Un génie rendant hommage
à un génie. Lars Von Trier dédicaçant l'une de ses œuvres les
plus sulfureuses au cinéaste soviétique Andreï Tarkovski. Un film
déroutant, qui a fait certainement couler plus d'encre qu'il n'en
fallait puisque si Antichrist est effectivement très
violent, et d'une sexualité parfois dérangeante, l’œuvre n'en
demeure pas moins une véritable gifle visuelle et narrative.
S'ouvrant et se concluant sur le Lascia ch'io pianga de
l’opéra Rinaldo de Haendel, le long-métrage du cinéaste danois
est donc constitué d'un prologue et d'un épilogue mais également
de quatre actes distinctement nommés Deuil, Douleur,
Désespoir et Les Trois Mendiants.
Alors qu'il n'aurait pu
s'agir que d'un triste film d'horreur s’imprégnant parfois
d’œuvres horrifiques célèbres (la scène du pont semble faire
indirectement référence à l'arrivée des personnages du classique
de Sam Raimi Evil Dead), Antichrist est
bien plus que cela. Il s'agit surtout d'un drame. Celui vécu par un
homme et son épouse. L'un est thérapeute, l'autre prépare une
thèse sur la sorcellerie chez les femmes. Ils vont connaître la
pire des douleurs lorsque leur tout jeune enfant va basculer dans le
vide en passant à travers la fenêtre de sa chambre pour venir
s'écraser quelques mètres plus bas.
Filmant l'horreur la plus
angoissante que puisse connaître un père et une mère tout en lui
adjoignant un acte charnel de toute beauté, Lars Von Trier choisit
de tourner la scène à mille images par seconde et dans un superbe
noir et blanc. L'amour et la mort se conjuguent dans une scène aussi
belle que terrifiante. Puis vient le deuil pour les parents. D'abord
admirablement filmé au travers du corbillard qui emporte le petit
corps de leur fils. Elle (Charlotte Gainsbourg), suivant une thérapie
directement administrée par Lui (Willem Dafoe), dans cette forêt,
haut lieu de toutes les angoisses de cette mère dorénavant
orpheline de son enfant.
Durant ce long parcours
expiatoire, Lars Von Trier filme la nature d'une manière si
particulière qu'il nous la rend comme jamais auparavant,
angoissante. A l'aide de filtres et de ralentis qu'il semble chérir
ici, il explore la nature profonde de cette femme qui va sombrer peu
à peu dans la folie et ce, malgré l'accalmie qui va bientôt faire
temporairement surface. Charlotte Gainsbourg s'offre littéralement devant la
caméra. A l’œil du cinéaste danois, et entre les bras de son
partenaire à l'écran, Willem Dafoe.
Antichrist
tranche avec la majorité des films du genre dont il semble
s'inspirer très partiellement. William Friedkin et son Exorciste
ne sont peut-être pas très loin. Mais alors qu'en 1973 les
spectateurs avaient encore la confortable option de pouvoir se
reposer sur les talents du vieil homme d'église, ici, nos deux héros
sont désespérément seuls au cœur d'une forêt qu'un n'a ni
inimitié ni empathie pour eux.
Le film de Lars Von Trier
est certes très violent. Certaines scènes sont davantage
assimilables à des accouplements bestiaux qu'à de véritables
scènes d'amour entre un homme et une femme épris l'un de l'autre.
D'autres sont d'une violence peu commune (la scène de
l'auto-excision et l'orgasme sanglant ne peuvent laisser
indifférents). Mais dans l'ensemble, Antichrist peut
se voir comme une forme d'hymne à la vie, à la mort, et à l'amour.
Une expérience extrême, jusqu’au-boutiste, signée par l'un des
plus grands cinéastes de notre temps. Un petit chef-d’œuvre qui
ne convaincra, évidemment, pas tout le monde...
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