Faut-il aimer le rap pour
apprécier à sa juste valeur le dernier long-métrage de la
réalisatrice, scénariste et productrice française Audrey
Estrougo ? Fallait-il en son temps aimer la musique romantique
pour apprécier Litzomania de Ken Russell ? Edith
Piaf pour s'incliner devant La môme
d'Olivier Dahan ? Claude François pour redécouvrir l'une des
plus grandes stars de la variété française à travers Cloclo
de
Florent Siri ? Ou Queen pour courber l'échine devant Bohemian
Rhapsody
de Bryan Singer ? Ces quelques exemples parmi tant d'autres
tendraient à confirmer l'hypothèse selon laquelle l'indifférence
ou le rejet vis à vis d'un chanteur ou d'un groupe n'a aucune
incidence sur le potentiel intérêt d'une œuvre de type biopic
musical. Sauf qu'en la matière, NTM
et ses deux principaux membres Didier Morville et Bruno Lopes
fascinent peut-être davantage que des pointures de la musique qui en
comparaison peuvent leur paraître bien supérieurs en terme de
carrière. On peut donc répondre à la première question par non.
Rien ne contraint moins le néophyte à fuir l'art du Rap et du
Hip-Hop ici exprimé à travers le long-métrage Suprêmes
sorti sur les écrans de cinéma le 24 novembre 2021 si ce n'est le
contexte social actuel dont nous rabâchent les oreilles les presses
écrites et télévisuelles et auquel on ne peut ici, échapper. Car
déjà, en 1989, à cette époque où tout va véritablement démarrer
pour ceux qui bientôt seront connu sous les alias JoeyStarr et Kool
Shen, la jeunesse s'éveille déjà et bouillonne de ce désir de
justice qui malheureusement comme toujours et plus que jamais
aujourd'hui, provoque amalgames, incendies, affrontements, larmes et
sang. Ici, les mots guérissent les maux, armes pas tout à fait
inoffensives qui depuis, ont fait couler beaucoup d'encre...
Que
l'on apprécie ou pas le son et les paroles de NTM,
que l'on comprenne ou pas leurs textes, leur portée, ou que l'on
déteste l’électron libre JoeyStarr, les légendes du rap français
originaires du 93 ne laissent pas grand monde indifférent. Suprêmes
provoquera sans doute la curiosité de certains et l'engouement des
fans, mais là où pèche malgré lui le concept, c'est justement par
l'absence de ses authentiques représentants que son ses deux
leaders. En effet, rien ne vaut mieux, rien ne surpasse le
documentaire réalisé par Alain Chabat Authentiques :Un
an avec le Suprême en
1998. Celui-là même qui durant un an a suivi l'un des deux plus
célèbres groupes de rap français (avec IAM),
de leurs répétitions au studio Pee Wee d'Aubervilliers jusqu'à
leur concert au Zénith de Paris. Ce qui fait défaut, c'est donc
l'absence de ses deux charismatiques représentants. Sandor Funtek et
Théo Christine ont beau tout tenter pour faire illusion, mais la
magie du cinéma ne fonctionne pas. Ou si peu. Car la réalisatrice
semble davantage être préoccupée par le contexte social déjà mis
en place à l'époque que par le groupe lui-même. Aussi enragés et
indescriptibles que peuvent paraître parfois les textes des deux
garçons que le film décrit par contre parfois très justement,
Audrey Estrougo semble souvent perdre le contrôle de son œuvre,
laquelle paraît avoir été abandonnée à une bande d'adolescents
ingérables. Suprêmes manque
de cohésion, multiplie les ellipses à la manière d'une
compilations d'événements montés à l'arrache. Si Sandor Funtek
ressemble étonnamment à Kool Shen, si quelques séquences comme
l'affrontement entre JoeyStarr et son père (l'acteur Jean-Louis
Loca) convainquent et si la sauvagerie des premières ''scènes''
sur lesquelles le groupe va monter retranscrivent la chaude
atmosphère des débuts, il y a peu de chance pour que Suprêmes
parvienne à rameuter de nouveaux adeptes parmi les fans de NTM !
Sans doute l'un des plus mauvais biopics de ces deux dernières
décennies et un hommage raté à l'un des plus fameux groupes de rap
hexagonaux...
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