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mardi 31 mai 2022

Il Signor Diavolo de Pupi Apati (2020) - ★★★★★★☆☆☆☆

 


Un immense merci à Warning Zone pour le partage

S'offrir un petit cycle consacré au cinéaste italien Pupi Avati n'étant pas forcément une occasion journalière, j'ai décidé de lui en consacrer un avec trois longs-métrages. Non pas ses œuvres les plus célèbres que tout le monde connaît de toute manière (La Casa dalle Finestre che Ridono en 1976 et Zeder en 1983), mais trois nettement moins connues. Il s'agira tout d'abord de Il Signor Diavolo que Pupi Avati réalisa en 2020, puis nous remonterons le temps jusqu'en 1996, année de sortie de L'arcano Incantatore, puis plus loin encore, jusqu'en 1977 avec Tutti Defunti... Tranne i Morti... Selon la volonté de Pupi Avati lui-même, Il Signor Diavolo devait être à l'origine le premier volet d'une trilogie consacrée au Diable mais depuis, le cinéaste italien a pour le moment réalisé un dernier long-métrage qui n'a rien à voir (Lei mi parla ancora). Produit par le propre frère du réalisateur Antonio Avati, Il Signor Diavolo se rapproche d'un point de vue environnemental du chef-d’œuvre de Pupi Avati qui vit le jour près de quarante-cinq ans en arrière. On y retrouve le même type de décors, comme des lieux entièrement dévoués à Dieu ou une maison isolée entourée par les eaux comme celle de La Casa dalle Finestre che Ridono tandis que l’ambiguïté fait partie intégrante de la majorité des personnages. D'une certaine manière, Furio Momenté (l'acteur Gabriel Farnese) est l'équivalent de Stefano (Lino Capolicchio), ce restaurateur d’œuvres d'art qui s'était en son temps lancé dans une enquête troublante concernant le peintre fou Buono Legnani ainsi qu'une fresque dont il fut l'auteur (le martyre de Saint-Sébastien). Ambiance morbide, personnages ambigus, le film est demeuré culte pour son caractère très particulier et pour sa légendaire conclusion...


Mais près de quarante-cinq ans plus tard, il en va tout autrement pour
Il Signor Diavolo qui malheureusement ne parvient jamais vraiment à retransmettre cette atmosphère d'hostilité particulièrement malsaine qui fut celle de La Casa dalle Finestre che Ridono. La photographie presque monochrome du fidèle collaborateur de Pupi Avati sur une dizaine de longs-métrages introduit des tons majoritairement gris, bleu acier ou bruns. Une esthétique terne que le directeur de la photographie Cesare Bastelli assène à longueur de plans. Il manque cependant de ce petit grain qui aurait épargné au long-métrage son aspect téléfilm qui le gangrène en partie. Malgré ce dernier détail qui ne devrait jamais avoir de répercussions sur les qualités d'une œuvre, Il Signor Diavolo n'en constitue pas moins une approche intéressante à plus d'un titre. Pupi Avati cultive l'art de plonger ses protagonistes dans des récits bénéficiant d'une écriture impeccable. Si la mise en scène est académique, si le cadrage ne fait jamais faux bond au réalisateur et si le tout ressemble parfois un peu trop à un catalogue de techniques de mise en scène, l'avant dernier film à ce jour de l'auteur de Zeder n'en est pas moins fort intéressant. Sans aller jusqu'à dire que l'aventure dans laquelle met les pieds le héros Furio Momenté, jeune fonctionnaire du ministère de la Justice à Rome, soit passionnante, il va rapidement devenir très difficile de décoller la rétine de son écran. Grâce non seulement à l'interprétation de Gabriel Farnese, de la présence un brin troublante de l'actrice Chiara Caselli dans le rôle de Clara Vestri Musy et de certains autres seconds rôles, mais aussi et surtout en raison du scénario écrit à six mains par le réalisateur lui-même ainsi que par ses frères Antonio et Tommaso Avati...


Mais à quoi donc nous convie l'avant dernier film de Pupi Avati ? À un voyage vers la ville de Venise, loin de ses célèbres canaux, dans un coin reculé où la foi en Dieu semble vectrice de légendes destructrices. C'est là bas, et alors que nous sommes en 1952, qu'un meurtre horrible vient d'être perpétré. Celui d'un jeune garçon par un autre du même âge le soupçonnant rien moins que d'avoir été le Diable en personne. Carlo Mongiorgi (Filippo Franchin) a en effet tué Emilio Vestri Musy (Lorenzo Salvatori) alors même que ce dernier se rendit déjà responsable de la mort de son meilleur ami. Pupi Avati sème le trouble en invoquant tout autant la présence du Malin que celle de la folie. Le tout se muant en une idée délirante mais persistante : celle que la mère d'Emilio aurait forniqué avec une bête (en l'occurrence, un porc), en conséquence de quoi, elle aurait donné naissance à un être mi-enfant, mi-animal. Le genre de rumeurs que cultivent si bien les populations restreintes et recluses dans des villages éloignés de toute civilisation. C'est donc à un récit particulièrement épineux et fantasmagorique, mélangeant religieux et politique que s'attaque le réalisateur qui s'inspire de son propre ouvrage littéraire. Mise en scène et interprétation propres, dialogues riches et construction du récit parfaitement logique, le film fait parfois sourire (cette figurante à bord d'un train, bougeant d'avant en arrière afin de simuler le départ du véhicule de transport), mais fini par infuser une véritable ambiance qui sans doute, il est vrai, aurait gagné en intensité si seulement l'image n'avait pas été si léchée. Plus un téléfilm qu'un véritable long-métrage cinématographique malgré sa sortie en salle en Italie août 2019, le film ne semble par contre pas avoir connu la moindre diffusion sur grand écran dans notre pays. L'occasion sans doute de découvrir une œuvre pas forcément connue de l'un des réalisateurs italiens les plus intéressants qui soient...

 

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