années après avoir signé le remarquable The Witch, le réalisateur et scénariste américain Robert Eggers revenait en 2019 avec son second long-métrage The Lighthouse. Une œuvre différente, moins portée sur le fantastique et qui outre plusieurs nominations remporta notamment la même année, le prix FIPRESCI (prix de la critique internationale) au festival de Cannes. N'abandonnant pas pour autant son style visuel et narratif, Robert Eggers plonge avec The Lighthouse ses deux principaux interprètes (auxquels s'ajoute l'actrice Valeriia Karaman) au cœur d'une œuvre troublante, fantomatique et terriblement anxiogène filmée en noir et blanc et au format 4/3 dont l'usage remonte au tout début du vingtième siècle. Un choix relativement étonnant mais encore utilisé avec parcimonie de nos jours. Si ce choix peut sembler curieux, son utilisation s'avère en revanche tout à fait appropriée puisque resserrant autour des deux personnages, une intrigue déjà fortement emprunte d'anxiété. Celle qui dans le cas présent concerne deux gardiens de phares qui vont non seulement devoir se confronter à une tempête à venir mais aussi et surtout à des secrets que chacun d'eux semble vouloir préserver. Situant son action sur un îlot, loin des terres habitées, The Lighthouse saisit presque immédiatement par son ambiance. Le noir et blanc et le format jouant un rôle prépondérant dans l'évolution du récit, du caractère des personnages qu'interprètent admirablement Willem Dafoe, fidèle collaborateur du réalisateur Abel Ferrara ainsi que Robert Pattinson dont la carrière a véritablement explosée dès l'année 2008 avec la franchise Twilight)...


Ici, les deux acteurs s'affrontent lors d'un véritable duel de caractères. Le premier figurant un ancien capitaine au long cours, ayant tout vu, tout vécu, transformé en gardien de phare bourru jusqu'à la moelle face à une nouvelle recrue ayant quitté son pays d'origine, le Canada, où il exerça le métier de bûcheron avant d'être transporté jusqu'à cette île afin de changer d'existence. Robert Eggers imprime à son second long-métrage une atmosphère sombre, étouffante et putride. Un caillou balayé par les vents, humide, glissant, plongé le plus souvent dans une obscurité que seule la lanterne du phare semble encore capable d'illuminer. Un objet de convoitise pour le jeune Ephraim Winslow mais que compte bien conserver comme privilège personnel, le bougon Thomas Wake. Drame au cœur duquel les légendes maritimes (celle de la sirène, notamment, qu'interprète donc Valeriia Karaman, ou les récits de capitaine de navire que conte à la jeune recrue, le vieux Thomas Wake) s’amoncellent en couches successives pour arriver à un point de non retour où ces récits fantastiques (au sens propre comme au figuré) prennent forme. L’œuvre n'est pas très éloignée de l'univers d'un certain Howard Phillips Lovecraft, écrivain dont l'approche romancée de l'indicible explose ici à diverses occasions. Le film de Robert Eggers nous happe par son incroyable ambiance faite d'images en noir et blanc sombres et mortifères. Une carte postale de fin du monde à l'échelle d'un îlot où les vagues, menaçantes, ne cessent de grandir jusqu'à nous donner l'impression que celui-ci sera prochainement englouti sous des eaux tempétueuses...


Légende encore lorsqu'est évoqué le mythe selon lequel tuer une mouette pourrait porter malheur. Un signe qui ne trompe pas et qui dans le cas présent fait sans doute porter à Ephraim Winslow une part de responsabilité dans les événements qui vont se produire. La notion du temps perdant ici de sa valeur, nos deux gardiens vont souffrir de manques importants. Isolement, solitude, appétit sexuel, remords, et si l'on tient compte du réalisateur lui-même qui évoquait que ''Rien de bon ne peut arriver quand deux hommes sont isolés dans un phallus géant'', les rapports de maître à... ''esclave'' que porte en lui le long-métrage ne peuvent engendrer que désordre moral et désobéissance. Il serait facile d'encourager celles et ceux qui n'ont toujours pas découvert ce joyau en exposant les nombreuses fulgurances visuelles dont est doté The Lighthouse. Mais ce serait sans doute prendre le risque de faire perdre un peu d'intérêt à une œuvre qui mérite que l'on en conserve tout ou partie de ses secrets. Un long-métrage véritablement envoûtant, porté par deux très grands interprètes. Un cauchemar sublimé par la photographie de Jarin Blaschke et par l'exceptionnelle bande-son de Mark Korven qui en outre collabora déjà avec Robert Eggers sur son premier long-métrage. Après deux longs-métrages plus que convaincants, nul doute que l'on attende son prochain film intitulé The Northman actuellement en post-production...

 

jeudi 3 juin 2021

John Wick de David Leitch et Chad Stahelski (2014) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

Fallait pas tuer Daisy ! Ce mignon petit chiot de sexe féminin, dernier cadeau offert par l'épouse récemment décédée de John Wick. Fallait pas non plus lui voler sa mustang datée de 69, ni débarquer chez lui et le laisser pour mort. Après s'être reconverti en mari aimant loin de sa carrière d'ancien tueur à gages, John Wick rempile dans l'objectif de remonter jusqu'à Iosef Tarasov, le fils d'un grand patron de la pègre connu sous le nom de Viggo Tarasov. Armé jusqu'aux dents, vêtu d'un costume de couleur sombre impeccable, barbe de trois jours et cheveu mi-long laqué, John Wick fait mal à tous ceux qui l'ont précédé et n'en déplaise à toutes celles et ceux qui ergotent sur le devenir du genre en proclamant que le Hutch Mansell de Nobody lui est supérieur, ses successeurs auront bien du mal à rivaliser. Si l'acteur Bob Odenkirk et le réalisateur Ilya Naishuller assurent sept ans plus tard le transport de la marchandise jusqu'à bon port, faute sera à moitié pardonnée au scénariste Derek Kolstad d'avoir repris dans les grandes lignes son propre script jusqu'à opposer au (super)héros, de bons gros méchants tout droit issus d'origines slaves, tout comme en 2014. Un grand millésime que cette année là. Non, sans déconner l'ancêtre Léon (Luc Besson, 1994) peut être fier de cette progéniture qui fit des petits chaque décennie lui succédant.


Taken de Pierre Morel avait su y ajouter une très belle dose d'action avec un Liam Neeson ultra-charismatique. Mais en 2014, John Wick devait rivaliser avec un adversaire de poids en la personne de Robert McCall que devait incarner l'acteur Denzel Washington dans Equalizer d'Antoine Fuqua. Fallait choisir son camp. Ou plutôt, non ! Pourquoi pas après tout se délecter des deux ? John Wick, c'est avant tout autre chose l'acteur Keanu Reeves. D'un charisme absolu, en homme survitaminé que pas même les balles et les coups de couteaux ne parviennent à faire tomber, il n'en demeure pas moins humain et plie parfois devant plus fort que lui. C'est alors là qu'intervient toute la fantaisie du personnage créé par Derek Kolstad. Se comportant tantôt comme n'importe quel super-héros capable de se sortir de situations inextricables pour le commun des mortels, il montre cependant certaines faiblesses. Plus que le film bourrin qu'il paraît être, John Wick semble vouloir d'entrée de jeu faire passer un message : celui de l'émotion. Celle qui touche au Cœur, exploit réalisé en seulement quelques minutes. Une fois démontrée leur capacité en la matière, les réalisateurs Chad Stahelski et David Leitch changent de braquet et nous proposent un spectacle total, entre gunfights, art-martiaux, courses-poursuites et explosions. Pas ou peu.... Non, en fait, pas du tout de gentils à l'horizon. John Wick dépeint un univers sombre dominé par l'argent et divers trafics dont le détail nous est étonnamment épargné.


Un monde parallèle où la police ne s'étonne pas de découvrir en arrière-plan d'un appartement un cadavre allongé sur le sol mais où le spectateur s'étonnera peut-être, lui, de la voir retourner jusqu'à sa voiture sans demander d'explications à John Wick. Chorégraphies de combats et de gunfights au millimètre, un Keanu Reeves envoûtant et un parterre d'acteurs totalement fou : Michael Nyqvist interprète le rôle de Viggo Tarasov. Assez poltron pour être capable de vendre son fils pour sauver sa peau. Adrianne Palicki incarne Mlle Perkins, sorte de James Bond girl déviante, aussi séduisante qu'inquiétante. Et puis, bien sûr, Willem Dafoe, qu'on ne cesse jamais d'aimer chaque fois qu'il apparaît sur un écran et qui dans le cas présent interprète Marcus, ce sniper chargé d'éliminer le perturbateur... John Wick est absolument jouissif. C'est violent, très meurtrier (on ne compte plus les morts une fois la trentaine de cadavres passée), rythmé par la bande-son de Tyler Bates et Joel J. Richard, les combats sont, une fois n'est pas coutume, parfaitement lisibles malgré des environnements qui rendent parfois les choses complexes (la boite de nuit, ses centaines de figurants et ses éclairages stroboscopiques). Pour un budget ''riquiqui'' de vingt millions de dollars, le film rapportera presque cinq fois la mise sur le plan international. Un joli succès qui sera à l'origine d'une séquelle trois ans plus tard réalisée cette fois-ci par Chad Stahelski tout seul sur un scénario une fois encore écrit par Derek Kolstad...

 

jeudi 29 avril 2021

New Rose Hotel d'Abel Ferrara (1998) - ★★★★★★★☆☆☆

 


 

Attention ! Risque de Spoilers ! Jusqu'à ce que la fin du monde ne vienne mettre un terme à l'existence de tout être humain sur Terre avec son dix-septième long-métrage cinéma 4:44 Last Day on Earth réalisé en 2011, le cinéaste américain Abel Ferrara se fit le chantre d'une humanité déchirée et corrompue de quelque manière que ce soit, à la recherche de la rédemption. Dans un univers underground sans cesse en mutation parcouru par des individus déviants (du peintre-tueur à la perceuse de Driller Killer à la victime muette d'un double-viol se transformant en une justicière tueuse d'hommes dans L'ange de la vengeance jusqu'au flic corrompu de Bad Lieutenant), ce cinéaste particulièrement bien cerné dans le documentaire de Rafi Pitts Not Guilty fut un lion en cage libéré de ses entraves qui en dehors du circuit hollywoodien (hormis les deux longs-métrages Body Snatchers et Snakes Eyes tous deux réalisés en 1993) produisit une succession de films particulièrement sombres. Et qui trouvèrent pour la plupart d'entre eux, des fans pour ériger l'un ou l'autre au statut de chef-d’œuvre ultime. Certains citeront donc Bad Lieutenant, d'autres The King od New York, ou encore The Addiction. Il y en aura même pour évoquer New Rose Hotel, son treizième long-métrage, qui plutôt que de révéler l’œuvre maudite qu'aurait pu revêtir son classement dans la filmographie cinématographique d'Abel Ferrara, fut le signe d'une sensibilité élevant l’œuvre au rang de chef-d’œuvre... Ce qui au départ, n'est pas une mince affaire. Car en effet, New Rose Hotel semble n'avoir bénéficié que d'un budget des plus infime...


Ce que retranscrit l'image, sorte de compromis entre le grain très marqué de caméras de surveillance et l'horrible direct-to-video qui accorde à bon nombre de films un sort peu enviable. Pourtant, si l'on se réfère à l'historique de New Rose Hotel, le film a bien connu une sortie en salle, même limitée. L'aspect du long-métrage tranche bizarrement avec son casting que l'on considérera en partie de cinq étoiles. On y retrouve en effet l'acteur Christopher Walken, prodigieux chez le David Cronenberg de The Dead Zone en 1985 et icône du monstrueux The King of New York dans lequel Abel Ferrara lui offrit le rôle-titre cinq ans plus tard). La sulfureuse italienne Asia Argento (fille du maître du giallo Dario Argento), dont la côte est, faut-il le rappeler, hautement surestimée ( Le Livre de Jérémie, en 2004) et qui interprète ici la prostituée Sandii. Enfin, Willem Dafoe qui allait devenir l'un des fidèles interprètes du cinéaste avec pas moins de sept longs-métrages en commun, documentaire compris... New Rose Hotel est ici, plus sombre dans le traitement visuel que dans la thématique généralement développée par Abel Ferrara. Amour, passion, manœuvres et trahison sont au cœur d'une intrigue pas toujours intelligible au centre de laquelle sinuent nos trois principaux interprètes. Christopher Walken et Willem Dafoe y incarnent respectivement Fox et X, deux espions industriels. Et Asia Argento, la prostituée à laquelle il vont faire une très alléchante proposition : celle de gagner un million de dollars en séduisant un généticien japonais du nom de Hiroshi. C'est la base d'une intrigue qui laissera peu à peu entrevoir le jeu de séduction ET de trahison des uns et des autres, Fox et X faisant finalement figures d'apprentis plongés dans une affaire dont ils ne soupçonneront pas les ramifications...


Filmé comme un cauchemar intemporel situé dans un univers tortueux que les différentes approches visuelles et esthétiques empêchent de voir autrement que comme un mauvais rêve, New Rose Hotel cherche sans doute à se comporter comme une histoire d'amour underground tout en ayant comme résultat que d'apparaître comme un soap déliquescent peu aidé, il est vrai, par des moyens qui s'apparentent au mieux, à de la technique au rabais. On notera l'absence du fidèle compositeur Joe Delia qui après The Black Out l'année précédente ira faire carrière chez d'autres réalisateurs. En prenant comme principaux interprètes deux des plus charismatiques acteurs de leur époque en la personne de Christopher Walken et Willem Dafoe, Abel Ferrara fait le lien entre celui qui quittera l'aventure ''Ferrarienne'' et le second auquel sera transmise la lourde tâche de prendre le relais. Comme un salut à l'artiste, Christopher Walken disparaîtra alors derrière un sourire narquois et désabusé lors d'une séquence qui, si elle n'était pas si tragique, ferait sourire tant elle semble absurde. Séduisant non seulement Willem Dafoe/X, la caméra mais également le spectateur, Asia Argento envoûte littéralement le cadre, ce qui n'empêche pas le réalisateur d'en faire l'un des atouts essentiels d'un drame auquel X ne survivra peut-être pas. Prolongeant l'errance de son ''héros'', jusqu'à rendre douloureuse la séparation, Abel Ferrara signe sans doute effectivement, l'un de ses plus beaux films. Non dans le sens esthétique, mais bien dans l'humanisation de ses protagonistes...

 

samedi 6 janvier 2018

What Happened to Monday de Tommy Wirkola (2017) - ★★★★★★☆☆☆☆



Le long-métrage What Happened to Monday connu chez nous sous le titre Seven Sisters pourrait se résumer en quelques mots : Curiosité, excitation, déception. Curiosité, car la thématique de la dystopie est un sujet passionnant qui a donné lieu, en de nombreuses occasions, à d'excellentes surprises. Excitation, car la présence décuplée de l'actrice suédoise Noomi Rapace, de surcroît aux côtés de Willem Dafoe et Glenn Close, est une donnée non négligeable. Déception, car davantage que l’œuvre d'anticipation profonde à laquelle le spectateur aurait pu prétendre assister, le film de Tommy Wirkola se mue en un film où l'action domine tous les autres champs d'investigation. Pourtant, tout avait débuté sous les meilleurs augures. Un casting hétéroclite, un sujet, pourtant mainte fois abordé, auquel accède le cinéaste norvégien sous un angle intéressant, et d'époustouflants effets-spéciaux numériques.
De cette œuvre de plus de cent-vingt minutes ne se détacheront finalement que les trente ou quarante premières. Celles durant lesquelles le spectateur découvre l'univers pessimiste dans lequel vit désormais l'humanité en cette année 2073. Le sujet de la surpopulation n'étant pas tout neuf, il fallait absolument élargir le thème de l'enfant unique. C'est la raison pour laquelle, Noomi Rapace ne campe non pas une, ni deux sœurs jumelles dans un monde qui n'accepte qu'un seul enfant par couple, mais sept.

Et sept, cela implique la présence de la suédoise dans la peau d'autant de personnages différents. Plus encore que les différentes apparences auxquelles a dû se plier l'actrice, c'est dans le comportement de ces sept sœurs prénommées chacune d'un jour de la semaine que la véritable performance est mise à jour. Noomi Rapace, en endossant les rôles de Lundi, Mardi, Mercredi, Jeudi, Vendredi, Samedi, et de la dernière à sortir du ventre de leur mère, Dimanche, a dû faire montre de ses talents d'interprète pour qu'à l'écran, le spectateur n'ait pas l'impression d'assister à l'incarnation d'une seule actrice mais bien de sept personnages aux forces, aux faiblesses, aux humeurs et aux sensibilités diverses. Sur ce point, le contrat est parfaitement rempli. Dans le genre, le procédé montrant un interprète unique jouer différents personnages s'entrecroisant à l'écran est une prouesse. La caractérisation des personnages, si elle n'est pas poussée dans ses derniers retranchements, est suffisamment étudiée pour que l'on parvienne à dissocier Noomi Rapace selon qu'elle interprète Lundi, Mardi, ou l'une de leurs cinq sœurs.

Lorsque survient la première et très efficace scène d'action durant laquelle les filles, vivant par elles-mêmes depuis la mort de leur grand-père (excellent Willem Dafoe), on se dit que, oui, pourquoi pas. D'autant plus qu'avec ses deux heures et un scénario qui n'a finalement pas l'air d'avoir envie de se développer au delà de l'idée toute simple de sept sœurs survivant dans un monde qui n'accepte qu'un seul enfant par foyer, le film risque de tout bonnement tourner en rond. Lorsque l'une des sœurs disparaît, on imagine alors le scénario se développer de manière intelligente. Alambiquée. Labyrinthique. Malheureusement, l'intérêt initial de cette œuvre que l'on espérait aussi riche en émotions et en interrogations que les meilleures du genre finit par se laisser aller à une accumulation de facilités. Les incarnations de Noomi Rapace tombent chacune à leur tour sur le champ de bataille. Le tout sous un amoncellement d'invraisemblances qui caractérisent et se généralisent depuis quelques années au cinéma. De menus détails (ouverture de porte par lecture d'iris générant une incohérence scénaristique, le grand méchant interprété par l'excellent Christian Rubeck survivant au souffle apocalyptique d'une explosion) qui montrent bien, pourtant, que le scénario n'est pas infaillible. Ou du moins, que ses auteurs Max Botkin et Kerry Williamson et le réalisateur Tommy Wirkola se sont contentés du minimum et ne se sont pas donné la peine d'approfondir leur sujet.

On a tout de même droit à quelques sympathiques portraits de méchants dont une Glenn Close glaçante, cachée derrière un visage botoxé aussi inexpressif qu'un masque en carton. Au casting également, l'acteur néerlandais d'origine tunisienne Marwan Kenzari, et Pål Sverre Hagen, lequel a notamment joué dans les très bons polars scandinaves Les Enquêtes du département V : Délivrance, et Kraftidioten. De par son sujet, What Happened to Monday aurait pu être une fantastique oeuvre d'anticipation. Il demeure un bon film d'action inscrit dans un univers science-fiction. On retiendra la prouesse de son interprète principale. Pour le reste, le film est un sympathique divertissement mais manquant cruellement de profondeur...

vendredi 23 septembre 2016

4H44 d'Abel Ferrara (2011)



Lui, c'est Cisco, elle, Skye. Deux amants, deux artistes qui pour cette dernière journée sur Terre ont décidé de rester unis, seuls dans leur appartement, afin d'affronter ce qui va sceller le sort de l'humanité et de toute vie sur terre : la fin du monde. Parce que l'homme n'a jamais su véritablement prendre conscience du danger, demain matin, à 4h44 très précise, la couche d'ozone aura totalement disparue et avec elle, l'absorption des rayons solaires ultraviolets ne sera plus possible.

« Pourquoi tu t'rases ? » Skye
« Pour toi. Je l'fais pour toi, je sais qu't'aime pas quand ça pique. » Cisco

Tout ou presque est contenu dans ces deux phrases récitées par les deux principaux acteur de 4H44, un drame de science-fiction sorti en 2011 et réalisé par Abel Ferrara. Willem Dafoe et Shanyn Leigh. Lui veut encore y croire, et pour cela, il n'a pas changé ses habitudes. Même s'il va connaître des hauts et des bas, mettant à rude épreuve les espoirs qu'il a fondé sur l'hypothétique idée que tout pourrait finalement se dérouler autrement le moment venu. Elle, a déjà abandonné. Et pour passer ces quelques heures qui les séparent de la mort, elle peint. Encore et toujours. Ressenti et vision apocalyptiques s'entremêlent dans son œuvre.
Dix ans après les événements du 11 septembre 2001, le fantôme des victimes des attentats qui ont causé la mort de milliers de personnes et la chute du World trade Center hante le film d'Abel Ferrara. C'est du moins ce que semblent ressentir Cisco et Skye. Trois ans plus tôt, le cinéaste Roland Emmerich sortait le prophétique 2012 qui n'était en fait que l'un des nombreux augures de tout un pan du cinéma américain basant son œuvre sur une épouvantable surenchère en matière d'effets-spéciaux.

En 2011, curieusement, deux projets coïncident. Comme coïncidèrent en 2009 deux œuvre portées par deux univers post-apocalyptiques saisissants (La Route de John Hillcoat et Le Livre d'Eli de Albert et Allen Hughes). Deux œuvres qui s'éloignent du style ravageur et ravagé imposé par le tout Hollywood. D'un côté, le Melancholia de Lars von Trier. Une œuvre riche, mais tellement ennuyeuse qu'elle laissait craindre le pire concernant le versant underground imposé par la présence d'Abel Ferrara sur le projet 4H44. Tout comme Lars von Trier, lui non plus n'abuse d'aucun effet de surenchère. Tout s'y déroule comme n'importe quel quotidien de n'importe quel individu sur Terre. L'environnement est au cœur du sujet. La famille également. La religion n'est peut-être pas la principale préoccupation du cinéaste cette fois-ci mais elle a elle aussi droit à sa part du gâteau.

Abel Ferrara signe curieusement l'un des plus beaux films sur le sujet de la fin du monde. Comme l'un des derniers soubresauts d'un ancien génie du septième art qui se serait un peu trop dilué avec le temps. Encore une fois, c'est pratiquement son acteur fétiche Willem Dafoe qui fait tout le travail. Car d'une manière générale, et c'est peut-être aussi ce qui fait son charme, Abel Ferrara n'a pas l'air très à l'aise avec sa caméra et la laisse fouiner à peu près partout dans le décor, semblant n'avoir pas vraiment d'emprise sur elle. Le cinéaste continue d'explorer l'âme humaine mais cette fois-ci avec davantage de retenue. Comme s'il fallait respecter ceux qui bientôt ne seraient plus. Le film aurait pu être ennuyeux, pourtant, Ô miracle, le charme agit sur le long terme. On regretterait presque qu'il ne dure pas davantage car en moins d'une heure trente, Abel a décidé que le tour de la question était fait. Et pourtant, il y en aurait eu des choses à raconter. Des destins promis au meilleur, comme d'autres au pire et dont la caméra a choisi de laisser la vie en suspens.
D'où l'on reconnaît le cinéma de Ferrara, qui avec cette fin sans chichi laisse la place à l'imaginaire et fait preuve d'un immense respect pour ses interprètes et leur personnage. Un vrai grand et beau film...

jeudi 22 septembre 2016

GO GO Tales d'Abel Ferrara (2007)



Avant d'aborder une œuvre d'Abel Ferrara à laquelle je tiens tout particulièrement, j'ai décidé de m'amuser un peu en parcourant quelques longs-métrages qu'il a réalisé depuis que j'ai décidé de lui être infidèle et d'aller voir ailleurs. En fait, depuis qu'il a tourné cet affreux remake de l'excellent L'Invasion des profanateurs de sépultures de Don Siegel qui connut sa meilleure relecture auprès du cinéaste Philip Kaufman en 1978 avec L'Invasion des profanateurs. Et pourtant, si l'on regarde dans la chronologie du cinéaste, on découvrira que le film dont je parlerai bientôt (et dont je préfère pour le moment garder le secret) lui est postérieur. Mais tout s'explique, hors cela, nous le verrons beaucoup plus tard. J'ai donc pioché au hasard. Sans lire le moindre synopsis et sans me référer à aucune sorte de classement ou de notation. Pour une fois, j'ai aussi décidé de respecter la chronologie des sorties. C'est ainsi que le premier long-métrage dont je vais parler est GO GO Tales qu'Abel Ferrara a tourné durant l'année 2007.

GO GO Tales, c'est l'histoire d'un cabaret chic dont l’affluence s'amenuise de jour en jour. Les danseuses qui s'y produisent n'ont pas touché d'argent depuis deux jours et pour cause, celui qui dirige le Paradise, Ray Ruby, dilapide les recettes en s'adonnant à son vice : le loto. Mais tout va s'arranger car enfin, il a gagné. Dix-huit millions de dollars. De quoi relancer la machine, surtout qu'il a plein de projets en tête. Il lui suffit juste de retrouver le billet gagnant qu'il a malencontreusement égaré. Et sans celui-ci, aucun chance d'empocher l'argent. Les danseuses veulent leur pognon, et sans lui, plus de représentation. En plus, la propriétaire vient de débarquer et menace de virer tout ce petit monde. Si jusqu'à maintenant le Paradise a maintenu ses portes ouvertes, c'est surtout grâce à l'apport financier de Johnie, le frère de Ray. Mais celui-ci a décidé de fermer les vannes et d'envoyer son frère bronzer sur une plage. Mais Ray n'est pas de cet avis...

Tout GO GO Tales semble tenir dans pas grand chose. C'est du moins l'impression que donne le film d'Abel Ferrara qui nous noie dans un trop plein de filles qui se trémoussent inutilement sur scènes. Les danses sont un peu vaines, pas du tout sexy, d'un amateurisme qui rendrait l'ensemble un peu glauque si l'on n'avait pas l'impression parfois de regarder un téléfilm réalisé pour une chaîne du câble de petite envergure. La caméra se déchaîne au beau milieu des clients, d'un cuisinier qui tente de se débarrasser de ses Hot-dogs Bio, du service d'ordre, des collaborateurs des frères Ruby, et de danseuses de plus en plus nerveuses à l'idée de ne pas toucher leur comptant de billets verts. Tout le monde passe devant la caméra mais Ferrara semble n'en avoir rien à faire. Une Asia Argento exagérément vue comme une icône de la provoc' qui n'offre qu'une performance très moyenne, de jolies filles mal cadrées, et surtout, oui surtout, un show mal écrit. Des danses ennuyeuses qui manquent de piment, de sexe, de sueur et de gros plans.

Mais le Paradise de Ferrara, en demeurant un endroit chic où les clients n'ont pas droit de toucher, seulement de regarder, condamne le spectateur à l'ennui. Ce qui sauve en réalité le film du naufrage, c'est bien la présence de l'acteur fétiche du cinéaste, Willem Dafoe. Willem Dafoe le conteur, le chanteur, le régisseur, l'animateur, le joueur. Ferrara y bâcle sa mise en scène et pourtant, Dafoe y demeure royal, impérial, salvateur. Les quelques sursauts d'intérêt que génère GO GO Taless sont le fruit de sa présence sur la scène. La sienne, mais celle aussi de l'acteur Matthew Modine qui semble ici échappé d'un quelconque long-métrage de David Lynch. Si le cinéaste s'était donné les moyens de suivre scrupuleusement son œuvre au lieu d'aller, sans doute, écluser des bières au fond de la salle, GO GO Tales aurait pu être un vrai bon film. Il n'en demeure seulement qu'un curieux petit film qui manque d'ambition. Et c'est bien dommage...

mercredi 4 mai 2016

Antichrist de Lars Von Trier (2009)



Un génie rendant hommage à un génie. Lars Von Trier dédicaçant l'une de ses œuvres les plus sulfureuses au cinéaste soviétique Andreï Tarkovski. Un film déroutant, qui a fait certainement couler plus d'encre qu'il n'en fallait puisque si Antichrist est effectivement très violent, et d'une sexualité parfois dérangeante, l’œuvre n'en demeure pas moins une véritable gifle visuelle et narrative. S'ouvrant et se concluant sur le Lascia ch'io pianga de l’opéra Rinaldo de Haendel, le long-métrage du cinéaste danois est donc constitué d'un prologue et d'un épilogue mais également de quatre actes distinctement nommés Deuil, Douleur, Désespoir et Les Trois Mendiants.

Alors qu'il n'aurait pu s'agir que d'un triste film d'horreur s’imprégnant parfois d’œuvres horrifiques célèbres (la scène du pont semble faire indirectement référence à l'arrivée des personnages du classique de Sam Raimi Evil Dead), Antichrist est bien plus que cela. Il s'agit surtout d'un drame. Celui vécu par un homme et son épouse. L'un est thérapeute, l'autre prépare une thèse sur la sorcellerie chez les femmes. Ils vont connaître la pire des douleurs lorsque leur tout jeune enfant va basculer dans le vide en passant à travers la fenêtre de sa chambre pour venir s'écraser quelques mètres plus bas.

Filmant l'horreur la plus angoissante que puisse connaître un père et une mère tout en lui adjoignant un acte charnel de toute beauté, Lars Von Trier choisit de tourner la scène à mille images par seconde et dans un superbe noir et blanc. L'amour et la mort se conjuguent dans une scène aussi belle que terrifiante. Puis vient le deuil pour les parents. D'abord admirablement filmé au travers du corbillard qui emporte le petit corps de leur fils. Elle (Charlotte Gainsbourg), suivant une thérapie directement administrée par Lui (Willem Dafoe), dans cette forêt, haut lieu de toutes les angoisses de cette mère dorénavant orpheline de son enfant.

Durant ce long parcours expiatoire, Lars Von Trier filme la nature d'une manière si particulière qu'il nous la rend comme jamais auparavant, angoissante. A l'aide de filtres et de ralentis qu'il semble chérir ici, il explore la nature profonde de cette femme qui va sombrer peu à peu dans la folie et ce, malgré l'accalmie qui va bientôt faire temporairement surface. Charlotte Gainsbourg s'offre littéralement devant la caméra. A l’œil du cinéaste danois, et entre les bras de son partenaire à l'écran, Willem Dafoe.

Antichrist tranche avec la majorité des films du genre dont il semble s'inspirer très partiellement. William Friedkin et son Exorciste ne sont peut-être pas très loin. Mais alors qu'en 1973 les spectateurs avaient encore la confortable option de pouvoir se reposer sur les talents du vieil homme d'église, ici, nos deux héros sont désespérément seuls au cœur d'une forêt qu'un n'a ni inimitié ni empathie pour eux.

Le film de Lars Von Trier est certes très violent. Certaines scènes sont davantage assimilables à des accouplements bestiaux qu'à de véritables scènes d'amour entre un homme et une femme épris l'un de l'autre. D'autres sont d'une violence peu commune (la scène de l'auto-excision et l'orgasme sanglant ne peuvent laisser indifférents). Mais dans l'ensemble, Antichrist peut se voir comme une forme d'hymne à la vie, à la mort, et à l'amour. Une expérience extrême, jusqu’au-boutiste, signée par l'un des plus grands cinéastes de notre temps. Un petit chef-d’œuvre qui ne convaincra, évidemment, pas tout le monde...

mercredi 7 octobre 2015

Le Cycle de la Chair et de L'esprit: ExistenZ de David Cronenberg (1999)



Allegra Geller est mondialement connue et très populaire parmi les amateurs de jeux vidéos pour avoir créé un nouveau prototype d'interface se branchant directement sur la moelle épinière. Lors d'une représentation, elle propose à une dizaine de personnes du public de participer à la démonstration en se connectant eux-même au tout nouveau modèle de bioport créé par Allegra. Lors de la séance, la créatrice est attaquée par un commando nommé Les Réalistes, et opposé à toute forme de technologie. Heureusement pour elle, le jeune employé en marketing Ted Pikul l'aide à prendre la fuite...

Si David Cronenberg n'a jamais véritablement mis de côté ses obsessions, il a, peu de temps après Existenz, et même Spider, son film suivant, changé presque radicalement de registre. En fait de radicalité, il a su au mieux intégrer une part immense et de plus en plus importante de psychologie au détriment de l'horreur. En effet, dès l'admirable Faux-Semblant, le cinéma de Cronenberg emble revêtir un visage autrement plus mature que par le passé. Ce qui, en réalité, n'est qu'une apparence. D'ailleurs, le cinéaste d'origine canadienne joue sur cette ambiguïté dans chacune de ses œuvres. Passé maître dans l'art de manipuler le corps et la conscience, il a, à peu de chose près, frayé dans tous les domaines, créant ainsi une véritable encyclopédie de l'horreur génétique.

Depuis Frissons et Rage, à la sexualité débridée, en passant par Chromosome 3 et Scanners, deux films dont l'intrigue se concentre sur le contrôle et le pouvoir psychiques. Videodrome, lui, s'attarde sur l'influence des médias, et en l’occurrence, celle de la télévision. Crash mêle la chair au métal et Le Festin Nu, l'écriture aux drogues. Existenz ne déroge pas à la règle et aborde un thème qui, pourtant à l'époque, n'a pas encore atteint le degré d'importance qu'il connaît seize ans plus tard en 2015. Le jeu vidéo. Le jeu vidéo et son univers factice. Le jeu vidéo et ses implications morales, religieuses, politiques et même tout simplement, sociales.
Existenz est sans doute l'une de ses œuvres les moins comprises, et les moins acceptées. Certains y voyant même sont plus mauvais film (enfin, son moins bon, dirons-nous). Avouons qu'au premier abord, les décors ont l'air un peu cheap. Prenons par exemple la scène où les deux principaux protagonistes prennent la fuite à bord d'un véhicule. Les décors extérieurs de l'habitacle ont l'air d'être faits de carton-pâte. Comme ceux de ces vieux films sans le sou qui passaient un film derrière une voiture en réalité plantée dans un studio de cinéma. Croyez-le ou non, mais cette image un peu puérile et au départ grandement décevante était bien recherchée par son auteur. Et pour en avoir la confirmation, il suffit juste de se rappeler de la fin du film pour s'en convaincre. Elle se justifie à ell seule au travers d'une intrigue qui joue presque intégralement sur des faux-semblants.

Là où Existenz rejoint les œuvres passées de David Cronenberg, c'est dans la manipulation de ses personnages, et en même temps du public. Car en effet, même si l'on a une vague idée de ce qu'à l'intention de nous raconter le cinéaste, les spectateurs sont au moins autant, si ce n'est plus, dans le brouillard le plus complet. Le film n'est pas facile d'accès. D'ailleurs ceux qui ne connaissent pas son œuvre risquent de le bannir à jamais s'ils commencent par celui-ci. Même en tant que fan du réalisateur, on peut avoir beaucoup de mal à adhérer au traitement subit par la bobine.

David Cronenberg convoque pour cette aventure un brin surréaliste Jennifer Jason Leigh, Jud Law ainsi que Ian Holm et Willem Dafoe. Nouvelle et ancienne génération se retrouvent donc dans une œuvre au premier abord complexe mais dont les tenants et les aboutissants deviennent clairs à la toute fin du film. Pas sûr pourtant que tout le monde puisse tenir jusqu'au bout...


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