

Il y a plus d'un demi
siècle sortait sur les écrans
Rosemary's Baby,
chef-d’œuvre intemporel signé du réalisateur franco-polonais
Roman Polanski. Huit ans plus tard fut produit le téléfilm
Qu'est-il arrivé au bébé de Rosemary ?
de Sam O'Steen. Une séquelle pas tout à fait indigne de l'original
mais demeurant tout de même très en dessous. Il y a dix ans apparu
sur les écrans la mini-série portant le même titre que le
long-métrage de Roman Polanski, bouclant ainsi l'épopée tragique
et fantastique de Rosemary Woodhouse au sein d'un immeuble où
semblait s'être niché le Malin... Les films d'horreur et
d'épouvante mettant en scène des femmes enceintes ne sont pas rares
et prennent parfois d'étonnant chemins de travers. Comme celle de
Chromosome 3 de
David Cronenberg en 1979 dans lequel une femme accouchait
instinctivement d'enfants mutants et agressifs. On pense également à
la franchise It's Alive
de Larry Cohen et ses bébés meurtriers ou plus près de chez nous à
À l'intérieur
de Julien Maury et Alexandre Bustillo dont l'héroïne fut la victime
permanente des assauts d'une femme qui voulait littéralement lui
arracher des entrailles l'enfant qu'elle portait. Répétant comme
une litanie les mœurs du coucou, cet oiseau parasite qui pond dans
les nids d'autres espèces afin de permettre à sa progéniture de
prendre la place d'autres oisillons, El Cuco
dessine ainsi les contours d'une œuvre dont les origines ne
proviennent très clairement pas uniquement de l'imagination des
scénaristes Roger Danès et Alfred Pérez Fargas mais bien du
classique de l'épouvante et du fantastique sorti en octobre 1968 sur
notre territoire. Difficile en effet de cacher sous le prisme de la
pure coïncidence la somme d'éléments renvoyant à Rosemary's
Baby.
Tout dans l'attitude de certains personnages comme l'emploi de
substances servant à contrôler la pauvre héroïne incarnée par la
talentueuse actrice espagnole Belén Cuesta concourt à faire de El
Cuco
sinon un remake officiel, du moins une alternative hispanique
reprenant les grandes et les petites lignes du classique américain
de Roman Polanski. Ici tout commence par un échange entre
l'appartement d'Anna et de Marc et la luxueuse demeure d'Olga et
Hans. Un couple d'allemands relativement particulier, excentrique et
quelque peu tactile mais néanmoins fort sympathique. Mais alors que
le jeune couple s'installe dans sa nouvelle et très temporaire
demeure, illustration parfaite du monde moderne fourmillant de
technologies liées à la domotique, Olga et Hans montrent très
rapidement un comportement hiératique une fois pénétrée l'entrée
de l'appartement d'Anna et Marc.
Mettant
le souc, renversant vêtements et bibelots, le couple d'allemand va
surtout commencer à pratiquer une sorte rite païen qui aura de très
fortes répercussions sur la suite des événements. De leur côté,
Anna et Marc passent d'agréables vacances lors desquelles l'attitude
de ce dernier change radicalement. Habituellement intéressé par son
métier et délaissant quelque peu ses responsabilités vis à vis de
son épouse dont la grossesse va très bientôt arriver à terme, le
voici désormais charmant, très proche d'Anna pour laquelle il fait
preuve de soins tout particuliers. Mais cette attitude sert en
réalité en plan absolument machiavélique que vont tenter de
développer la réalisatrice et productrice Mar Targarona ainsi que
ses scénaristes. Ceux qui connaissent bien l'univers du couple
Woodhouse et de leurs plus proches voisins, les Castevet, risquent de
se retrouver devant un dilemme. Car si El Cuco
est brillamment construit, le film leur paraîtra sans doute trop
semblable à celui que réalisa Roman Polansi à la fin des années
soixante. Ce qui n'est pas faux. Ne serait-ce qu'à travers l'usage
que font la réalisatrice et les scénaristes du personnage de Marc
(l'acteur Jorge Suquet) dont l'attitude est tout à fait similaire à
celle de Guy Woodhouse (John Cassavetes) dansRosemary's
Baby.
Cette relation proche mais aussi très trouble que l'homme
entretiendra avec son épouse et, au-delà, avec Lili (Chacha Huang)
qui se présente comme la fille d'Olga et Hans. L’œuvre pousse le
mimétisme jusqu'à représenter l'héroïne sous une apparence
plutôt fragile, élancée (pour ne pas dire maigre) et portant les
cheveux courts. Bref, une déclinaison moderne et espagnole de
l'actrice américaine Mia Farrow... Mais si tout semble écrit à
l'avance, El Cuconous propose malgré tout dans sa dernière partie une variante pas
du tout inintéressante. Bref, si le long-métrage deMar
Targarona n'atteint pas les cimes angoissantes du chef-d’œuvre de
Roman Polanski, El Cuco n'en
demeure pas moins une excellente alternative. Un film tout ce qu'il
faut d'angoissant. Un suspens parfois pénible à supporter pour un
cinéma espagnol horrifique toujours aussi convainquant. Deux ans
après le décevant Dos,
la réalisatrice espagnole revenait donc en 2023 avec une œuvre
pleinement accomplie...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire