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mercredi 4 mai 2022

Pahanhautoja (Ego) de Hanna Bergholm (2022) - ★★★★★★☆☆☆☆

 


 

Dire que l'attente de la sortie sur support physique de Pahanhautoja fut insupportable est un euphémisme. Tout auréolé d'une appétissante réputation et des prix de du Jury et Jeunes au dernier Festival international du film fantastique de Gérardmer qui le précédaient, le premier long-métrage de la réalisatrice finlandaise Hanna Bergholm qui jusqu'à maintenant s'était contentée de quelques courts-métrages est donc désormais visible au format DVD et Blu-ray depuis le 27 avril dernier. D'emblée, il semble que l'expérience ne ressemblera pas vraiment à la majorité des drames qui mettent en scène des familles à l'apparence heureuse mais cachant au fond d'elles certains dysfonctionnements. La mère de Tinja (Siiri Solalinna) qu'interprète l'actrice Sophia Heikkilä a beau tout entreprendre pour donner une image idyllique de sa petite famille en photographiant et filmant chacun de ses membres avant de poster le tout sur son blog, pourtant, quelque chose d'anormal semble s'y dérouler. D'origine, celle-ci renvoie directement à ces témoignages relativement sordides dont on peut surtout imaginer que les ''actrices'' proviennent tout d'abord des États-Unis. Ces mères qui en effet, à défaut d'avoir elles-même été en mesure de donner corps à leurs ambitions artistiques, poussent leur progéniture à prendre le relais, devenant ainsi le miroir malsain de leurs propres fantasmes. En névropathe, l'actrice Sophia Heikkilä, impeccablement vêtue et toute de sourire figée inquiète immédiatement par la position radicale imposée à son personnage de mère. Celle-là même qui plus que de se préoccuper des désirs de sa fille voit en elle la projection de ce qu'elle aurait désiré être elle-même (une longue cicatrice à l'une de ses jambes viendra plus tard témoigner des raisons qui l'ont poussées à cesser toute activité physique). Tinja, justement, qu'interprète donc la toute jeune Siiri Solalinna... Apparence fragile pour cette gymnaste totalement vouée à la cause de sa génitrice. Une ogresse tellement obnubilée par l'image qu'elle est sa fille renvoient qu'elle ira jusqu'à partager avec elle des secrets que l'on garde généralement pour soi ou que l'on ne partage en tout cas certainement pas avec sa propre enfant (l'existence de l'amant Tero, interprété par l'acteur Reino Nordin)...


Si jusque là le contexte social ne diffère en rien de tout ce que le phénomène d'emprise charrie dans nos sociétés, Hanna Bergholm ajoute un élément qui très rapidement matérialisera les craintes de la gamine en une forme de métaphore. L’œuvre de la finlandaise rejoint en cela directement le traumatisant Ich seh Ich seh de Severin Fiala et Veronika Franz sorti chez nous en 2015 sous le titre Goodnight Mommy. Un cauchemar situant directement son action au cœur même d'une famille, entre des membres censés devoir se soutenir, s'aimer et se protéger mais pour qui, dans les deux cas, les supposées ''âmes protectrices'' s'avèrent de véritables incubateurs générant toute une série d'angoisses. L’œuf, ici, symbolise avant tout la lente mutation d'une enfant vers son adolescence. Donnant naissance à une créature particulièrement hideuse, une sorte de Marabout (oiseau charognard dont l'une des trois espèces est originaire d'Afrique subsaharienne), celle-ci va au fil du temps modifier son apparence et son comportement, passant de la symbolique peur enfantine, à l'ami imaginaire et jusqu'à apparaître comme le pendant sombre et mature d'une Tinja qui malgré son amour immodéré pour sa mère tentera de se libérer de son emprise. Pahanhautoja témoigne du vide existentiel qui creuse un sillon douloureux (toujours matérialisé par la cicatrice évoquée plus haut) chez une femme qui ne perçoit plus sa fille en tant que telle mais comme objet de ses propres désirs et obsessions. Dans un univers que l'on n'éloignera pas trop des clichés lisses et bienheureux exhibés en ouverture du chef-d’œuvre de David Lynch Blue Velvet, l'apparente quiétude se mue en un lent récit d'épouvante heureusement dénué de tout artifice qui encombre généralement le genre (ici, en effet, par le moindre Jump Scare)...


Mais alors que le long-métrage de la réalisatrice finlandaise bénéficie d'une aura particulière, rattachant l'objet à toute une série d’œuvres d'origines scandinaves récemment mises en scène et axuquelles certains semblent vouloir la comparer (Lamb de Valdimar Jóhannsson ou De uskyldige d'Eskil Vogt), le film semble malheureusement souffrir de certaines faiblesses qui l'empêchent d'atteindre les cimes de l'épouvante. Une épreuve cinématographique qui ne s'avérera donc pas aussi ténue que cela aura été souhaitable et attendu. Au contraire puisque la caractérisation de certains personnages ainsi que la direction d'acteurs qui leur est propre semblent avoir été traitées sur un ton humoristique paraissant involontaire. On pense notamment au personnage du père de famille (interprété par l'acteur Jani Volanen) et son look parfois cheap (le pull noué autour des épaules) que Hanna Bergholm laisse très largement de côté pour se concentrer sur ses héroïnes. Sa créature en animatronique fait d'abord plutôt sourire et sa mise en situation demeure rarement vectrice d'angoisses. Si l'acharnement et l'attitude de la mère envers la toute jeune adolescente et si son détachement en rapport avec Tinja vis à vis des relations qu'elle entretient avec son époux et son amant se révèlent quelque peu dérangeants, on pourrait tout à fait envisager le long-métrage comme un drame horrifico-psychologique à la portée de tous les plublics malgré leur âge. Sous la forme d'un conte singulier où l'obsession visant à la perfection (image de la famille, performances sportives de Tinja) dénote cependant dès lors que l'on découvre l'existence d'un amant, Pahanhautoja se présente comme une œuvre mi-figue, mi-raisin qui laisse supposer un projet pas tout à fait abouti... Une semi déception, donc...



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