Depuis maintenant presque
cinquante ans, L'exorciste
est venu hanter l'esprit de celles et ceux qui l'ont découvert en
salle ou plus tard, en vidéo. Des témoignages, des critiques, des
ouvrages et des documentaires ont tenté à diverses occasions de
décrypter ce monument de l'effroi. D'autres que William Friedkin se
sont essayés à ce type d'exercice sans jamais l'égaler. Ou si peu
car il aura sans doute fallut patienter jusqu'en 2016 avec
l'apparition sur les écrans de The Strangers
du sud-coréen Na Hong-jin et sa stupéfiante réappropriation du
mythe du Diable pour découvrir une œuvre digne de succéder à
celle de l'américain. Mais jusque là, aucun autre cinéaste n'a
jamais été aussi près que William Friedkin de délivrer un
long-métrage aussi proche du réel tout en y mêlant une grande part
de surnaturel liée au phénomène de possession diabolique.
D'emblée, le réalisateur américain nous transporte jusqu'en Irak
sur les lieux de fouilles archéologiques qui vont mettre à jour une
petite statuette, représentation de Pazuzu. Un démon découvert en
Assyrie au Ier millénaire av. J.-C ayant le pouvoir de diriger les
vents mauvais et donc de propager les épidémies. Mais lorsque son
humeur l'y autorise, il peut aussi faire le bien et protéger les
hommes. Ce qui ne se vérifiera malheureusement pas durant les
cent-trente trois minutes que dure cette version Director's
cut
de L'exorciste
bénéficiant de onze minutes supplémentaires par rapport à la
version projetée en salle dès le 26 décembre 1973 aux États-Unis
et dès le 11 septembre de l'année suivante dans notre pays. Un
début orientalisant, donc. Presque chaleureux même si déjà, on
sent pointer le Mal à travers quelques suggestions. Cette statuette,
tout d'abord, et peu de temps après, sa représentation grandeur
nature sur un site de fouilles qui prend désormais l'allure d'un
champ de ruines. Comme si à travers ces images, William Friedkin
signifiait la disparition d'une ''civilisation'' liée à la présence
passée du démon Pazuzu. Un ange déchu au visage effrayant,
descendu sur Terre pour faire le mal...
À
neuf-mille neuf-cent kilomètres de distance vivent temporairement à
Georgetown dans une luxueuse demeure de ce quartier de Washington,
l'actrice Chris MacNeil (Ellen Burstyn) et sa fille Regan (Linda
Blair). Alors que sa mère est souvent absente, appelée à se rendre
sur des plateaux de tournage, la jeune Regan peut compter sur l'aide
de deux employés de maison ainsi que sur celle de sa nourrice Sharon
Spencer (l'actrice Kitty Winn). Loin de chez elle et de son père (en
déplacement à Rome), et donc sans aucun ami pour lui tenir
compagnie, la jeune fille s'est inventée un ami imaginaire, joue
seule, et s'amuse notamment avec une planche de Ouija
trouvée dans la cave. LA porte d'entrée vers le monde des esprits,
avec ses codes et ses dangers. Sans doute l'élément déclencheur
ayant dès lors convié l'apparition du démon Pazuzu dans la vie de
la jeune Regan et dans celle de son entourage. Une vie paisible
transformée en cauchemar qui va avoir des répercussions étonnantes
dépassant les frontières physiques représentées par les murs de
la demeure dans laquelle vivent pour un temps Regan et sa mère. Car
alors, comment ne pas repenser à ces épidémies dont est capable de
se rendre responsable Pazuzu et prenant la forme ici d'une contagion
beaucoup plus pernicieuse et surnaturelle ? Comment ne pas lier
entre eux la mort du plus proche ami de Chris en la personne de Burke
Dennings (l'acteur Jack MacGowran), la profanation d'une église et
même, la mort de la mère du père Damien Karras (Jason Miller) ?
Dans une ambiance mortifère et un climat de fin du monde digne des
dix plaies d’Égypte, William Friedkin nous impose en toutes
occasions, la présence du Mal. Une féroce critique de l’Église
dans laquelle la perte des croyances sont d'emblée punies par la
mort de l'être le plus cher. Dans un ordre d'idées apparemment bien
différent, les visions cauchemardesques de L'exorciste
renvoient parfois à celles du tout aussi traumatisant L'Échelle
de Jacob
postérieurement réalisé par Adrian Lyne en 1990...
Même
dans l'acte le plus ''banal'' qui consiste à traiter le mal dont est
atteint la jeune adolescente par des voies médicales classiques,
William Friedkin nous atteint par des procédés parfois rebutants.
Neurologues, psychiatres, une batterie de spécialistes va étudier
le cas de Regan avant que l'un d'eux n'émette l'idée de passer par
une voie pouvant s'imposer dans l'esprit des sceptiques ou des
incroyants comme du charlatanisme : un exorcisme. Et c'est là
qu'entre en jeu l’Église et notamment deux de ses représentants.
Et c'est peut-être là aussi qu'intervient l'élément le moins
convainquant. Non pas la pratique elle-même de l'exorcisme, mais le
chemin supposé tortueux menant jusqu'à l'acceptation de son usage
par l’Église. Ici, le principe est emballé en à peine quelques
minutes, ses plus dignes représentants acceptant la demande du père
Karras sans doute un peu trop vivement. Un détail, cependant...
William Friedkin décrit non seulement la lente agonie de Regan à
grands renforts d'effets sonores et visuels particulièrement
remarquables, mais aussi celle de son entourage. Le froid et la
puanteur semblent s'extraire du carcan de la pellicule
cinématographique pour sauter littéralement au visage du
spectateur. La remarquable photographie d'Owen Roizman participe de
cette sensation d'oppression et de malaise qui ne nous lâche plus
jusqu'à la dernière minute. Le réalisateur américain a la bonne
idée de ne pas trop compter sur la partition musicale composée par
une pléthore de musiciens mais plutôt sur les bruits et diverses
voix qui s'échappent d'entre les lèvres de Regan. Si la mise en
scène de William Friedkin mêle sobriété et très gros coups
d'éclats, simplicité et visions infernales, douceur et horreur
pure, il ne faut pas oublier que le film s'inspire de l'ouvrage de
l'écrivain William Peter Blatty, lui-même inspiré par un
fait-divers authentique survenu à la toute fin des années quarante
à Pont-Rainier dans le Maryland...
C'est
là que vit à l'époque le jeune Robbie Mannheim, âgé de quatorze
ans seulement. Proche de sa tante qui lui explique comment utiliser
la planche de ouija,
c'est à la mort de celle-ci que le jeune garçon emploie l'objet
afin d'entrer en communication avec elle. Dès lors, de curieux
phénomènes se produisent. Des bruits dont l'origine demeure
inconnue se manifestent tandis que des objets se déplacent tout
seuls. Tout comme plus tard sur les écrans avec
L'exorciste,
l'apparence physique de Robbie Mannheim change, se dégrade et les
médecins restent impuissants face au phénomène. Un prêtre
rencontre alors l'adolescent et confirme qu'il s'agit bien d'une
possession diabolique. Le père Bowdern pratique alors durant trois
semaines une série d'exorcismes en compagnie de plusieurs autres
prêtres jusqu'à ce que le garçon soit enfin libéré du mal. On le
voit, le film s'inspire en grande partie du cas Robbie Mannheim. Et
que l'on croit ou non à ce type de phénomènes que l'on pourra
ranger dans la catégorie des croyances populaires,
L'exorciste
reste presque cinquante ans après sa sortie initiale comme l'une des
expériences cinématographiques les plus intenses en terme
d'émotion. Glaçant, effrayant, tétanisant mais aussi très
certainement, émouvant.
Un
sentiment qui se dégage d'interprètes absolument remarquables
d'honnêteté intellectuelle. L'exorciste
n'est pas que le simple produit horrifique qu'il aurait pu être.
Plutôt un grand film ne jouant pas uniquement avec les codes de
l'horreur mais également ceux du drame et de la satire sociale et
religieuse. Mais comment mettre un terme à cet article sans parler
un tant soit peu des incroyables effets-spéciaux qui contrairement à
l'impression que donne le long-métrage ne s'invitent pas uniquement
dans la chambre de la pauvre Regan mais dès les premières minutes ?
Car faut-il le rappeler, l'acteur suédois Max von Sysow qui
interprète l'exorciste du titre, le père Lankester Merrin, n'était
alors âgé que de quarante-quatre ans alors qu'à l'image il en
paraît trente de plus. Résultat du prodigieux travail du maquilleur
américain Dick Smith dont le vieillissement était l'une de ses
spécialités. Mais le talent de ce grand monsieur des
effets-spéciaux disparu à l'âge de 92 ans le 31 juillet 2014
éclate de manière beaucoup plus évidente à travers les
maquillages que Linda Blair devra supporter durant une bonne partie
du tournage, assisté par Marcel Vercoutere et surtout Rick Baker qui
bientôt entrera dans la légendes des maquilleurs pour avoir
notamment oeuvré sur les plateaux du Loup-garou
de Londres
de John Landis, Hurlements
de Joe Dante, Videodrome
de David Cronenberg ou encore Men in Black
de Barry Sonnenfeld, le résultat est plus qu'impressionnant. Surtout
à une époque où les CGI ne devaient être encore qu'un fantasme
dans l'esprit des concepteurs d'effets-spéciaux. Que l'on croit ou
non au phénomène de possession diabolique, L'exorciste
demeure
une œuvre indispensable et l'une des meilleures de sa catégorie. Un
chef-d’œuvre absolu...
"L'exorciste" de William Friedkin est, en effet, une ouvre filmique rare, intense et qui dévore le spectateur. Un long-métrage qui m'a effrayé et fasciné et je crois que ce qui m'a plus intrigué c'est le comportement de la famille de la jeune victime envoutée par le Diable et celui des prêtres exorciseurs qui m'ont paru plus fous que le prétendu mal qu'ils combattent…
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