Il existe parfois des
œuvres qui sortent sans trop faire parler d'elles et qui pourtant
mériteraient de pleines pages dans des revues ou des journaux
spécialisés dans le septième art. Lorsque j'affirme autour de moi
qu'en France ou dans les pays francophones nous possédons quelques sympathiques spécialistes du
thriller, les moues et les airs contrits s'affichent. Il faudrait
peut-être alors que j'impose à mon entourage la projection de Cold
Meat
de Sébastien Drouin. Un artisan du cinéma qui généralement
travaille dans le département des effets visuels mais qui
ponctuellement et jusqu'à maintenant s'était lancé dans la
réalisation de courts-métrages et de dix épisodes pour la série
télévisée Fearless
en 2017. En charge des effets-spéciaux, de l'écriture et de la mise
en scène de son tout premier long-métrage en 2023, Sébastien
Drouin signait donc l'année dernière un Cold
Meat
particulièrement redoutable. Une œuvre portée par l'incarnation de
deux excellents interprètes. D'un côté, l'acteur irlandais Allen
Leech qui connu une renommée internationale pour son rôle de Marcus
Vipsanius Agrippa dans la série créée par John Milius, William J.
MacDonald et Bruno Heller, Rome
et qui au cinéma interpréta notamment le personnage de l'agent
Paul Prenter dans le biopic consacré au groupe Queen,
Bohemian Rhapsody
de Bryan Singer il y a six ans en 2018. Face à lui, l'actrice et
scénariste américaine Nina Bergman dont la carrière pourtant
constituée d'une trentaine d'apparitions n'était pas encore marquée
par des œuvres fondamentalement remarquables (Catacombes
de
David Elliot et Tomm Coker en 2007, Doom:
Annihilation de
Tony Giglio en 2019). En 2023 les voici donc réunis dans ce film
d'apparence anodine mais où des forces contraires vont s'imposer
face à une lecture de facture relativement classique. Tout commence
dans un bar-restaurant tenu par Ana, jeune femme séduisante qui
reçoit la visite d'un dernier client prénommé David. Séparée de
son très violent compagnon Vincent (l'acteur Yan Tual), Ana a la
garde de leur jeune enfant mais le père de la gamine relance sans
cesse son ex-femme pour voir sa fille. Ce soir-là, prit de boisson
et très énervé, Vincent débarque au restaurant et s'en prend à
Ana tandis que David mange un bout de tarte et boit un café.
Intervenant
lors de la dispute entre Ana et Vincent, l'inconnu parvient à
raisonner ce dernier qui quitte les lieux non sans avoir menacé
David de le retrouver. Une fois sa pause terminée, le jeune homme
reprend le volant et quitte les lieux. Mais alors qu'il s'arrête à
une station-essence afin de remplir le réservoir de son véhicule,
par un malheureux hasard (un peu grossier, il est vrai), Vincent
passe par là et décide de le prendre en chasse... À la lecture
d'un tel synopsis, on pourrait éventuellement penser que ''Ouais,
bon, sympa mais tout de même très classique cette histoire...''.
Sauf que ce qui ressemble à une multitude d'évidences gravées dans
le marbre depuis que le thriller existe, des forces contraires vont
venir contrarier une écriture d'apparence très conventionnelle. Car
l'objet de cette histoire où l'on peut se demander dans quelles
circonstances le personnage assez émouvant d'Ana peut ressurgir au
cœur du récit s'inscrit non pas dans les genres course-poursuite,
traque ou chasse l'homme mais plutôt dans celui du huis-clos, au
cœur d'un hiver glacial. Tournant principalement autour de Nina
Bergman et Allen Leech, le film n'est donc pas celui auquel la
première partie nous avait pourtant habitués. Prenant une tournure
plus dramatique encore que l'affrontement physique entre Ana et son
ex ou psychologique entre ce dernier et David, les ressorts
dramatiques de Cold Meat sont
plus généralement ancrés dans l'esprit d'une œuvre sur la survie
en milieu particulièrement hostile et entre deux êtres qui l'un et
l'autre vont montrer leur véritable visage. Nina Bergman campe une
Ana très convaincante, plus solide qu'il n'y paraît malgré son
apparente fragilité. Quant à Allen Leech, loin de nous de penser
que le personnage de David qu'il incarne avec précision pouvait
cacher un tel individu, héros qui pourtant et malgré lui avait su
faire face à la grande dangerosité de Vincent. Notons que Cold
Meat
convie au sein du récit un élément qui semble provenir d'un
phénomène inexpliqué et donc, sans doute, surnaturel. Une
composante qui restera d'ailleurs inexpliquée. Au final, un film
sous tension, sobre mais maîtrisé et parfaitement incarné. À
voir, le soir ou au cœur de la nuit, dans l'obscurité...
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