Il va très sérieusement
falloir que Ethan Coen envisage de retourner rapidement auprès de
son frère Joel car l'expérience cinématographique en solo ne
semble visiblement pas être ce qu'il aura fait de mieux durant ces
quarante dernières années. Depuis leurs débuts en 1984 avec Blood
Simple
jusqu'à ce jour où donc, Ethan a décidé de faire comme son
frangin et d'aller respirer un air différent en tournant tout seul
et comme un grand, son premier long-métrage sans Joel ! Traduit
chez nous sous l'insipide titre Filles en cavale,
lequel aurait sans doute dû nous aiguiller quant à son contenu,
Drive-Away Dolls
commence par une séquence post-générique dans la grande tradition
des polars ''coeniens''. Belles prises de vue et humour noir. Puis
débarque à l'image et en gros plan le visage tout en sueur de Jamie
(l'actrice Margaret Qualley) sortant de l'entre-jambe de Carla (Annie
Gonzalez) qu'elle dévorait de son avide langue. Le ton est donné !
Ça peut sembler léger mais tout hétérosexuel continuant de
s'assumer comme tel reprochera moins au réalisateur et scénariste
d'avoir choisi deux femmes plutôt que deux hommes pour incarner les
deux principales protagonistes. Ensuite, ne nous y trompons pas :
la mexicaine qui les cuisses ouvertes hurle d'un plaisir presque
douloureux à en réveiller les voisins n'est pas l'une d'entre
elles. Non la seconde héroïne du récit, c'est Marian qu'interprète
quant à elle l'actrice australienne Geraldine Viswanathan. Une fille
propre sur elle qui ne se laisse pourtant pas mener par le bout du
nez par la gente masculine lorsqu'au moment (in)opportun, l'un de ses
collègues tente sa chance avec elle. D'emblée, Drive-Away
Dolls
sent quand même très fort le film féministe. À un point que la
pièce qui sert de décor à la projection de ce long-métrage
heureusement assez court (quatre-vingt quatre minutes) est emprunte
d'un baume dont le parfum est assez indéfinissable. Ou comment
charger la mule d'une œuvre dont on attendait peut-être un peu trop
(Coen Touch
oblige) et qui au final est peut-être le film de trop (pour un
premier en solo, le paradoxe est plutôt lourd à porter sur les
seules épaules de son principal artisan). Ponctuellement (mais
heureusement fort rarement), les frères Coen eurent bien du mal à
convaincre. On se souvient surtout de l'incompréhensible Intolérable
cruauté.
Incompréhensible dans ce sens où l'on ne pouvait adouber le fait
qu'il fut réalisé par l'un des duos de cinéastes américains parmi
les plus précieux. Drive-Away Dolls
élude presque cette incommodante erreur de parcours en forçant le
trait au delà des limites que s'étaient tout de même imposés Joel
et Ethan sur leur œuvre de 2003 !
Vingt-deux
ans plus tard, le couple hétéro est remplacé par deux lesbiennes
qui s'assument parfaitement. Deux, seulement ? Non, un monde
tout entier de ''brouteuses de gazon'' comme les évoquent les aigris
dégoûtés de n'y avoir pas accès. Avec sa boite lesbienne (même
pas LGBT+toutescesmerdesquidepuissysontajoutées)
par exemple, véritable enfer pour hétéros ne consentant pas de
partager leur oxygène avec des femmes qui de leur côté ne veulent
de toute manière pas se frotter à eux ! Et son équipe de
basket-ball féminine entièrement constituée de lesbiennes. Bon
c'est bien beau toutes ces femelles en chaleur qui aspirent après
l'effort d'avoir un peu de réconfort entre les mamelles
bienveillantes de leurs petites amies de passage, mais à part ça,
c'est quoi Drive-Away Dolls ?
Une comédie, un Road-movie
certes,
mais également un thriller qui reprend certains codes de Fargo
ou de No Country for Old Men
comme savaient si bien le faire jusque là les frères Coen. Respirez
messieurs, l'homme aussi est représenté à l'écran même si ça
n'est jamais vraiment sous ses plus beaux atours. L'apparition d'un
trio de malfrats dont on pouvait jusqu'ici se poser la question de
leur présence à l'image s'explique finalement de manière assez
simple et constitue le prolongement de la séquence d'introduction
dont on pouvait par avance et connaissant les frères Coen, se douter
qu'elle aurait un lien direct avec la suite des événements.
L'acteur Colman Domingo incarne leur chef sous les ordres duquel l'on
retrouve Joey Slotnick et C.J. Wilson dans les rôles de Arliss et
Flint. Un binôme de pieds nickelés en querelle permanente et pas
toujours très professionnels (Flint et son incapacité à frapper
les femmes même lors de situations qui l’exigeraient). On ne va
pas trop en dévoiler sur ce qui va constituer une chasse à la femme
et pourtant, Drive-Away Dolls
s'avère péniblement classique. Des situations comme les frères
Coen en ont produit des dizaines tout comme ses personnages masculins
qui semblent extraits de n'importe quel polar qu'ils ont eux-mêmes
mis en scène par le passé. Sauf que Ethan croit bon d'apporter une
petite touche de modernisme avec son duo de lesbiennes ou son
féminisme à peine camouflé mais tout ceci sent tout de même déjà
un peu le rance. Comme ces effets de transition d'une autre époque
que l'on croirait avoir été produits à l'aide d'un logiciel de
mntage vidéo de type Power
Director Cyberlink !
Coté sexe, le film contient moins de nudité que le laissent
envisager certaines critiques. On pourra malgré tout leur reprocher
d'avoir surtout comme effet de remplir les trous d'un scénario
terriblement convenu. Bref, Drive-Away Dolls
est une déception. Pas un navet comme certains le prétendent à
l'image de Pierre Murat de Télérama
mais trop surfait pour véritablement mériter sa place au sein des
meilleures productions estampillées ''Frères
Coen''...
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