Cela fait un moment que
la chose me titille mais cette fois-ci, c'est décidé. Je me lance
dans un méga cycle consacré aux membres du Splendid. Non pas en
tant qu'interprètes mais en tant que réalisateurs. Dans l'ordre
alphabétique patronymique bien entendu. Concernant Marie-Anne
Chazel, Thierry Lhermitte et Bruno Moynot cela ira très vite puisque
la première n'a réalisé qu'un court et un long-métrage, le second
un long et le troisième aucun. Les plus importantes carrières en
tant que réalisateurs sont donc celles de Gérard Jugnot avec douze
longs-métrages, de Josiane Balasko qui en compte huit et enfin
Michel Blanc avec cinq films. Je ne tiendrai pas compte des
courts-métrages et autres documentaires mais consacrerai ce cycle
uniquement aux longs formats. Vingt-sept films à chroniquer, donc.
Pas tout à fait un travail de titan mais c'est certain, un réel
plaisir de pouvoir redécouvrir l’œuvre de cette troupe culte qui
après des débuts en commun a fait pour la plupart une carrière en
solo particulièrement brillante. On commence donc avec Josiane
Balasko qui bien avant de connaître la consécration en 1996 avec
Gazon Maudit
se fit tout d'abord la main sur deux petites comédies fort
sympathiques parmi lesquelles son tout premier long-métrage Sac
de nœuds en
1985. Aux côtés de celle qui allait devenir l'une des plus grandes
actrices françaises de sa génération en la personne d'Isabelle
Huppert, Josiane Balasko se met en scène dans le rôle d'Anita, une
paumée en gabardine façon ''Lieutenant Columbo'' et le cheveu en
pétard à la manière du chanteur du groupe britannique The
Cure,
Robert Smith.
En
blonde platine un peu cruche, d'apparence un peu ''facile''
Isabelle Huppert interprète Rose-Marie Martin, épouse d'un flic
alcoolique et violent (Daniel Russo) qu'elle croit avoir tué d'un
coup de couteau. En fuite en compagnie de sa voisine et nouvelle amie
Anita, les deux femmes vont notamment croiser sur leur route le
délinquant Rico Da Silva... Un Rico Da Silva
interprété par le trop rare Farid Chopel qui depuis s'en est allé
à l'âge de 55 ans, victime d'un cancer foudroyant en avril 2008.
Fils d'une mère kabyle mais revendiquant la Lorraine comme
véritables origines, Farid Chopel fut habitué aux rôles de
crapules ou de voyous comme l'attestèrent notamment ses sombres
interprétations dans L'addition
de Denis Amar ou dans Les fauves
de Jean-Louis Daniel tous deux réalisés en 1984. Sac
de nœuds
viendra l'année suivante, tout comme La
Vengeance du serpent à plumes
de Gérard Oury qu'il interprétera aux côtés de Coluche, Maruschka
Detmers, Philippe Khorsand ou encore Luis Rego. Déjà, en 1985,
Josiane Balasko dissémine ici ou là sa vision d'une certaine France
à travers une critique sociale désabusée. Et au beau milieu des
années quatre-vingt, déjà, le milieu social dans lequel vivent nos
deux héroïnes coïncide directement avec le contexte dans lequel
elles vivent. Victimes des hommes, tout d'abord, mais de la vie en
général également, nos trois marginaux sont ainsi réunis dans une
comédie drôle mais aussi parfois amère, typique des années
quatre-vingt...
Assistée
de Philippe Guez et Claude Othnin-Girard à la mise en scène et par
le futur réalisateur de Sur mes lèvres,
d'Un prophète
ou de Dheepan
Jacques Audiard au scénario, Josiane Balasko réalise un road-movie
déjanté, à l'humour parfois noir, un brin grossier, mais pas trop,
qui gagne en force et en énergie à mesure que le récit évolue.
Entre des dialogues pas toujours très fins mais des situations qui
s'enchaînent avec vigueur, l'arrivée de Farid Chopel/ Rico Da Silva
est un atout évident tandis que la participation de certains seconds
rôles étoffe très largement l'intrigue. Rencontre avec un Jean
Carmet savoureux et très attachant en pharmacien mélomane
traumatisé par la Collaboration. Avec un Coluche, également,
propriétaire d'un club de jeux clandestin exploitant la compagne de
Rico que des dizaines de badauds acceptent de faire la queue pour la
regarder s'exhiber. Quant à Dominique Lavannant, elle interprète
une infirmière alcoolique et suicidaire. Drôle et parfois émouvant,
ce trio de marginaux unis dans leurs différences mais aussi dans
leur trauma respectif (Anita cherche notamment à retrouver le
docteur qu'elle rend responsable de la mort de son jeune enfant cinq
ans plus tôt) demeure inoubliable. Et même si Josiane Balasko, en
débutante, maîtrise encore avec difficulté le métier de
réalisatrice, on ne peut que tomber sous le charme des personnages
qu'elle a offert à Isabelle Huppert et Farid Chopel. Une comédie
moins bête qu'elle n'en a l'air, terriblement humaine, et qui
n'empêche pas une certaine noirceur... Un régal...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire