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mardi 3 mai 2022

J'accuse de Roman Polanski (2019) - ★★★★★★★★★☆

 


 

Alors que le film fut l'objet de controverses tandis que son réalisateur Roman Polanski affirmait d'emblée qu'il faisait écho à sa propre histoire, et compte-tenu du contexte dans lequel l'avant dernier long-métrage de l'auteur du Pianiste, du Locataire ou de Rosemary's Baby fut comparé par le cinéaste franco-polonais lui-même aux soucis de justice dont il demeurait encore la cible (le 8 mars 2020, plus de cent-dix avocates profitèrent de la Journée internationale des droits de la femme pour rappeler les accusations dont il était l'objet), J'accuse aurait pu très facilement souffrir de la polémique. Mais une fois que l'on s'accorde le droit de mettre de côté toute cette histoire personnelle, si sordide qu'elle puisse être, véritable ou non, étayée par des preuves ou par de simples ouï-dire, l’œuvre, elle, n'en est pas moins l'une des plus brillantes démonstrations de l'un des plus grands réalisateurs de sa génération. L'affaire concernant le capitaine Alfred Dreyfus est non seulement devenue à l'époque une affaire d'état mettant en cause, trahison supposée, erreur judiciaire, antisémitisme (l'officier incriminé étant de confession juive comme le martèle régulièrement Roman Polanski dans le film) et fourvoiement de la part des autorités militaires, incapables elles-même de reconnaître leurs torts. À moins que vienne justement s'intercaler cette suspicion d'antisémitisme dont est victime dans J'accuse, l'officier de l'Armée Française. D'un point de vue strictement cinématographique, l'avant dernier film de Roman Polanski n'est pas loin d'aller rejoindre l'éblouissant Le Pianiste réalisé voilà déjà vingt ans en arrière, au panthéon des chefs-d’œuvre du cinéaste. La photographie de Pawel Edelman saute immédiatement aux yeux et donne à l'ensemble un caractère visuel fait de suie. Celle-là même qui semble couvrir la quasi-totalité des locaux du 2ème Bureau dans lesquels est ensuite introduit en tant que nouveau responsable le commandant Marie-Georges Picquart qui à cette occasion est promu au grade de Lieutenant-colonel...


Alors que l'affaire judiciaire concernant l'officier Dreyfus a déjà été jugée (l'homme sera déchu de ses titres militaires, se voyant ainsi humilié, déporté puis détenu sur l'Île du Diable en Guyane), J'accuse se concentre moins son récit sur la victime d'une machination et d'une erreur de justice (Louis Garrel dans le rôle d'Alfred Dreyfus) que sur le courage d'un homme (en l'occurrence, Marie-Georges Picquart qu'interprète à l'écran l'impeccable Jean Dujardin) qui a tout entreprit pour que la vérité éclate. Au risque de mettre en péril sa propre existence et son statut d'officier de l'Armée française. Visuellement remarquable, la reconstitution bénéficie des impressionnants talents de la costumière Pascaline Chavanne, de la direction artistique de Jean Rabasse et de la musique d'Alexandre Desplat. Surtout, le film s'inspire du roman An Officer and a Spy de Robert Harris que l'écrivain adapte alors lui-même aux côtés de Roman Polanski. On pourra ergoter sur le fait que l'intrigue soit à elle seule le terreau fertile d'un récit passionnant et qu'il ne fallut pas grande imagination pour développer une telle histoire. Avoir de la matière est une chose. Mais être capable de la mettre en images en est une autre. Entre espionnage, trahison, procédures militaires et judiciaires, enquête ou délits d'opinion, le film démantèle avec brio toute la machinerie qui s'est construite autour d'un personnage dont l'unique erreur semble être ses origines juives. Mais Roman Polanski ne s'arrête pas là puisque bien avant que la justice devienne la quasi exclusivité des médias et des réseaux sociaux, sa victime est d'emblée reconnue par le peuple comme coupable !


Face à Jean Dujardin et la lourde responsabilité d'incarner celui qui deviendra membre de la Ligue des droits de l'homme à la fin du dix-neuvième siècle et en 1906, Ministre de la guerre, Roman Polanski impose quelques figures remarquables du cinéma français. À commencer par Emmanuelle Seigner (qui interprète le rôle de Pauline Monnier, la maîtresse de Marie-Georges Picquart), fidèle épouse du franco-polonais malgré les multiple et rudes épreuves rencontrées par le cinéaste, celle-ci débute sa carrière en 1984 dans L'année des Méduses de Christopher Frank avant d'apparaître tout au long de sa filmographie dans diverses œuvres de son mari (parmi lesquelles, elle incarnera la troublante Mimi dans Lune de fiel en 1922). Grégory Gadebois (Délicieux d'Éric Besnard, en 2021) incarne le commandant Hubert Henry, véritable traître qui savait l'innocence de Dreyfus et qui garda secrète la culpabilité de son ami Ferdinand Walsin Esterhazy). Viennent ensuite des seconds rôles qui valent à l'écran au moins autant que les principaux intéressés. Au hasard, Wladimir Yordanoff, Melvil Poupaud (excellent Didier Mathure dans la série télévisée OVNI(s)), Mathieu Amalric en graphologue, Laurent Stocker dans le rôle du Georges-Gabriel de Pellieux, Vincent Perez dans celui de Maître Louis Leblois, un ami de longue date de Marie-Georges Picquart ou encore Denis Podalydès en avocat de la défense lors du procès de Dreyfus et André Marcon dans la peau d'Emile Zola, celui-là même qui fut à l'origine de l'article ''J'accuse'' adressé au président de la République Française de l'époque et qui donne son nom au titre du film. Un véritable catalogue où sont réunis de formidables interprètes incarnant autant de célèbres personnages. Plus qu'un long-métrage tiré d'un fait-divers judiciaire parmi les plus célèbres qu'ait connu notre pays, Roman Polanski met en scène un véritable thriller dans lequel le personnage interprété par Jean Dujardin s'impose comme une figure Agatha Christienne. J'accuse n'est peut-être pas le plus grand film de son auteur mais le spectateur gardera à l'esprit que le nonagénaire en a encore sous la botte. C'est donc avec fébrilité que l'on attendra la sortie de son prochain film intitulé The Palace...

 

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