Portraits d'individus
tantôt hors du commun, tantôt proches de nous, Chansons du
Deuxième Étage est voué à l'immobilité. Un univers
d'abord aseptisé, ensuite parsemé d'incursions ténébreuses à
l'approche de personnages qui vont le mener vers un chaos imminent.
Un monde qui court à sa perte, surtout depuis la chute de la Bourse,
qui provoque ainsi l'explosion générale. Dehors, des manifestants
se révoltent. Des entreprises courent à leur perte. Pendant que les
femmes attendent derrière le comptoir d'un bar ou dans leur
appartement, les maris errent dans les bistrots jusque tard dans la nuit
ou dans des gares désertées à l'exception d'hommes et de femmes
revenus d'entre les morts pour s'accrocher aux quelques êtres encore
capables de les écouter. Parmi ces derniers, il y a Kalle. Un
marchand de meuble qui semble accumuler tous les maux dans ce monde
hors du temps et dont la situation géographique demeure incertaine.
Ruiné, Kalle met
lui-même le feu à a petite entreprise dans l'espoir de toucher des
indemnités. Mais deux hommes enquêtent sur les origines du
sinistre. Kalle et desespéré. Persuadé que son entourloupe va être
démasquée, il en parle aux siens. Père de deux fils dont le plus
jeune est enfermé chez les fous, le vieil homme craque...
Chansons du
Deuxième Étage,
il faut l'avouer, ne comblera pas tout le monde. Troisième long
métrage du suédois Roy Andersson, il met en scène différents
personnages dans des décors statiques esthétiquement bluffants. On
n'y trouve aucun interprète à la plastique aussi étonnamment
parfaite que ceux du cinéma américain. Des physiques souvent
ingrats, des visages blafards, mais des tableaux vivants absolument
magnifiques. Des tons pastels qui se dégradent à mesure que
l'univers crée par le cinéaste se laisse plonger vers un inévitable
chaos.
Chansons du
Deuxième Étage est
baigné d'une poésie permanente et d'un humour caustique parfois
irrésistible. Il s'agit également d'une féroce critique sociale,
chose qu'il n'est pas toujours évident de cerner. La seule chose
véritablement regrettable, c'est le rythme imprimé au film. C'est
lent. Parfois même, trop lent. On comprend assez vite que l’œuvre
de Roy Andersson ne transportera pas ses spectateur sur la voie trop
souvent usée du film d'action. Ici tout est dans le détail. Le
placement des acteurs, celui du moindre objet, et l’homogénéité
des teintes accordées à chacun d'entre eux est d'une minutie rare.
Le cadrage n'est jamais laissé au hasard. Lentement mais sûrement,
Roy Andersson donne un coup de pouce à ses personnages et rend son
film un peu plus vivant.
C'est
ainsi que l'arrière-plan prend toute son importance. On y distingue
des chorégraphies parfois étonnantes (comme durant la scène se
passant à l'intérieur d'un taxi avec, en fond de scène, des
manifestants s'adonnant à une curieuse danse). Roy Andersson est lun
des rares cinéastes à jouer dans cette cours étrange, poétique et
presque immatérielle. Un cinéma que l'on retrouvera plus tard dans
les excellents Den Brysomme Mannen
de Jens Lien et Ni à Vendre, Ni à Louer
de Pacazl Rabaté...
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