À Jérusalem, une bombe
explose en faisant de nombreuses victimes. Un attentat terroriste
dont les trois responsables d'origine palestinienne sont
immédiatement identifiés. Le premier est abattu. Le second est
arrêté. Quant au troisième, prénommé Kassem, il parvient à se
fondre dans la foule avant de disparaître... À Paris, Victor Manzon
est convoqué dans le bureau du directeur de la Bourse. Accusé de
fraude et de fausses déclarations ayant causé un déficit de quinze
millions de francs, il lui reste moins de vingt-quatre heures pour
fournir des preuves de crédit suffisantes qui lui permettront
d'échapper à la justice... Elizabeth, dans l'état du New Jersey
aux États-Unis. Après avoir subtilisé les fonds d'un parrain
abrités au sein d'une église catholique, le chauffeur Jackie
Scanlon, son patron ainsi que deux de ses hommes prennent la fuite au
volant d'un véhicule qui malheureusement percute un camion et les
laisse sur le carreau. Excepté Scanlon qui bientôt va se voir
contraint de prendre la fuite en quittant le pays... On ne va pas
commencer à tergiverser sur le fait que Sorcerer est
le remake du Salaire de la peur
de Henri-Georges Clouzot, les deux réalisateurs ayant suffisamment
de personnalité pour que l'on ne prenne pas le risque de comparer
telle ou telle séquence tournée par l'un et revisitée par l'autre.
L’œuvre de William Friedkin semble d'ailleurs se rapporter
davantage au roman éponyme de l'écrivain et journaliste Georges
Arnaud que du long-métrage sorti le 22 avril 1953 dans notre pays.
Quatre années après le choc L'exorciste,
le réalisateur américain, contrairement à ce qu'évoque le titre
original de son nouveau long-métrage Sorcerer
(traduit par sorcier ou sorcière), ne fait plus appel au moindre
élément fantastique. À moins que l'on suppose que la nature qui se
déchaîne au sein du film ne soit le fait d'une divinité retorse
quelle qu'elle soit...
Car
l'aventure à laquelle nous convie William Friedkin est de celles
dont on ne revient pas toujours. Après nous avoir présenté ses
trois principaux protagonistes en les personnes du français Bruno
Cremer, de l'américain Roy Scheider, du franco-marocain Amidou,
bientôt rejoints par l'espagnol Francisco Rabal, nous les
retrouvons ensuite tous réunis dans un trou perdu de l'Amérique du
sud. Un endroit crasseux où la maladie et la faim mènent la danse.
Mais peut-être aussi une planche de salut pour nos quatre hommes
auxquels va bientôt être confiée la rude tâche de convoyer à
bord de deux camions, une cargaison de nitroglycérine, un explosif
extrêmement instable qui doit permettre à trois-cent kilomètres de
là d’éteindre l'incendie qui s'est déclenché dans un puits de
pétrole. Pour cela, la promesse est faite aux quatre hommes
d'obtenir à l'issue de leur mission des papiers officiels ainsi que
dix-mille dollars chacun. Mais comme l'on va très vite s'en rendre
compte, l'aventure va être semée d'embûches... William Friedkin ne
ménage ni son équipe technique, ni ses comédiens. Dans des
conditions qui feraient presque sourire celles et ceux qui
travaillèrent aux côtés du réalisateur allemand Werner Herzog à
l'époque de Aguirre, la colère de Dieu
ou de Fitzcarraldo, l'américain
et son équipe s'enfoncent dans une jungle épaisse, humide, semée
de pièges et de défis apparemment insurmontables pour ses
personnages. On ne s'étonnera pas outre mesure d'y retrouver
également la patte du scénariste Walon Green qui huit ans
auparavant fut chargé de l'écriture d'un autre monument du septième
art : La horde sauvage
de Sam Peckinpah...
Alors
que les présences de Steve McQueen, de Lino Ventura, de Marcello
Mastronianni et d'Amidou sont tout d'abord envisagées dans les rôles
principaux, seul ce dernier participera finalement au tournage.
William Friedkin refuse d'accorder au premier la présence de sa
nouvelle épouse, l'actrice Ali MacGraw, qu'il rencontra sur le
tournage de Guet-apens
de Sam Peckinpah cinq ans auparavant. Lino Ventura refuse le rôle
finalement tenu par Bruno Cremer et quant à l'acteur italien
Marcello Mastronianni, la naissance de sa fille Chiara que Catherine
Deneuve vient de mettre au monde remet tout en question. C'est
finalement grâce à la société de production cinématographique
américaine productrice du long-métrage que Roy Scheider se voit
offrir le rôle que devait tenir la star américaine Steve McQueen !
Entre Paris, le New Jersey, Jerusalem, la République Dominicaine et
le Mexique, le budget ne fait que gonfler jusqu'à atteindre un peu
plus de vingt-deux millions de dollars dont deux seront entièrement
consacrés à l'une des séquences les plus hallucinantes de
l'histoire du septième art. Celle qui orne justement la célèbre
affiche du film : un pari quasi insurmontable qui mettra
plusieurs semaines à voir le jour pour un résultat surpassant
presque l'incroyable séquence du bateau à vapeur gravissant une
montagne dans l'un des chefs-d’œuvre de Werner Herzog,
Fitzcarraldo.
Une séquence qui marque profondément les esprits par son aura
mystique accentuée par les intempéries et par l'étrange et
hypnotique partition musicale du groupe allemand Tangerine
Dream...
Dans
son contenu ainsi que le contexte dans lequel baignent le
réalisateur, son équipe technique et ses interprètes, Sorcerer
fait œuvre de fiction paroxystique au même titre qu'un Apocalypse
Now
signé de Francis Ford Coppola deux ans plus tard. Le film prend
énormément de retard, résultant d'un surcroît de financement de
la part des sociétés de production. La fameuse séquence du pont
suspendu est déplacée de la république Dominicaine jusqu'au
Mexique à plus de trois-mille trois-cent kilomètres de distance.
William Friedkin sort de l'expérience totalement essoré après
avoir perdu plus de vingt kilos durant le tournage. Film-monstre,
Sorcerer connaîtra
une sortie nationale américaine dans de nombres salles de cinéma.
Mais son auteur ne s'était semble-t-il pas préparé à connaître
un adversaire de taille qui condamna son long-métrage à finir son
existence avec des recettes loin d'atteindre ses qualités
intrinsèques ou du moins, son budget de dépar. En effet, alors que
le film sort en salle le 24 juin 1977 aux États-Unis, il est
concurrencé par une œuvre de science-fiction qui elle est déjà
sortie depuis un mois : La guerre des
étoiles
qui sur son territoire connaît un succès si fulgurant que la
plupart des cinémas qui projettent Sorcerer
décident
de déprogrammer Scanlon, Manzon, Nilo et Kassem au profit de Luke
Skywalker, Han Solo, Leïa Organa et les boites de conserve C-3PO et
R2-D2... Un manque de reconnaissance flagrant, surtout si l'on
analyse les immenses qualités du long-métrage de William Friedkin.
Reste qu'aujourd'hui Sorcerer
demeure un grand classique du cinéma d'aventure. Une œuvre à
couper le souffle qui, oui, c'est vrai, n'est constituée en aucune
manière d'éléments fantastiques mais qui demeure encore et
toujours sous certaines apparences, une formidable expérience de
cinéma sensoriel...
Un bien bon billet sur ce grand film de Friedkin "Sorcerer" qui a eu la malchance de sortir sur les écrans le 24 juin 1977 alors que "Star Wars" battait son plein. J'ai aimé suivre ces convoyeurs toujours au bord du précipice (la scène du pont, extraordinaire ! ) Oui, "Sorcerer" est une œuvre à couper le souffle et Bruno Cremer fait des merveilles .
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