La seule évocation de
William Peter Blatty réveille de vieux souvenirs. De ces cauchemars
qui sur pellicule ont empêché de dormir des générations de
cinéphiles. Car derrière ce nom se cache l'auteur de L'exorciste,
roman qui eut les honneurs d'une adaptation sur grand écran en 1973.
Et pas par n'importe quel cinéaste puisque William Friedkin réalisa
lui-même ce qui demeure toujours comme l'une des expériences les
plus traumatisantes ayant vu le jour dans les salles de cinéma. Si
la légende aura d'abord retenu le nom du réalisateur, William Peter
Blatty n'en est pas moins rattaché à l’œuvre pour l'éternité.
De son côté, ce dernier aura réalisé en tout et pour tout, deux
films. Pas un de plus. En 1990, il réalisera The
Exorcist III: Legion,
le troisième volet d'une franchise qui aurait peut-être dû
s'arrêter à l'issue du chef-d’œuvre de William Friedkin. Une
bouture bien fade au regard de l'original même si elle possède des
qualités qui lui sont propres. Il est par contre relativement
intéressant de revenir dix ans en arrière, soit en 1980. Cette
année là, William Peter Blatty se lance lui-même dans la
réalisation avec La Neuvième Configuration.
Une œuvre logiquement écrite par ses soins mais qui n'a plus rien à
voir avec le Diable tel qu'il le décrivait presque dix ans plus tôt
en 1971 dans son plus célèbre roman. Ce premier longs-métrage que
l'on aurait tôt fait de ranger dans la catégorie des O.F.N.I.s
est effectivement une œuvre très particulière. Le genre de film
qui peut incommoder de diverses manières ou réjouir les amateurs de
bizarreries...
Une
certitude rejoindra cependant ces différents cas de figures :
La Neuvième Configuration
ne laissera personne indifférent. On pourrait en parler durant des
heures. Discuter de ces quatre-vingt premières minutes lors
desquelles la folie des personnages rejoint celle du script et à la
suite desquelles, le spectateur finira par cesser de rire. La farce
se mue en une tragédie et l'on se demande alors pour quelles raisons
William Peter Blatty a attendu si longtemps pour nous servir ce drame
que l'on aurait aimé voir gagner du terrain sur les trop longues
divagations qui l'ont précédé. Après avoir lâché ses
interprètes durant plus des deux tiers du récit, à les laisser
jouer comme des enfants indisciplinés entre les murs d'un stupéfiant
château à l'architecture gothique situé au sommet d'une montagne,
le réalisateur durcit le ton. Son équipe technique et ses deux
principaux interprètes (les formidables Stacy Keach et Scott Wilson)
sont transportés dans un bar sordide tenu par une bande de bikers
particulièrement violents à la tête desquels trônent l'acteur
Steve Sandor et son ''lieutenant'' Richard Lynch. Jusque là, La
Neuvième Configuration
nous promena dans un drôle d'établissement consacré au traitement
psychiatrique d'anciens soldats supposément atteints de folie. Le
Colonel Vincent Kane (Stacy Keach) intègre donc l'endroit en tant
que psychiatre afin d'y étudier les patients et de voir qui parmi
eux est vraiment malade et qui simule...
Et
là, le spectateur a droit à une galerie de personnages hauts en
couleurs. À commencer par le duo formé autour des lieutenants
Frankie Reno et Spinell (le second empruntant le nom authentique de
celui qui l'interprète, soit l'acteur Joe Spinell, formidable
monstre humain dans le traumatisant Maniac
de William Lustig sorti la même année), le premier faisant passer
des castings à des chiens dans le but de monter une pièce de
théâtre inspirée de William Shakespeare. En passant par un
schizophrène dont l'une des personnalités n'hésite pas à revêtir
une robe chasuble de nonne ! Mais surtout, ce sera pour le
colonel Vincent Kane, l'occasion de faire la connaissance du
capitaine Billy Cutshaw (l'acteur Scott Wilson). Un ancien astronaute
qui lors du lancement d'une fusée à destination de la Lune fut pris
de panique et interrompit le décollage. Quatre-vingt minutes d'un
grand n'importe quoi, lors desquelles les dialogues perdent
complètement le spectateur dans le même esprit que ces
improvisations dont seuls ceux qui en sont les acteurs savent de quoi
ils parlent. Notons que la présence à l'image de Stacy Keach
tempère quelque peu le climat de folie qui baigne littéralement et
qu'il sera lui-même l'objet central d'un très intéressant Twist.
Ensuite, c'est le choc. Dix ou quinze minutes lors desquelles William
Peter Blatty plonge la tête du spectateur dans une bassine remplie
d'eau et le contraint à vivre une double humiliation sous apnée !
Une longue séquence rendue plus difficile encore par l'aspect
humoristique (et plus ou moins drôle) de tout ce qui a précédé
cette séquence pénible à supporter. Dans le genre ''changement de
ton'', le réalisateur a réussi l'exploit de plomber l'ambiance sans
espoir pour le spectateur de retrouver le sourire. D'une manière
générale, soit on adhère au concept de départ, soit l'on
abandonne au bout d'une demi-heure. Ce qui serait au fond, une grave
erreur puisque la patience des spectateurs étant mise à rude
épreuve, la récompense n'en sera que plus grande. Un film unique en
son genre et une vraie curiosité servie par une jolie brochette
d'interprètes...
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