Je parlais récemment
d'indifférence et de rejet. Céline Dion faisant partie de cette
seconde catégorie, la seule évocation de son nom agit comme la
caresse d'une ortie sur une jambe ou sur un avant-bras :
parfaitement désagréable ! Autant dire que jusqu'à présent
(et peut-être jusqu'à la fin des temps), la moindre allusion
concernant la plus célèbre des chanteuses canadiennes a toujours
été synonyme d'urticaire, d'eczéma, de poussée de fièvre ou
d'acné. L'entendre chanter a toujours trouvé une équivalence chez
ceux qui souffrent d'acouphène. Apercevoir sa silhouette ou même
simplement entendre son souffre sur un micro avant même que ses
lèvres ne prononcent le moindre mot, une épreuve redoutée. Sa
carrière d'interprète, sa vie personnelle... ? Sans le moindre
intérêt... Ma compagne connaissant mon aversion pour l'artiste, il
m'aura fallut un certain temps pour accorder à Aline
l'intérêt qu'elle prêta à ce curieux objet filmique que j'ose
ranger d'emblée dans la catégorie des multivers. Un monde créé
presque de toutes pièces par l'actrice Valérie Lemercier et dans
lequel, une Céline Dion alternative serait née Aline Dieu,
quatorzième et dernière enfant de Sylvette et Anglomard Dieu. Un
challenge, une épreuve, de plus de deux heures. À combattre ce
mauvais démon de la variété, pourtant idolâtré par des millions
de fanatiques. Dans ce multivers semblable à l'existence de celle
que tout le monde croit connaître sur le bout des doigts jusque dans
sa relation avec l'agent artistique, mentor et époux de la chanteuse
dès le 17 décembre 1994, René Angélil, Valérie Lemercier revient
sur son adolescence, sa passion pour le chant, les débuts de sa
célébrités et sa rencontre avec le producteur de musique
Guy-Claude Kamar. Si même de très loin, ce nom n'évoque rien, la
silhouette de l'acteur qui l'interprète ne laisse la place à aucune
ambiguïté. Car derrière ce visage rond et cette queue de cheval
surmontée par un début de calvitie se cache bien l'homme qui fut
l'époux de Céline Dion durant vingt-deux ans...
Aline
se révèle fort étonnant. Et surtout, beaucoup moins naïf que ne
le laissent présager les trente premières minutes. Pouffant de rire
devant une Valérie Lemercier âgée de quatorze ans mais arborant
déjà le visage qu'on lui connaît, navré par tant de puérilité
et de légèreté, attristé par le naufrage annoncé, petit à
petit, le sixième long-métrage de l'actrice/réalisatrice/scénariste
prend enfin sa véritable forme à l'issue de cette première
demi-heure un peu trop enfantine. Inutile d'aller se renseigner
auprès des proches de Valérie Lemercier ou de chercher des articles
annonçant qu'elle est fan de la québécoise tant le film transpire
l'hommage et la passion. Pourtant, ce témoignage qui marquera sans
doute un pas de plus en avant dans la carrière de son auteur n'a pas
fait que des heureux. Et parmi ceux qui dénigrèrent Aline,
Claudette et Michel Dion, deux éléments de l'immense fratrie de la
chanteuse qui ont considéré que Valérie Lemercier n'a fait que se
payer un méchant trip sur le dos de leur sœur. Une attitude (la
leur, pas cette de l'actrice et réalisatrice) qui montre combien ni
l'un, ni l'autre n'a su percevoir ou saisir la subtilité du propos.
Sans doute parfois plus intéressée par la relation qui unit Céline
Dion et René Angélil que par la carrière de la chanteuse, Valérie
Lemercier signe une très belle histoire d'amour dont il restera à
déchiffrer ce qui tient de la légende de ce qui sort de
l'imaginaire de la scénariste. Animé par quelques standards de la
variété internationale (Aline
de
Christophe, Memory
de Barbra Streisand, Long
Flight
de Robert Charlebois ou Ma
vie c'est un manège de
Nicoletta), le film est une comédie musicale à lui seul. Entre
bonbons sucrés et formidables chansons d'amour...
Difficile
d'y rester insensible. Surtout lorsque Aline, tantôt absurde en
gamine douée pour le chant et tantôt lumineuse, exprime pour la
première fois à l'écran ses sentiments pour celui qui est son aîné
de presque trois décennies. Comment expliquer la réaction de
certains membres de la famille Dion face au long-métrage lorsque
l'alter ego de René Angélil incarné par Sylvain Marcel officialise
à Naples leur union ? Si multiplier les scènes intimistes
entre les deux amants avec un luxe de pudeur veut dire que l'on s'est
''Payé un méchant
trip sur le dos de Céline'',
imaginons combien la vie de couple des intéressés doit être fade,
sans aspérités, monotone. Bon, après, c'est vrai qu'une fois la
moitié du long-métrage passée, Valérie Lemercier s'autorise
quelques libertés dans le ton décalé qui lui sied si bien. Mais
pas de quoi fouetter un chat. C'est même d'ailleurs plutôt drôle.
Lorsqu'elle suit un traitement pour retrouver sa voix ou qu'elle se
perd dans la nouvelle et immense demeure qu'elle et son époux
viennent de s'offrir. Aucun des plus gros succès de la chanteuse
canadienne ne manquent évidemment à l'appel. On regrettera que le
play-back ne s'accorde pas toujours avec les lèvres de Valérie
Lemercier mais cela reste un détail. Majoritairement interprété
par des actrices et acteurs de nationalité québécoise, le film est
également l'occasion de découvrir des seconds rôles méconnus du
public hexagonal. Aux dernières nouvelles, Céline Dion n'aurait
toujours pas vu ce vrai/faux biopic lui étant consacré... Aline
reste
une
jolie surprise. Une comédie rafraîchissante, ponctuée de jolis
moments de tendresse et bénéficiant d'une mise en scène à la
hauteur de ses ambitions...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire