Que l'on soit français,
chauvin, cinéphile, amateur de loves story fantastiques... ou non,
les images qui ouvrent le bal de ce récit adolescent sont célèbres
mais aussi, universelles. S'il ne fut pas le premier à poser son
regard sur le mythe de La belle et la bête,
le réalisateur Jean Cocteau fut celui dont l'adaptation de 1946 avec
Jean Marais et Josette Day est demeurée la plus célèbre. Vision
abîmée, parasitée de la Belle et de celui qui se transformera
bien plus tard en Prince, vue par le prisme d'un poste de télévision
à tube cathodique, mue par une antenne filaire défaillante, la
réalisatrice franco-canadienne Jacqueline Castel résume en une
poignée de secondes l'intrigue à laquelle elle nous convie dans ce
qui demeure pour l'instant, son premier et unique long-métrage de
fiction. Jusque là, l'auteur de cette romance fantastique
adolescente que semble être exclusivement My Animal
n'avait tourné que trois courts-métrages ainsi qu'un clip vidéo
pour le chanteur new-yorkais Alan Vega (membre désormais disparu du
groupe protopunk
Suicide entre
1970 et 2016). A vrai dire, Jacqueline Castel est surtout connue en
tant que directrice de la photographie puisque entre clip vidéos et
courts-métrages pour d'autres artistes, elle a été chargée
d'apporter sa contribution à près de soixante œuvres. Une
spécialité qui se confirme à travers cette première fiction dont
les qualités visuelles sont indéniables. Écrit par Jae Matthews,
My Animal
indique donc très clairement dès le départ la position de son
héroïne. Mais ce qui apparaît tout d'abord comme une éventuelle
allégorie va se confirmer avec douceur tout au long du récit.
l'exposition d'un ouvrage consacré à la lycanthropie confirmant
ainsi définitivement ce que l'on savait déjà. Présenté pour la
première fois au festival de Sundance
le 22 janvier de cette année, le film est sorti sur les écrans
américains le 8 septembre dernier. Encore un film sur le sujet des
loups-garous argueront certains spectateurs. Auxquels nous répondrons
que rien ne les contraindra à aller le découvrir en salle lorsqu'il
sortira de manière officielle sur notre territoire. Chaque période
eut sa vague et la meilleure reste d'un point de vue personnel celle
qui couvrit l'année quatre-vingt un et sa trinité de classiques
Hurlements
de Joe Dante, Le loup-garou de Londres
de John Landis ainsi que Wolfen
de Michael Wadleigh.
Ce
qui n'empêche pas certains auteurs de nous avoir proposé récemment
quelques idées fort intéressantes (pour exemple, Gräns
de Ali Abbasi, en 2018). Le thème de la lycanthropie semble tout
comme le vampirisme, frappé de jeunisme. Dans le cas de ceux dont
les dents poussent également quand vient l'heure de prendre leur
repas et parmi lesquels Dracula demeure le plus célèbre des
représentants, l'on eut droit à quelques formidables entreprises
comme le génial Morse
(Låt den rätte Komma in)
du suédois Tomas Alfredson. Si quelques idées du folklore entourant
les loups-garous sont reprises ici, la méthode employée par la
réalisatrice s'éloigne cependant drastiquement du tout venant en
matière de film d'horreur, d'épouvante et fantastique. D'abord, le
travail de l'image est en tout point semblable avec celui que l'on
rencontre par exemple chez la française Julia Ducournau (Grave)
ou le danois Nicolas Winding Refn lorsqu'il tourne en 2013 le parfois
sous-estimé Only God Forgive.
Des œuvres qui transpirent la moiteur et l'hémoglobine dans le
rendu de l'image où le poisseux s'invite désormais en haute
définition. À propos de cette étrange sensation qui colle
désagréablement à la peau, le long-métrage de la
franco-canadienne peut s'enorgueillir d'avoir fait appel au
compositeur Augustus Muller qui propose à l'occasion une musique
parfois calibrée pour les dancefloor typés années 80 mais plus
généralement, de courtes mélodies plus ou moins planantes qui
collent parfaitement à l'image. L’œil et le tympans sont ainsi
happés par une ambiance pesante, voire parfois inconfortable, mais
aussi par une approche esthétique sinon innovante, du moins
irréprochable. Finalement, l'aspect fantastique intéresse moins que
le contexte social dans lequel baignent les personnages. L'héroïne,
subtilement incarnée par la jeune Bobbi Salvör Menuez physiquement
proche d'une Gillian Anderson adolescente est touchante. Comme
peuvent l'être également ses partenaires féminines Amandla
Stenberg et Heidi von Palleske. Sans être au niveau de
l'extraordinaire Morse
de Tomas Alfredson, My Animal
est un joli portrait de jeune femme en devenir, troublée et
troublante comme le fut à son époque l'ado surnommée Carrie et de
son vrai nom Carrietta N. White (l'actrice Sissy Spacek) de Carrie
au bal du Diable de
Brian De Palma. Amours naissantes et contexte familial difficile
prennent forme dans ce film sensible, entre fantastique et
romantisme...
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