Avant d'interpréter les
dialogues de Michel Audiard ou d'apparaître dans quelques-uns des
longs-métrages réalisés par son propre fils, l'immense Bernard
Blier débuta sa carrière au cinéma des décennies plus tôt, en
1937. A l'époque, l'une des futures grandes figures du septième art
en France n'est alors âgé que de vingt et un ans et n'a pas encore
le physique rondelet qu'on lui connaîtra plus tard. Il enchaîne des
rôles de figurants et cette seule année 1937, il tourne dans pas
moins de six longs-métrages mais ne sera crédité que dans
Trois...six...neuf de
Raymond Rouleau etDouble crime sur la ligne
Maginot
de Félix Gandéra. L'année suivante, il apparaît dans le classique
de Marcel Carné Hôtel du Nord
dans un rôle secondaire. Les deux hommes se retrouveront d'ailleurs
sur le tournage de Le jour se lève
en 1939 et dans lequel il incarne le personnage de Gaston, l'ami du
héros François interprété alors par Jean Gabin avec lequel il
deviendra ami. Jusqu'à ce que l'année 1945 se profile, Bernard
Blier aura interprété trente-trois personnages dans autant de films
et aura notamment tourné aux côtés de Marc Allégret,
Christian-Jacques ou Claude Autant-Lara. 1945, donc. Alors qu'en
septembre de la même année prend fin la seconde guerre mondiale
opposant les alliés à l'Axe sort sur les écrans français Seul
dans la nuit
de Christian Stengel, lequel est alors assisté par le monteur et
réalisateur Charles Bretoneiche. Quatorze ans après M
le maudit
de l'allemand Fritz Lang et vingt avant Le
Vampire de Düsseldorf
de Robert Hossein, le scénario de Yves et Jacqueline Boisyvon adapté
à l'écran par le réalisateur lui-même ainsi que par le
dialoguiste Marc-Gilbert Sauvajon prend pour cible la traque d'un
tueur en série (terme qui alors devra attendre l'année 1961 pour
apparaître pour la toute première fois dans un dictionnaire) par un
inspecteur de police qu'interprète donc Bernard Blier. Chargé par
son supérieur, le commissaire Planquine (l'acteur Marcel André) de
mener les investigations, l'inspecteur Robert Pascal est surtout très
proche de la fille de celui-ci (la délicieuse Sophie Desmarets dans
le rôle de Thérèse). Si dans M le maudit,
l'acteur Peter Lorre incarnait un Hans Beckert sifflant une chanson
avant de commettre ses meurtres (le film reposait d'ailleurs sur le
cas authentique de Peter Kürten que la presse surnomma entre la fin
des années vingt et le début de la décennie suivante Le
Vampire de Düsseldorf),
l'assassin de Seul dans la nuit
chante quant à lui une chanson très à la mode à l'époque où se
situe l'intrigue.
Chanson
très populaire auprès des femmes et qui donne justement son nom au
film de Christian Stengel. Bernard Blier interprète un policier
déterminé et à l'occasion, charmeur. L'homme plaît aux femmes
mais ne se laisse pas trop déborder par l'émotion. Surtout que le
tueur qui sévit multiplie les victimes. Seul témoin de l'un des
meurtres : un certain Tolu (l'acteur Louis Salou). Un vieil
homme ne cessant de parier sur sa barbe que le tueur est Jacques
Sartory (Jacques Pills), l'interprète de Seul
dans la nuit,
chanson qui passe régulièrement sur les ondes et qui rend ''folle''
la gente féminine. Robert Pascal enquête auprès de ce dernier et
interroge son entourage direct : et parmi ceux qui gravitent
autour de l'artiste, son secrétaire Alain Dalbrey (Jean Davy), le
pianiste et compositeur de ses chansons Stéphane Marcheau (Jean
Wall) ou bien son amie Liliale Roy (l'actrice Ginette Baudin). L'une
des victimes survit à ses blessures mais est retrouvée plus tard
décédée dans sa chambre d’hôpital, le tueur ayant fini ce qu'il
avait commencé. Seul dans la nuit
est une très bonne surprise en matière de film policier dont
l'intrigue repose sur des thématiques impossibles à évoquer ici
sans dévoiler le nom réel de l'assassin. Le film fait intervenir un
imitateur et la diffusion de la chanson à la radio perverti parfois
l'enquête. Il demeure dans Seul dans la nuit,
quelques soubresauts de l'une des œuvres littéraires fantastiques
françaises parmi les plus célèbres. Il y a en effet du Gaston
Leroux période Le
fantôme de l'Opéra
dans
ce long-métrage pourtant dénué de toute fantaisie autre que le jeu
de séduction des deux principaux interprètes. Bernard Blier se
présente comme un flic déterminé, certes, mais un peu gauche au
contact des femmes. Le film multiplie étonnamment les interludes
musicaux. Des chansons toutes notamment composées par Francis Lopez
et Louiguy. Sophie Desmarets incarne une Thérèse fort séduisante
et déterminée, elle aussi, mais au sujet de la ''relation'' qu'elle
entretient avec l'inspecteur (auquel elle ''reprochera'' sur le ton
de l'humour et malgré sa profession de policier, d'avoir volé chez
la jeune femme toutes les photographies la représentant). Comme sera
également déterminé ce vieux bouc de monsieur Tolu, lequel
insistera pour suivre de près l'enquête menée par l'inspecteur. Au
final, la résolution de l'énigme s'avérera moins surprenante que
prévu. Mais le film n'en est pas moins très agréable à suivre et
le plaisir de découvrir Bernard Blier dans l'un de ses plus anciens
rôles principaux est un atout majeur...
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