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vendredi 22 octobre 2021

Sorcerer de William Friedkin (1977) - ★★★★★★★★★☆

 


 À Jérusalem, une bombe explose en faisant de nombreuses victimes. Un attentat terroriste dont les trois responsables d'origine palestinienne sont immédiatement identifiés. Le premier est abattu. Le second est arrêté. Quant au troisième, prénommé Kassem, il parvient à se fondre dans la foule avant de disparaître... À Paris, Victor Manzon est convoqué dans le bureau du directeur de la Bourse. Accusé de fraude et de fausses déclarations ayant causé un déficit de quinze millions de francs, il lui reste moins de vingt-quatre heures pour fournir des preuves de crédit suffisantes qui lui permettront d'échapper à la justice... Elizabeth, dans l'état du New Jersey aux États-Unis. Après avoir subtilisé les fonds d'un parrain abrités au sein d'une église catholique, le chauffeur Jackie Scanlon, son patron ainsi que deux de ses hommes prennent la fuite au volant d'un véhicule qui malheureusement percute un camion et les laisse sur le carreau. Excepté Scanlon qui bientôt va se voir contraint de prendre la fuite en quittant le pays... On ne va pas commencer à tergiverser sur le fait que Sorcerer est le remake du Salaire de la peur de Henri-Georges Clouzot, les deux réalisateurs ayant suffisamment de personnalité pour que l'on ne prenne pas le risque de comparer telle ou telle séquence tournée par l'un et revisitée par l'autre. L’œuvre de William Friedkin semble d'ailleurs se rapporter davantage au roman éponyme de l'écrivain et journaliste Georges Arnaud que du long-métrage sorti le 22 avril 1953 dans notre pays. Quatre années après le choc L'exorciste, le réalisateur américain, contrairement à ce qu'évoque le titre original de son nouveau long-métrage Sorcerer (traduit par sorcier ou sorcière), ne fait plus appel au moindre élément fantastique. À moins que l'on suppose que la nature qui se déchaîne au sein du film ne soit le fait d'une divinité retorse quelle qu'elle soit...


Car l'aventure à laquelle nous convie William Friedkin est de celles dont on ne revient pas toujours. Après nous avoir présenté ses trois principaux protagonistes en les personnes du français Bruno Cremer, de l'américain Roy Scheider, du franco-marocain Amidou, bientôt rejoints par l'espagnol Francisco Rabal, nous les retrouvons ensuite tous réunis dans un trou perdu de l'Amérique du sud. Un endroit crasseux où la maladie et la faim mènent la danse. Mais peut-être aussi une planche de salut pour nos quatre hommes auxquels va bientôt être confiée la rude tâche de convoyer à bord de deux camions, une cargaison de nitroglycérine, un explosif extrêmement instable qui doit permettre à trois-cent kilomètres de là d’éteindre l'incendie qui s'est déclenché dans un puits de pétrole. Pour cela, la promesse est faite aux quatre hommes d'obtenir à l'issue de leur mission des papiers officiels ainsi que dix-mille dollars chacun. Mais comme l'on va très vite s'en rendre compte, l'aventure va être semée d'embûches... William Friedkin ne ménage ni son équipe technique, ni ses comédiens. Dans des conditions qui feraient presque sourire celles et ceux qui travaillèrent aux côtés du réalisateur allemand Werner Herzog à l'époque de Aguirre, la colère de Dieu ou de Fitzcarraldo, l'américain et son équipe s'enfoncent dans une jungle épaisse, humide, semée de pièges et de défis apparemment insurmontables pour ses personnages. On ne s'étonnera pas outre mesure d'y retrouver également la patte du scénariste Walon Green qui huit ans auparavant fut chargé de l'écriture d'un autre monument du septième art : La horde sauvage de Sam Peckinpah...

 

Alors que les présences de Steve McQueen, de Lino Ventura, de Marcello Mastronianni et d'Amidou sont tout d'abord envisagées dans les rôles principaux, seul ce dernier participera finalement au tournage. William Friedkin refuse d'accorder au premier la présence de sa nouvelle épouse, l'actrice Ali MacGraw, qu'il rencontra sur le tournage de
Guet-apens de Sam Peckinpah cinq ans auparavant. Lino Ventura refuse le rôle finalement tenu par Bruno Cremer et quant à l'acteur italien Marcello Mastronianni, la naissance de sa fille Chiara que Catherine Deneuve vient de mettre au monde remet tout en question. C'est finalement grâce à la société de production cinématographique américaine productrice du long-métrage que Roy Scheider se voit offrir le rôle que devait tenir la star américaine Steve McQueen ! Entre Paris, le New Jersey, Jerusalem, la République Dominicaine et le Mexique, le budget ne fait que gonfler jusqu'à atteindre un peu plus de vingt-deux millions de dollars dont deux seront entièrement consacrés à l'une des séquences les plus hallucinantes de l'histoire du septième art. Celle qui orne justement la célèbre affiche du film : un pari quasi insurmontable qui mettra plusieurs semaines à voir le jour pour un résultat surpassant presque l'incroyable séquence du bateau à vapeur gravissant une montagne dans l'un des chefs-d’œuvre de Werner Herzog, Fitzcarraldo. Une séquence qui marque profondément les esprits par son aura mystique accentuée par les intempéries et par l'étrange et hypnotique partition musicale du groupe allemand Tangerine Dream...


Dans son contenu ainsi que le contexte dans lequel baignent le réalisateur, son équipe technique et ses interprètes, Sorcerer fait œuvre de fiction paroxystique au même titre qu'un Apocalypse Now signé de Francis Ford Coppola deux ans plus tard. Le film prend énormément de retard, résultant d'un surcroît de financement de la part des sociétés de production. La fameuse séquence du pont suspendu est déplacée de la république Dominicaine jusqu'au Mexique à plus de trois-mille trois-cent kilomètres de distance. William Friedkin sort de l'expérience totalement essoré après avoir perdu plus de vingt kilos durant le tournage. Film-monstre, Sorcerer connaîtra une sortie nationale américaine dans de nombres salles de cinéma. Mais son auteur ne s'était semble-t-il pas préparé à connaître un adversaire de taille qui condamna son long-métrage à finir son existence avec des recettes loin d'atteindre ses qualités intrinsèques ou du moins, son budget de dépar. En effet, alors que le film sort en salle le 24 juin 1977 aux États-Unis, il est concurrencé par une œuvre de science-fiction qui elle est déjà sortie depuis un mois : La guerre des étoiles qui sur son territoire connaît un succès si fulgurant que la plupart des cinémas qui projettent Sorcerer décident de déprogrammer Scanlon, Manzon, Nilo et Kassem au profit de Luke Skywalker, Han Solo, Leïa Organa et les boites de conserve C-3PO et R2-D2... Un manque de reconnaissance flagrant, surtout si l'on analyse les immenses qualités du long-métrage de William Friedkin. Reste qu'aujourd'hui Sorcerer demeure un grand classique du cinéma d'aventure. Une œuvre à couper le souffle qui, oui, c'est vrai, n'est constituée en aucune manière d'éléments fantastiques mais qui demeure encore et toujours sous certaines apparences, une formidable expérience de cinéma sensoriel...

 

1 commentaire:

  1. Un bien bon billet sur ce grand film de Friedkin "Sorcerer" qui a eu la malchance de sortir sur les écrans le 24 juin 1977 alors que "Star Wars" battait son plein. J'ai aimé suivre ces convoyeurs toujours au bord du précipice (la scène du pont, extraordinaire ! ) Oui, "Sorcerer" est une œuvre à couper le souffle et Bruno Cremer fait des merveilles .

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