En plus de vingt-cinq
ans, le réalisateur japonais Hideo Nakata s'est constitué une
filmographie que les amateurs de J-Horror
peuvent apprécier pour les quelques fulgurances qui l'ont émaillée.
On pense notamment à Ringu
de 1999. Premier volet d'une franchise qui n'a cessé de faire des
petits jusqu'à même s'exporter aux États-Unis. Mais peut-être
plus encore à Honogurai Mizu no Soko Kara
datant de 2002, LE chef-d’œuvre du cinéaste connu sur notre
territoire sous le titre Dark Water.
Une œuvre qui elle aussi connu un remake de l'autre côté de
l'Atlantique pour un résultat insipide. Un long-métrage qui au delà
de son seul aspect fantastico-horrifique laissait une empreinte
véritablement marquante dans l'esprit des spectateurs. Comme une fin
de journée automnale pointant le bout de son nez avant que ne vienne
s'y greffer un événement tragique. C'est un peu le sentiment qui se
dégage de Kaidan
que Hideo Nakata entreprendra en 2007. Film qui foudroie bien
davantage par sa beauté formelle que par son approche de l'angoisse
et de la peur qui elles, s'inscrivent finalement moins dans le
caractère fantastique du récit que dans l'épreuve subie par son
principal personnage. S'ouvrant sur une introduction longue et filmée
en noir et blanc qui n'apporte finalement rien de fondamental à la
tragédie qui va suivre, Kaidan met
en scène l'acteur Kikunosuke Onoe dans le rôle de Shinkichi. Jeune
homme à la beauté qui attire toutes les femmes qui le croisent.
Descendant d'un couple dont le mari a tué son épouse avant de se
donner la mort, ce jeune vendeur de tabac itinérant croise un jour
la route d'Oshiga (l'actrice Hitomi Kuroki), une professeur de chant
qui tombe immédiatement sous le charme de Shinkichi et invite le
jeune homme à s'installer chez elle. Problème : leur
différence d'âge. Au village, tout le monde parle de ce couple mal
assorti. Lui est timide et réservé tandis qu'elle commence à
montrer des signes de jalousie. Faisant le vide autour d'elle, Oshiga
provoque un soir une dispute entre elle et l'homme qu'elle aime. Une
bagarre s'ensuit et Shinkichi la blesse involontairement à la
paupière gauche. Malheureusement pour Oshiga, la plaie s'infecte et
malgré les traitements, elle finit par mourir après avoir laissé
un inquiétant message à l'adresse de Shinkichi...
''Si tu aimes d'autres femmes,je tuerai chacune d'elles. Ne l'oublie jamais...''
Contrairement
aux autres films cités plus haut, Kaidan
ne situe pas son intrigue dans un univers contemporain mais remonte
au temps du Japon Féodal. D'ailleurs, le film ressemble finalement
assez peu à ce à quoi nous avait jusque là habitué le réalisateur
même si l'on y retrouve la même sensibilité que lors de Honogurai
Mizu no Soko Kara.
Ici, l'effroi vient tout autant de l'extrême noirceur du propos que
de son approche esthétique parfois éblouissante que vient appuyer
l'envoûtante partition musicale du japonais Kenji Kawai. Un
compositeur que connaît bien Hideo Nakata puisqu'il fut l'auteur de
celles de ses deux grands classiques de la J-Horror.
Il semble y avoir parfois tant de naïveté dans la mise en scène,
dans l'interprétation et dans certains décors que l'ensemble évoque
à l'occasion le Kabuki,
ce théâtre japonais traditionnel dans lequel s'inscrit d'ailleurs
furieusement la séquence d'introduction. Pourtant, nul ne pourra
nier le talent de metteur en scène et de monteur de Hideo Nakata
dont le découpage est ici souvent remarquable. La photographie de
Jun'ichirō Hayashi offre à Kaidan
un sens de l'irréalité qui subjugue souvent. Œuvre hommage à tout
un pan de la culture cinématographique japonaise (au hasard l'on
évoquera le saisissant Onibaba les Tueuses
de Kaneto Shindō réalisé en 1965 et ses marécages dont semblent
s'inspirer ceux de Kaidan.
D'un point de vue strictement horrifique, le film de Hideo Nakata
pourra laisser perplexe. Rares sont les occasions de sursauter et
encore plus sporadiques sertont celles d'avoir réellement peur. Le
sursaut intervient grâce (ou à cause) au concept de Jump
Scare
dont l’efficience atteint malheureusement le degré zéro. Beau
comme l'un de ces fameux films érotiques japonais sortis dans le
courant des années soixante-dix sans pour autant déborder sur le
sujet (L'Empire des sens
de Nagisa Ōshima et consorts), Kaidan
est surtout une tragédie réellement poignante qui nous abandonne
aux abord des marécages en question, là où Hideo Nakata filmera
sans doute l'une des séquences les belles, les plus tragiques et les
plus folles de toute sa filmographie...
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