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dimanche 10 mars 2024

Pauvres Créatures de Yórgos Lánthimos (2024) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

Chaque année apporte son lot de bons et même, d'excellents films. Mais pour pouvoir assister à la projection d'œuvres telles que Pauvres Créatures, il faut parfois se montrer patient et attendre une décennie toute entière. Après avoir été profondément interloqué par la bande-annonce non pas pour l'intérêt que pouvaient engendrer les quelques images mises à disposition avant la sortie du film sur grand écran mais pour le désintérêt qu'elles me procurèrent, il fallait au moins que le nom du réalisateur grec Yórgos Lánthimos s'affiche à l'écran pour voir naître en moi une certaine curiosité. Le sien mais aussi celui de l'acteur américain Willem Dafoe dont la carrière a pris un essor fulgurant depuis le début des années 2000. Yórgos Lánthimos est l'homme que certains tentent d'abattre chaque fois que sort l'un de ses nouveaux délires en salle obscure. Mais ces réducteurs de têtes qui depuis son Canine de 2009 cherchent par tous les moyens à le prendre dans leurs filets auront bien du mal en cette année 2024 à faire du réalisateur et dramaturge leur nouveau trophée de chasse ! Plus de deux-cent ans après sa toute première publication sur le territoire britannique, le roman de Mary Shelley Frankenstein ou le Prométhée moderne continue à faire des émules. Avec son dernier long-métrage Yórgos Lánthimos est donc quasiment en terrain conquis. Sauf que le bonhomme semble avoir des ambitions narratives et esthétiques qui s'éloignent drastiquement de l’œuvre originale. Le grec convie aux noces de sa nouvelle égérie, le français Bertrand Mandico, l'américano-britannique Terry Gilliam, l'américain Wes Anderson et parfois même le créateur de jeux vidéos Ken Levine, auteur notamment de Bioshock Infinite avec lequel Pauvres créatures partage certaines ''visions''... De ce dernier, il emprunte l'approche rétro-futuriste et s'emploie à remanier l'architecture de Lisbonne ou de Paris en offrant à leurs ruelles et leurs façades une nouvelle patine et des moyens de locomotion qui demeurent encore à ce jour, pur fantasmes. Retrouvant Emma Stone après l'avoir dirigée dans La favorite cinq ans auparavant, Yórgos Lánthimos la transforme en créature, en pantin désarticulé dont les origines repoussent le concept originel sur lequel reposait le roman de Mary Shelley.


Ici, il n'est plus simplement question de créer la vie à partir de bouts de cadavres mais bien d'implanter le cerveau d'un bébé né urgemment sous césarienne dans la boîte crânienne de sa propre génitrice morte noyée ! Au temps où le féminisme sur grand écran semble être devenu un genre à part entière, l'on jugera ou non du bien-fondé du terme employé même si de toute évidence, le film est presque intégralement porté par l'interprétation d'Emma Stone qui dans le rôle de Bella Baxter, passera de la marionnette disloquée dont l'âge mental ne dépassera tout d'abord pas celui en rapport avec le tout jeune cerveau qui lui fut implanté pour se diriger ensuite vers sa propre émancipation et le passage en accéléré à l'âge adulte. Un voyage curieux, inédit, fantasmagorique mais aussi très drôle, à la limite parfois du burlesque et de l'incongru. De l'érotisme aussi, parfois, lorsque l'héroïne découvre sa propre sexualité par des moyens qui là encore, sont loin de rejoindre l'apprentissage tel qu'il est généralement enseigné. Willem Dafoe incarne le docteur Godwin Baxter, ''père'' de Bella et scientifique un brin dérangé qui poursuit les travaux que son père mena sur lui dès sa plus tendre enfance. Mark Ruffalo, lui, interprète le rôle du Duncan Wefferburn, personnage que l'on nommait en un temps ancien ''coureur de jupons'' et qui désormais est plus couramment connu sous le nom de ''prédateur sexuel''. Si l'apprentissage de Bella atteint son aboutissement lors de la conclusion, le chemin sera pavé de très nombreux pièges auxquels la jeune femme saura faire face du haut de sa pureté.... virginale... qui ne le demeurera guère longtemps puisque le film multipliera les séquences de sexe. Peut-être en trop grand nombre d'ailleurs, trahissant alors sans doute les limites d'un scénario qui regorge par la suite davantage de séquences visuellement bluffantes que de réels ressorts dramatiques, lesquels finissent par s'épuiser. Le film n'aurait-il d'ailleurs pas mérité d'être quelque peu resserré sur sa durée ? Toujours est-il que Pauvres créatures est une expérience cinématographique fort réjouissante, parfois graphiquement époustouflante et remarquablement interprétée...

 

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