Martin est un garçon
singulier. Faisant route vers Pittsburgh, il agresse une jeune femme
dans un train. La piquant à l'aide d'une seringue contenant un
somnifère, il la déshabille une fois endormie, lui fait l'amour,
puis lui tranche les veines du poignet afin de s'abreuver de son
sang. Couvert de sang, Martin prend une douche, essuie toute trace de
sa présence puis attend tranquillement que le train arrive à
destination.
Sur le quai l'attend
son cousin Cuda. Ce vieil homme froid et distant précède de loin
Martin qui le suit jusque dans sa demeure. Là, Cuda promet à Martin
de sauver son âme et de le détruire. Les portes de la maison sont
ornées de gousses d'ail et de crucifix. Le cousin de Martin lui
conseille de ne pas s'approcher des gens du village, ni d'adresser la
parole à sa petite-fille Christina qui vit avec lui. Dès le
surlendemain, Martin travaille dans la petite boutique tenue par
Cuda. Il livre pour son cousin des clients qui n'ont pas le temps de
faire le déplacement jusqu'au magasin. C'est à cette occasion qu'il
fait la connaissance de Mrs Santini avec laquelle il sympathise, et
surtout, pour laquelle il se découvre des sentiments. En outre, il
réalise que pour la toute première fois, il est capable de faire
l'amour à une femme sans que celle-ci soit inconsciente...
Martin est un
film remarquable. En général et surtout dans la carrière de George
Romero qui nous habitue ordinairement aux invasions de morts-vivants.
Son personnage principal, campé par le touchant John Amplas, semble
dénué de tout mauvais fond mais ne peut semble-t-il s'empêcher de
tuer les femmes avec lesquelles il couche et d'en boire le sang afin
d'étancher sa soif. On se demande très souvent si Martin est un
véritable vampire (les images en noir et blanc qui parsèment
l'œuvre semblent en témoigner), s'il n'est victime que de pulsions
maladives, ou d'une légende cultivée par certains membres de sa
famille qui se croient touchés par une malédiction (les incessants
souvenirs qui émaillent le récit en qui semblent confirmer cette
dernière) .
Certains éléments
semblent confirmer cette dernière thèse. En effet, l'apparence de
Martin nous paraissent témoigner de l'éternelle jeunesse du supposé
vampire. De plus, il est difficile de juger de la véracité des
faits antérieurs divulgués à travers des images en noir et blanc,
et qui présentent un Martin qui, depuis, n'a pas pris la moindre
ride.
A moins qu'il ne
s'agisse pour George Romero que d'un moyen particulièrement original
de faire la critique d'une religion qui assène son pouvoir sur des
esprits aussi faibles que celui de Martin, au point de provoquer chez
lui et chez certains membres de sa famille une certaine dérive
psychologique. Car, et les spectateurs en sont témoins, les divers
objets apotropaïques placés ça et là dans la demeure de Cuda
n'ont semble-t-il aucun effet sur un Martin qui se joue des
superstitions en croquant à pleines dents dans une gousse d'ail ou
en se caressant la joue à l'aide d'un crucifix. On le découvre même
mimant le vampire de la légende en arborant une dentition de vampire
qu'il ôte une fois obtenu l'effet recherché.
Le film de George Romero
fait montre, outre son épuisante lenteur, d'une certaine rêverie.
Entre les errances de son personnage principal, quelque chose
d'indubitablement poétique se dégage de cette fable parfois
morbide. L'addiction de Martin pour le sang est sans doute l'un des
aspects les plus troublants de l'œuvre de Romero et renvoie à une
autre, réalisée bien des années plus tard par Abel Ferrara: The
Addiction.
Au
terme de Martin, on
demeure avec bien des interrogations. Le spectateur créera donc sa
propre mythologie afin d'apporter pour lui-même une issue aux
questions restées sans réponses. Ce film, réalisé en 1977 dans la
petite ville de Pittsburgh n'est sans doute pas le plus connu des
œuvres de George Romero (célèbre pour avoir réalisé La
Nuit Des Morts-Vivants et
Zombie), mais elle
reste parmi les plus intéressantes du cinéaste.
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