
Alors
bien entendu, cinquante et un ans après sa sortie sur les écrans,
La Residencia
pourra paraître bien mièvre pour ces nouvelles générations de
cinéPHAGES ne se nourrissant que d’œuvres crapoteuses très
largement surestimées (en réalité, combien de The
Girl Next Door signé
Gregory Wilson peuvent se targuer d'être authentiquement
dérangeants?). Pourtant, à bien y regarder, l’œuvre de Narciso
Ibáñez Serrador a bel et bien conservé toute sa puissance
évocatrice. Du charme désuet d'une institution pour jeunes filles
conservant l'éclat, le maintien et la rigueur de l'époque
victorienne, le cinéaste espagnol impose un climat délétère dans
ce qui constitue un melting pot des genres entre œuvre d'atmosphère
tirant vers l'épouvante, Giallo ibérique et drame. Porté
par des décors magnifiques mais étouffants, un éclairage très
largement atténué, une bande-son et des musiques déviantes signées
du compositeur argentin Waldo de los Ríos, mais surtout par une
irréprochable interprétation, La Residencia
est un chef-d’œuvre qui porte en lui toute la tension sexuelle
d'une ribambelle d'adolescentes frustrées de n'avoir jamais
l'occasion de fréquenter le moindre garçon de leur âge.
Derrière
l'apparente pureté de chacune s'exprime le désir. Une appétence
pour le sexe révélée lorsque notamment, l'une d'entre elles
s'échappe d'un cours donné par la tyrannique Madame Fourneau pour
retrouver son amant dans la serre de la propriété, ses camarades
ressentant alors par procuration le plaisir qui lui est donné.
L'extraordinaire actrice allemande Lilli Palmer incarne la directrice
de l'établissement. Glaciale et rigide, son interprétation fait
froid dans le dos et son attitude ouvre des perspectives qui
n'aboutiront cependant pas forcément dans le sens que leur donnera
le spectateur. À ses côtés, l'actrice Mary Maude dans ce qui
constitue l'un des portraits d'adolescentes perverties par le mal
parmi les plus marquants. Face à elle, la fragile Cristina Gaibo n'y
fera pas long feu. À travers son premier long-métrage, Narciso
Ibáñez Serrador fait une description de la gente masculine peu ou
pas du tout élogieuse, même lorsqu'elle paraît incarner la pureté
la plus inaltérable qui soit. L'espagnol joue également sur
l’ambiguïté révélée par des scènes évoquant désir saphique
et inceste. La Residencia trouvera
un écho aussi retentissant qu'admirable deux ans plus tard
outre-atlantique avec The Beguiled
de Don Siegel, autre chef-d’œuvre distillant un très important
malaise...
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