Après s'être accoutrée
comme une clocharde dans son tout premier long-métrage en tant que
réalisatrice, Josiane Balasko s'apprête désormais davantage dans
son nouveau rôle. Celui qu'elle interprète dans Les Keufs,
un second film où elle tient une fois de plus le rôle principal,
mais désormais non plus aux côtés d'Isabelle Huppert mais d'Isaak
de Bankolé, acteur d'origine ivoirienne qui tout comme Farid Chopel
apparaîtra trois ans auparavant dans L'addition
de Denis Amar avant de se faire véritablement connaître grâce à
Black Mic-Mac de
Thomas Gilou dans lequel il tiendra la vedette aux côtés de Jacques
Villeret. Désormais seule aux commandes et donc sans l'assistance
d'aucun autre réalisateur, Josiane Balasko fait appel à l'écrivain
Jean-Bernard Pouy et au scénariste Christian Biegalski afin de
mettre au point la trame de son nouveau film. Cette fois-ci l'actrice
et réalisatrice saute la barrière et passe de l'autre côté de la
frontière qui sépare la police des... ''filous''. Elle interprète
en effet le personnage de l'inspectrice Mireille Molyneux tandis que
son nouveau partenaire incarne lui l'inspecteur Blaise Lacroix de
l'Inspection Générale des Services connue également sous
l'acronyme IGS ! Débarrassée de son horrible gabardine et de
sa chevelure désordonnée, elle débarque à l'image vêtue d'un
juste au corps et d'un pantalon moulant qui dessinent parfaitement sa
silhouette ainsi que d'une longue coiffure de feu. Autant dire
qu'entre Sac de nœuds et
Les keufs,
c'est le jour et la nuit pour une Josiane Balasko dont le personnage
s'est affiné et s'est refait une santé physique et mentale qui
n'ont plus rien de commun avec celle d'Anita !
Aujourd'hui,
l'affaire est grave. Se faisant passer pour une prostituée,
Mireille Molyneux tente de serrer Charlie (l'acteur Jean-Marie
Marion), un maquereau qu'elle réussi à arrêter grâce à l'aide de
Yasmina (Farida Khelfa), elle-même prostituée. Mais soupçonnant la
jeune femme de l'avoir trahi, Charlie la fait enlever. Suivie en
retrait par deux ''bœufs-carottes'',
Mireille est très inquiète et ne cesse de vouloir retrouver
Yasmine. Enquêtant en solo, elle va en outre interroger une certaine
Dany (excellente Catherine Hiegel), une toxicomane qu'elle soupçonne
de savoir où se trouve la jeune femme. Josiane Balasko pousse le
curseur de la critique sociale un peu plus loin que lors de son
premier long-métrage en tant que réalisatrice. Blaise Lacroix
étant un homme de couleur, on a droit à de nombreuses allusions sur
ses origines. Nègre, négro, il n'est pas rare que le racisme soit
évoqué dans un contexte moribond où sont également exploités les
sujets de la drogue et de la prostitution. En comparaison avec Sac
de nœuds,
Les keufs est
déjà beaucoup moins réjouissant. Pourtant, le duo Balasko/De
bankolé fonctionne très bien et certains seconds rôles s'avèrent
généreux en matière d'incarnation. On pense notamment à Ticky
Holgado et son rôle d'inspecteur de l'IGS victime en permanence
d'aventures malheureuses (chute dans une flaque d'eau, nez cassé,
passage à tabac par des dealers, etc...) ou encore à Jean-Pierre
Léaud ici à contre-emploi dans le rôle du commissaire Bouvreuil,
une bombe à retardement hystérique tout à fait réjouissante qui
lui permit d'être nommé aux César dans la catégorie Meilleur
second rôle masculin en 1988...
Si
certaines séquences s'avèrent plutôt intéressantes comme les
diverses interventions d'une Catherine Hiegel en toxicomane plus
vraie que nature ou celles qui présentent Ticky Holgado dans des
situations délicates, un peu trop nombreuses sont celles qui
évoquent par contre le racisme ordinaire dont sera régulièrement
victime le personnage incarné par Isaac De Bankolé. Josiane Balasko
ainsi que ses scénaristes Christian Biegalski et Jean-Bernard Pouy
manquent là d'imagination et tournent quelque peu en rond. Si le duo
est attachant, le film est déjà beaucoup moins amusant que le
précédent. Une fois encore, et l'on ne pourra pas lui reprocher,
l'actrice et réalisatrice profite de l'occasion pour égratigner
notre société tout en oubliant parfois l'essentiel qui est celui de
faire rire. Les keufs
n'est pas déplaisant, l'interprétation de l'ivoirien est fraîche
pour l'époque mais le film a surtout pris un sacré coup de vieux.
Parmi les divers musiciens ayant collaboré à la bande musicale,
nous noterons la présence du chanteur et saxophoniste camerounais
Manu Dibango ainsi que celle du musicien Stéphane Sirkis, connu pour
avoir été l'un des frères jumeaux du groupe de rock français
Indochine
avant de disparaître le 27 février 1999 à l'âge de trente-neuf
ans. Une semi-déception... avant le retour fracassant de Josiane
Balasko en réalisatrice quatre ans plus tard avec... Ma
vie est un enfer... !
tip top
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