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vendredi 22 octobre 2021

L'exorciste de William Friedkin (1973) - ★★★★★★★★★★

 


 

Depuis maintenant presque cinquante ans, L'exorciste est venu hanter l'esprit de celles et ceux qui l'ont découvert en salle ou plus tard, en vidéo. Des témoignages, des critiques, des ouvrages et des documentaires ont tenté à diverses occasions de décrypter ce monument de l'effroi. D'autres que William Friedkin se sont essayés à ce type d'exercice sans jamais l'égaler. Ou si peu car il aura sans doute fallut patienter jusqu'en 2016 avec l'apparition sur les écrans de The Strangers du sud-coréen Na Hong-jin et sa stupéfiante réappropriation du mythe du Diable pour découvrir une œuvre digne de succéder à celle de l'américain. Mais jusque là, aucun autre cinéaste n'a jamais été aussi près que William Friedkin de délivrer un long-métrage aussi proche du réel tout en y mêlant une grande part de surnaturel liée au phénomène de possession diabolique. D'emblée, le réalisateur américain nous transporte jusqu'en Irak sur les lieux de fouilles archéologiques qui vont mettre à jour une petite statuette, représentation de Pazuzu. Un démon découvert en Assyrie au Ier millénaire av. J.-C ayant le pouvoir de diriger les vents mauvais et donc de propager les épidémies. Mais lorsque son humeur l'y autorise, il peut aussi faire le bien et protéger les hommes. Ce qui ne se vérifiera malheureusement pas durant les cent-trente trois minutes que dure cette version Director's cut de L'exorciste bénéficiant de onze minutes supplémentaires par rapport à la version projetée en salle dès le 26 décembre 1973 aux États-Unis et dès le 11 septembre de l'année suivante dans notre pays. Un début orientalisant, donc. Presque chaleureux même si déjà, on sent pointer le Mal à travers quelques suggestions. Cette statuette, tout d'abord, et peu de temps après, sa représentation grandeur nature sur un site de fouilles qui prend désormais l'allure d'un champ de ruines. Comme si à travers ces images, William Friedkin signifiait la disparition d'une ''civilisation'' liée à la présence passée du démon Pazuzu. Un ange déchu au visage effrayant, descendu sur Terre pour faire le mal...


À neuf-mille neuf-cent kilomètres de distance vivent temporairement à Georgetown dans une luxueuse demeure de ce quartier de Washington, l'actrice Chris MacNeil (Ellen Burstyn) et sa fille Regan (Linda Blair). Alors que sa mère est souvent absente, appelée à se rendre sur des plateaux de tournage, la jeune Regan peut compter sur l'aide de deux employés de maison ainsi que sur celle de sa nourrice Sharon Spencer (l'actrice Kitty Winn). Loin de chez elle et de son père (en déplacement à Rome), et donc sans aucun ami pour lui tenir compagnie, la jeune fille s'est inventée un ami imaginaire, joue seule, et s'amuse notamment avec une planche de Ouija trouvée dans la cave. LA porte d'entrée vers le monde des esprits, avec ses codes et ses dangers. Sans doute l'élément déclencheur ayant dès lors convié l'apparition du démon Pazuzu dans la vie de la jeune Regan et dans celle de son entourage. Une vie paisible transformée en cauchemar qui va avoir des répercussions étonnantes dépassant les frontières physiques représentées par les murs de la demeure dans laquelle vivent pour un temps Regan et sa mère. Car alors, comment ne pas repenser à ces épidémies dont est capable de se rendre responsable Pazuzu et prenant la forme ici d'une contagion beaucoup plus pernicieuse et surnaturelle ? Comment ne pas lier entre eux la mort du plus proche ami de Chris en la personne de Burke Dennings (l'acteur Jack MacGowran), la profanation d'une église et même, la mort de la mère du père Damien Karras (Jason Miller) ? Dans une ambiance mortifère et un climat de fin du monde digne des dix plaies d’Égypte, William Friedkin nous impose en toutes occasions, la présence du Mal. Une féroce critique de l’Église dans laquelle la perte des croyances sont d'emblée punies par la mort de l'être le plus cher. Dans un ordre d'idées apparemment bien différent, les visions cauchemardesques de L'exorciste renvoient parfois à celles du tout aussi traumatisant L'Échelle de Jacob postérieurement réalisé par Adrian Lyne en 1990...


Même dans l'acte le plus ''banal'' qui consiste à traiter le mal dont est atteint la jeune adolescente par des voies médicales classiques, William Friedkin nous atteint par des procédés parfois rebutants. Neurologues, psychiatres, une batterie de spécialistes va étudier le cas de Regan avant que l'un d'eux n'émette l'idée de passer par une voie pouvant s'imposer dans l'esprit des sceptiques ou des incroyants comme du charlatanisme : un exorcisme. Et c'est là qu'entre en jeu l’Église et notamment deux de ses représentants. Et c'est peut-être là aussi qu'intervient l'élément le moins convainquant. Non pas la pratique elle-même de l'exorcisme, mais le chemin supposé tortueux menant jusqu'à l'acceptation de son usage par l’Église. Ici, le principe est emballé en à peine quelques minutes, ses plus dignes représentants acceptant la demande du père Karras sans doute un peu trop vivement. Un détail, cependant... William Friedkin décrit non seulement la lente agonie de Regan à grands renforts d'effets sonores et visuels particulièrement remarquables, mais aussi celle de son entourage. Le froid et la puanteur semblent s'extraire du carcan de la pellicule cinématographique pour sauter littéralement au visage du spectateur. La remarquable photographie d'Owen Roizman participe de cette sensation d'oppression et de malaise qui ne nous lâche plus jusqu'à la dernière minute. Le réalisateur américain a la bonne idée de ne pas trop compter sur la partition musicale composée par une pléthore de musiciens mais plutôt sur les bruits et diverses voix qui s'échappent d'entre les lèvres de Regan. Si la mise en scène de William Friedkin mêle sobriété et très gros coups d'éclats, simplicité et visions infernales, douceur et horreur pure, il ne faut pas oublier que le film s'inspire de l'ouvrage de l'écrivain William Peter Blatty, lui-même inspiré par un fait-divers authentique survenu à la toute fin des années quarante à Pont-Rainier dans le Maryland...


C'est là que vit à l'époque le jeune Robbie Mannheim, âgé de quatorze ans seulement. Proche de sa tante qui lui explique comment utiliser la planche de ouija, c'est à la mort de celle-ci que le jeune garçon emploie l'objet afin d'entrer en communication avec elle. Dès lors, de curieux phénomènes se produisent. Des bruits dont l'origine demeure inconnue se manifestent tandis que des objets se déplacent tout seuls. Tout comme plus tard sur les écrans avec L'exorciste, l'apparence physique de Robbie Mannheim change, se dégrade et les médecins restent impuissants face au phénomène. Un prêtre rencontre alors l'adolescent et confirme qu'il s'agit bien d'une possession diabolique. Le père Bowdern pratique alors durant trois semaines une série d'exorcismes en compagnie de plusieurs autres prêtres jusqu'à ce que le garçon soit enfin libéré du mal. On le voit, le film s'inspire en grande partie du cas Robbie Mannheim. Et que l'on croit ou non à ce type de phénomènes que l'on pourra ranger dans la catégorie des croyances populaires, L'exorciste reste presque cinquante ans après sa sortie initiale comme l'une des expériences cinématographiques les plus intenses en terme d'émotion. Glaçant, effrayant, tétanisant mais aussi très certainement, émouvant.


Un sentiment qui se dégage d'interprètes absolument remarquables d'honnêteté intellectuelle. L'exorciste n'est pas que le simple produit horrifique qu'il aurait pu être. Plutôt un grand film ne jouant pas uniquement avec les codes de l'horreur mais également ceux du drame et de la satire sociale et religieuse. Mais comment mettre un terme à cet article sans parler un tant soit peu des incroyables effets-spéciaux qui contrairement à l'impression que donne le long-métrage ne s'invitent pas uniquement dans la chambre de la pauvre Regan mais dès les premières minutes ? Car faut-il le rappeler, l'acteur suédois Max von Sysow qui interprète l'exorciste du titre, le père Lankester Merrin, n'était alors âgé que de quarante-quatre ans alors qu'à l'image il en paraît trente de plus. Résultat du prodigieux travail du maquilleur américain Dick Smith dont le vieillissement était l'une de ses spécialités. Mais le talent de ce grand monsieur des effets-spéciaux disparu à l'âge de 92 ans le 31 juillet 2014 éclate de manière beaucoup plus évidente à travers les maquillages que Linda Blair devra supporter durant une bonne partie du tournage, assisté par Marcel Vercoutere et surtout Rick Baker qui bientôt entrera dans la légendes des maquilleurs pour avoir notamment oeuvré sur les plateaux du Loup-garou de Londres de John Landis, Hurlements de Joe Dante, Videodrome de David Cronenberg ou encore Men in Black de Barry Sonnenfeld, le résultat est plus qu'impressionnant. Surtout à une époque où les CGI ne devaient être encore qu'un fantasme dans l'esprit des concepteurs d'effets-spéciaux. Que l'on croit ou non au phénomène de possession diabolique, L'exorciste demeure une œuvre indispensable et l'une des meilleures de sa catégorie. Un chef-d’œuvre absolu...

 

1 commentaire:

  1. "L'exorciste" de William Friedkin est, en effet, une ouvre filmique rare, intense et qui dévore le spectateur. Un long-métrage qui m'a effrayé et fasciné et je crois que ce qui m'a plus intrigué c'est le comportement de la famille de la jeune victime envoutée par le Diable et celui des prêtres exorciseurs qui m'ont paru plus fous que le prétendu mal qu'ils combattent…

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