Un immense merci à Warning Zone pour le partage
S'offrir un petit cycle
consacré au cinéaste italien Pupi Avati n'étant pas forcément une
occasion journalière, j'ai décidé de lui en consacrer un avec
trois longs-métrages. Non pas ses œuvres les plus célèbres que
tout le monde connaît de toute manière (La Casa dalle
Finestre che Ridono en
1976 et Zeder
en 1983), mais trois nettement moins connues. Il s'agira tout d'abord
de Il Signor Diavolo
que Pupi Avati réalisa en 2020, puis nous remonterons le temps
jusqu'en 1996, année de sortie de L'arcano
Incantatore,
puis plus loin encore, jusqu'en 1977 avec Tutti
Defunti... Tranne i Morti...
Selon la volonté de Pupi Avati lui-même, Il
Signor Diavolo devait
être à l'origine le premier volet d'une trilogie consacrée au
Diable mais depuis, le cinéaste italien a pour le moment réalisé
un dernier long-métrage qui n'a rien à voir (Lei
mi parla ancora).
Produit par le propre frère du réalisateur Antonio Avati, Il
Signor Diavolo
se rapproche d'un point de vue environnemental du chef-d’œuvre de
Pupi Avati qui vit le jour près de quarante-cinq ans en arrière. On
y retrouve le même type de décors, comme des lieux entièrement
dévoués à Dieu ou une maison isolée entourée par les eaux comme
celle de La
Casa dalle Finestre che Ridono
tandis que l’ambiguïté fait partie intégrante de la majorité
des personnages. D'une certaine manière, Furio Momenté (l'acteur
Gabriel Farnese) est l'équivalent de Stefano (Lino Capolicchio), ce
restaurateur d’œuvres d'art qui s'était en son temps lancé dans
une enquête troublante concernant le peintre fou Buono Legnani ainsi
qu'une fresque dont il fut l'auteur (le martyre de Saint-Sébastien).
Ambiance morbide, personnages ambigus, le film est demeuré culte
pour son caractère très particulier et pour sa légendaire
conclusion...
Mais
près de quarante-cinq ans plus tard, il en va tout autrement pour Il
Signor Diavolo
qui malheureusement ne parvient jamais vraiment à retransmettre
cette atmosphère d'hostilité particulièrement malsaine qui fut
celle de La
Casa dalle Finestre che Ridono.
La photographie presque monochrome du fidèle collaborateur de Pupi
Avati sur une dizaine de longs-métrages introduit des tons
majoritairement gris, bleu acier ou bruns. Une esthétique terne que
le directeur de la photographie Cesare Bastelli assène à longueur
de plans. Il manque cependant de ce petit grain qui aurait épargné
au long-métrage son aspect téléfilm qui le gangrène en partie.
Malgré ce dernier détail qui ne devrait jamais avoir de
répercussions sur les qualités d'une œuvre, Il
Signor Diavolo n'en
constitue pas moins une approche intéressante à plus d'un titre.
Pupi Avati cultive l'art de plonger ses protagonistes dans des récits
bénéficiant d'une écriture impeccable. Si la mise en scène est
académique, si le cadrage ne fait jamais faux bond au réalisateur
et si le tout ressemble parfois un peu trop à un catalogue de
techniques de mise en scène, l'avant dernier film à ce jour de
l'auteur de Zeder
n'en est pas moins fort intéressant. Sans aller jusqu'à dire que
l'aventure dans laquelle met les pieds le héros Furio Momenté,
jeune fonctionnaire du ministère de la Justice à Rome, soit
passionnante, il va rapidement devenir très difficile de décoller
la rétine de son écran. Grâce non seulement à l'interprétation
de Gabriel Farnese, de la présence un brin troublante de l'actrice
Chiara Caselli dans le rôle de Clara Vestri Musy et de certains
autres seconds rôles, mais aussi et surtout en raison du scénario
écrit à six mains par le réalisateur lui-même ainsi que par ses
frères Antonio et Tommaso Avati...
Mais
à quoi donc nous convie l'avant dernier film de Pupi Avati ? À
un voyage vers la ville de Venise, loin de ses célèbres canaux,
dans un coin reculé où la foi en Dieu semble vectrice de légendes
destructrices. C'est là bas, et alors que nous sommes en 1952, qu'un
meurtre horrible vient d'être perpétré. Celui d'un jeune garçon
par un autre du même âge le soupçonnant rien moins que d'avoir été
le Diable en personne. Carlo Mongiorgi (Filippo Franchin) a en effet
tué Emilio Vestri Musy (Lorenzo Salvatori) alors même que ce
dernier se rendit déjà responsable de la mort de son meilleur ami.
Pupi Avati sème le trouble en invoquant tout autant la présence du
Malin que celle de la folie. Le tout se muant en une idée délirante
mais persistante : celle que la mère d'Emilio aurait forniqué
avec une bête (en l'occurrence, un porc), en conséquence de quoi,
elle aurait donné naissance à un être mi-enfant, mi-animal. Le
genre de rumeurs que cultivent si bien les populations restreintes et
recluses dans des villages éloignés de toute civilisation. C'est
donc à un récit particulièrement épineux et fantasmagorique,
mélangeant religieux et politique que s'attaque le réalisateur qui
s'inspire de son propre ouvrage littéraire. Mise en scène et
interprétation propres, dialogues riches et construction du récit
parfaitement logique, le film fait parfois sourire (cette figurante à
bord d'un train, bougeant d'avant en arrière afin de simuler le
départ du véhicule de transport), mais fini par infuser une
véritable ambiance qui sans doute, il est vrai, aurait gagné en
intensité si seulement l'image n'avait pas été si léchée. Plus
un téléfilm qu'un véritable long-métrage cinématographique
malgré sa sortie en salle en Italie août 2019, le film ne semble
par contre pas avoir connu la moindre diffusion sur grand écran dans
notre pays. L'occasion sans doute de découvrir une œuvre pas
forcément connue de l'un des réalisateurs italiens les plus
intéressants qui soient...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire