Bienvenue sur Cinémart. Ici, vous trouverez des articles consacrés au cinéma et rien qu'au cinéma. Il y en a pour tous les goûts. N'hésitez pas à faire des remarques positives ou non car je cherche sans cesse à améliorer le blog pour votre confort visuel. A bientôt...

Labels


Affichage des articles dont le libellé est Emmanuelle Seigner. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Emmanuelle Seigner. Afficher tous les articles

vendredi 30 mai 2025

La vénus à la fourrure de Roman Polanski (2013) - ★★★★★★★★★☆

 


 

Lorsqu'Emmanuelle Seigner et Roman Polanski se rencontrent, elle a dix-huit ans et lui, cinquante et un. Poussé par son compagnon de l'époque, Stéphane Ferrara, à faire connaissance avec le futur auteur de Frantic, Lune de fiel et La neuvième porte dans lesquels elle apparaîtra, la jeune actrice française et le réalisateur franco-polonais se marient l'année de sortie de leur première collaboration au cinéma, en 1988. Depuis, ces deux là ne se sont plus quittés et ont donc tourné ensemble en 2013 et pourtant la quatrième fois, La vénus à la fourrure, adapté de la pièce de théâtre du dramaturge américain David Ives. Une œuvre qui dans le contexte de son adaptation sur grand écran prend un sens parfaitement ironique si l'on prend compte des problèmes que rencontra Roman Polanski alors accusé de plusieurs actes de violence sexuelle ! En effet, aux côtés de son épouse, le cinéaste jette dans les bras de son interprète féminine l'acteur Mathieu Amalric. Fasciné depuis toujours par le réalisateur d'un nombre incalculable de chefs-d’œuvre, il était impossible de passer à côté d'une rencontre qui allait donc en cette année 2013 aboutir à une œuvre parmi les plus remarquables de leur auteur. Reposant en outre sur le roman Venus im Pelz de l'écrivain, historien et journaliste autrichien Leopold von Sacher-Masoch, La vénus à la fourrure est non seulement la rencontre d'un grand cinéaste mais aussi celle de deux interprètes accomplis auxquels ce dernier offre la possibilité d'exprimer tout leur talent sur la scène d'un théâtre fictif. Un duo magnifié par la mise en scène de Roman Polanski et dont la ressemblance entre l'auteur et son interprète masculin semble ne pas chercher à cacher certains des maux qui ont émaillé sa vie personnelle et entaché son métier de cinéaste. Uniquement incarné par ses deux seuls acteurs, La vénus à la fourrure est un modèle de construction narrative, où le préambule ne sert qu'à dissimuler les véritables enjeux du récit. C'est ainsi qu'alors que la journée s'achève par une fin d'après-midi pluvieux durant laquelle les candidates au rôle du personnage de Wanda ont toutes échouée à être retenues par le metteur en scène Thomas Novacek que déboule in extremis Vanda Jourdain. Jeune femme sexy, sensuelle, au charme vertigineux (vénéneux?), d'une beauté sauvage incomparable mais aussi légère et dont la culture générale semble s'être arrêtée très tôt durant ses études, elle insiste pour que Thomas accepte de l'auditionner avant de partir rejoindre sa compagne...




Rejetant tout d'abord cette option, le metteur en scène ne tarde cependant pas à tomber sous le charme de cette jeune femme trempée jusqu'aux os et au maquillage dégoulinant qui assure connaître et pouvoir incarner le rôle principal de la pièce. Ce n'est qu'en l'entendant jouer que Thomas est bluffé par la performance de la jeune femme et qu'il décide de lui accorder le temps nécessaire pour juger de ses talents de comédienne. Ce qui ne devait durer qu'une poignée de minutes se transformera en une longue soirée durant laquelle, le maître sera déstabilisé par le talent, certes, mais aussi par les formes généreuses de la candidate venue se présenter pour le rôle. La ressemblance entre Roman Polanski et Mathieu Amalric ne semble pas être le fruit du hasard car c'est bien l'auteur du Bal des vampires, du Locataire, du Pianiste mais aussi plus sûrement celui des œuvres sulfureuses qu'il signa entre-temps et auxquelles participa son épouse que l'on devine derrière les traits de son époustouflant acteur. Ce dernier et Emmanuelle Seigner composant ainsi un admirable tandem dans un récit où les positions de pouvoir et de soumission vont diamétralement être inversées. De cette jeune femme candide voire même un peu niaise qui débarqua quelques heures plus tôt, Roman Polanski transforme Vanda en une créature dominatrice dont on soupçonne que sa tardive apparition n'est là encore, pas tout à fait le fruit du hasard. Le personnage d'Emmanuelle Seigner mue en une sorte de maîtresse S-M vêtue de cuir et de bottines noires face à un Mathieu Amalric rendu à l'état de petit garçon énamouré prêt à tous les sacrifices pour obtenir un seul baiser de celle entre les mailles du filet de laquelle il est tombé. Entre le regard hypnotisant et sexualisé d'Emmanuelle Seigner et le regard ahuri de Mathieu Amalric dont le personnage attend qu'on lui tende un bonbon après avoir été bien sage, Roman Polanski a su saisir le moindre instant de complicité entre ses deux acteurs. Moins sobre qu'elle n'y paraît, l'unique caméra employée par le cinéaste se place très exactement là où il faut. Et malgré un décor unique, fait de fauteuils rouges plongés dans la pénombre, de carton-pâte baigné d'une lumière artificielle, l'expérience est totale ! Bref, La vénus à la fourrure est une expérience exceptionnelle qui malgré certaines contraintes subjugue par l'incroyable talent de ses deux interprètes. À consommer sans modération...

 

jeudi 14 mars 2024

Dany Boon - Le code a changé de Danièle Thompson (2009) - ★★★★★☆☆☆☆☆

 


 

Un an après le phénoménal succès rencontré par son second long-métrage en tant que réalisateur, scénariste et interprète, Dany Boon choisit de mettre de côté sa carrière d'auteur pour se laisser porter par d'autres cinéastes que lui. Et notamment à travers Le code a changé de Danièle Thompson. Film dans lequel il se frotte à diverses générations d'interprètes parmi lesquels Pierre Arditi, Karin Viard, Emmanuelle Seigner, Patrick Chesnais ou encore Marina Foïs... Au vu du pedigree de la réalisatrice, on part confiant en espérant qu'elle parviendra à se hisser à la hauteur de son célèbre papa Gérard Oury. Sachant que Danièle Thompson participa elle-même à l'écriture de plusieurs comédies dont celles de La grande vadrouille en 1966, La folie des grandeurs en 1971, Les aventures de Rabbi Jacob en 1973 ou de La caparate cinq ans plus tard. Autant dire que Le code a changé, son quatrième long-métrage en tant que réalisatrice risque de proposer un spectacle aux dialogues aussi dignes d'intérêt que ceux des œuvres signées de Francis Veber, celles dont Jean-Pierre Bacri et Agnès Jaoui furent les auteurs ou encore de l'excellent Prénom de Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte... Hein, quoi ? Ah, on me dit expressément de raviser mon jugement puisque Danièle Thompson fut également scénariste sur La Vengeance du serpent à plumes et Vanille fraise tout deux signés de son père en 1984 et 1989. Bref, autant dire que l'on n'est jamais sûr de rien et que ce qui peut paraître alléchant au premier abord peut être tout à fait indigeste au final ! Ne nous précipitons pas et voyons voir de quoi retourne Le code a changé. Première bonne chose, la réalisatrice s'est entourée d'une brochette d'interprètes hétéroclite plutôt attrayante. Quant au scénario, elle l'a écrit elle-même en compagnie de son fils, l'acteur, scénariste et réalisateur franco-américain Christopher Thompson auquel sa mère offrira dans le cas présent l'un des dix principaux rôles de cette comédie collégiale où chacun aura droit à sa part du gâteau en matière de dialogues. Au centre de ce petit groupe d'amis qui se retrouvent deux ans de suite au 21 juin lors d'un dîner l'on retrouve Karin Viard et Dany Boon, lesquels incarnent le couple formé par Marie-Laurence et Piotr Claverne. Elle est avocate et lui au chômage.


Ils convient donc en cette soirée estivale, leurs amis Mélanie et Patrick Carcassonne, Sarah et Lucas Mattei, Juliette et son compagnon Erwann ou encore le cuisiniste Jean-Louis Mauzard et la prof de flamenco Manuela. Alors que chacun se prépare à venir sonner à la porte de leurs hôtes, en voiture, les langues se délient. Certains traînent de force leur compagne à la soirée tandis que le père de Marie-Laurence et Juliette que cette dernière maudit (et (qu'incarne Pierre Arditi) doit débarquer plus tard dans la soirée. Bon autant le dire tout de suite, Le code a changé n'a pas l'ampleur du Dîner de cons de Francis Veber, de Cuisine et dépendances de Philippe Muyl, d'Un air de famille de Cédric Klapisch ou de Carnage de Roman Polanski (pour voir plus loin que le seul territoire français). Preuve que les réunions de famille ou entre amis ne sont pas forcément synonymes de grandes comédies où les bons mots fusent toutes les cinq ou dix secondes. Pourtant peu avares en la matière, ce qui différencie le quatrième long-métrage de Danièle Thompson des quelques grands exemples cités ici est la qualité des dialogues. Entre adultères, mensonges, cruauté et cynisme, Le code a changé se déroule non pas au présent (ou si peu) mais remonte un an en arrière sous forme de flash-back. L'occasion pour les dix convives de se livrer à des joutes verbales sur les thèmes du couple et du travail. Patrick Bruel campe un médecin qui ment à ses patients, Christopher Thompson incarne un Lucas méprisant envers Sarah qu'il se complaît à humilier et qu'interprète Emmanuelle Seigner. Laurent Stocker est Jean-Louis, l'ancien amant de Marie-Laurence pour laquelle il continue d'éprouver de l'attirance alors qu'elle l'a jeté hors de son lit. Patrick Chesnais est ce sexagénaire qui vit au bras de Juliette, laquelle recherche probablement chez lui le père avec lequel elle ne désire pourtant plus entrer en contact. Bref, la galerie de portraits est relativement savoureuse même si là encore, la finesse des dialogues n'est pas toujours au rendez-vous. Académique, Le code a changé a bien du mal à réellement décoller et à se détacher de la concurrence. Reste une petite comédie plutôt sympatoche mais très rapidement oubliable...

 

mardi 3 mai 2022

J'accuse de Roman Polanski (2019) - ★★★★★★★★★☆

 


 

Alors que le film fut l'objet de controverses tandis que son réalisateur Roman Polanski affirmait d'emblée qu'il faisait écho à sa propre histoire, et compte-tenu du contexte dans lequel l'avant dernier long-métrage de l'auteur du Pianiste, du Locataire ou de Rosemary's Baby fut comparé par le cinéaste franco-polonais lui-même aux soucis de justice dont il demeurait encore la cible (le 8 mars 2020, plus de cent-dix avocates profitèrent de la Journée internationale des droits de la femme pour rappeler les accusations dont il était l'objet), J'accuse aurait pu très facilement souffrir de la polémique. Mais une fois que l'on s'accorde le droit de mettre de côté toute cette histoire personnelle, si sordide qu'elle puisse être, véritable ou non, étayée par des preuves ou par de simples ouï-dire, l’œuvre, elle, n'en est pas moins l'une des plus brillantes démonstrations de l'un des plus grands réalisateurs de sa génération. L'affaire concernant le capitaine Alfred Dreyfus est non seulement devenue à l'époque une affaire d'état mettant en cause, trahison supposée, erreur judiciaire, antisémitisme (l'officier incriminé étant de confession juive comme le martèle régulièrement Roman Polanski dans le film) et fourvoiement de la part des autorités militaires, incapables elles-même de reconnaître leurs torts. À moins que vienne justement s'intercaler cette suspicion d'antisémitisme dont est victime dans J'accuse, l'officier de l'Armée Française. D'un point de vue strictement cinématographique, l'avant dernier film de Roman Polanski n'est pas loin d'aller rejoindre l'éblouissant Le Pianiste réalisé voilà déjà vingt ans en arrière, au panthéon des chefs-d’œuvre du cinéaste. La photographie de Pawel Edelman saute immédiatement aux yeux et donne à l'ensemble un caractère visuel fait de suie. Celle-là même qui semble couvrir la quasi-totalité des locaux du 2ème Bureau dans lesquels est ensuite introduit en tant que nouveau responsable le commandant Marie-Georges Picquart qui à cette occasion est promu au grade de Lieutenant-colonel...


Alors que l'affaire judiciaire concernant l'officier Dreyfus a déjà été jugée (l'homme sera déchu de ses titres militaires, se voyant ainsi humilié, déporté puis détenu sur l'Île du Diable en Guyane), J'accuse se concentre moins son récit sur la victime d'une machination et d'une erreur de justice (Louis Garrel dans le rôle d'Alfred Dreyfus) que sur le courage d'un homme (en l'occurrence, Marie-Georges Picquart qu'interprète à l'écran l'impeccable Jean Dujardin) qui a tout entreprit pour que la vérité éclate. Au risque de mettre en péril sa propre existence et son statut d'officier de l'Armée française. Visuellement remarquable, la reconstitution bénéficie des impressionnants talents de la costumière Pascaline Chavanne, de la direction artistique de Jean Rabasse et de la musique d'Alexandre Desplat. Surtout, le film s'inspire du roman An Officer and a Spy de Robert Harris que l'écrivain adapte alors lui-même aux côtés de Roman Polanski. On pourra ergoter sur le fait que l'intrigue soit à elle seule le terreau fertile d'un récit passionnant et qu'il ne fallut pas grande imagination pour développer une telle histoire. Avoir de la matière est une chose. Mais être capable de la mettre en images en est une autre. Entre espionnage, trahison, procédures militaires et judiciaires, enquête ou délits d'opinion, le film démantèle avec brio toute la machinerie qui s'est construite autour d'un personnage dont l'unique erreur semble être ses origines juives. Mais Roman Polanski ne s'arrête pas là puisque bien avant que la justice devienne la quasi exclusivité des médias et des réseaux sociaux, sa victime est d'emblée reconnue par le peuple comme coupable !


Face à Jean Dujardin et la lourde responsabilité d'incarner celui qui deviendra membre de la Ligue des droits de l'homme à la fin du dix-neuvième siècle et en 1906, Ministre de la guerre, Roman Polanski impose quelques figures remarquables du cinéma français. À commencer par Emmanuelle Seigner (qui interprète le rôle de Pauline Monnier, la maîtresse de Marie-Georges Picquart), fidèle épouse du franco-polonais malgré les multiple et rudes épreuves rencontrées par le cinéaste, celle-ci débute sa carrière en 1984 dans L'année des Méduses de Christopher Frank avant d'apparaître tout au long de sa filmographie dans diverses œuvres de son mari (parmi lesquelles, elle incarnera la troublante Mimi dans Lune de fiel en 1922). Grégory Gadebois (Délicieux d'Éric Besnard, en 2021) incarne le commandant Hubert Henry, véritable traître qui savait l'innocence de Dreyfus et qui garda secrète la culpabilité de son ami Ferdinand Walsin Esterhazy). Viennent ensuite des seconds rôles qui valent à l'écran au moins autant que les principaux intéressés. Au hasard, Wladimir Yordanoff, Melvil Poupaud (excellent Didier Mathure dans la série télévisée OVNI(s)), Mathieu Amalric en graphologue, Laurent Stocker dans le rôle du Georges-Gabriel de Pellieux, Vincent Perez dans celui de Maître Louis Leblois, un ami de longue date de Marie-Georges Picquart ou encore Denis Podalydès en avocat de la défense lors du procès de Dreyfus et André Marcon dans la peau d'Emile Zola, celui-là même qui fut à l'origine de l'article ''J'accuse'' adressé au président de la République Française de l'époque et qui donne son nom au titre du film. Un véritable catalogue où sont réunis de formidables interprètes incarnant autant de célèbres personnages. Plus qu'un long-métrage tiré d'un fait-divers judiciaire parmi les plus célèbres qu'ait connu notre pays, Roman Polanski met en scène un véritable thriller dans lequel le personnage interprété par Jean Dujardin s'impose comme une figure Agatha Christienne. J'accuse n'est peut-être pas le plus grand film de son auteur mais le spectateur gardera à l'esprit que le nonagénaire en a encore sous la botte. C'est donc avec fébrilité que l'on attendra la sortie de son prochain film intitulé The Palace...

 

mardi 26 novembre 2019

Frantic de Roman Polanski (1988) - ★★★★★★★★☆☆



Frantic (qui en anglais signifie frénétique), le douzième long-métrage de Roman Polanski, replonge les spectateurs au cœur d'un Paris anxiogène douze ans après l'effrayant Le Locataire dans lequel le réalisateur incarnait lui-même un petit immigré d'origine polonaise plongé dans les affres de la paranoïa. Cette fois-ci, c'est au tour d'un chirurgien originaire de San Francisco d'être confronté à un tout autre genre d'angoisse : installé depuis moins d'une heure avec son épouse Sondra dans la chambre d'un luxueux hôtel parisien, le docteur Richard Walker sort de la douche lorsqu'il constate que celle-ci a disparu. Parti à la recherche de sa femme dans un Paris nocturne et interlope, le chirurgien découvre très vite que Sondra n'a pas été enlevée par hasard. L'une des valises qu'ils ont récupérée à l'aéroport de Roissy ne leur appartient pas. Après s'être renseigné auprès de divers habitants du quartier, avoir signalé la disparition de Sondra au commissariat puis avoir demandé de l'aide à l'ambassade américaine, Paul réalise qu'il ne peut compter que sur lui seul. Arrive alors Michelle, la propriétaire de la valise. La seule qui semble pouvoir aider Paul dans ses recherches...

D'origine franco-polonaise, l'immigré Roman Polanski sait s'y prendre lorsqu'il s'agit d'inscrire certains personnages de ses films dans des contextes qui leurs sont totalement étrangers. Concernant Frantic, l'auteur de Rosemary's Baby, du Pianiste et du récent J'Accuse repoussait dans ses derniers retranchements ce même principe en plongeant l'acteur américain Harrison Ford dans un Paris particulièrement dérangeant. Sur un fond de racisme dont le héros fait les frais à travers le comportement arrogant et moqueur de certains personnages, Roman Polanski réalise un long-métrage au suspens haletant. Surtout dans sa première partie, jusqu'à ce que les tenants et les aboutissants de l'affaire soient mis à jour. La seconde partie, elle, se concentre surtout sur l'espoir du héros de retrouver son épouse, interprétée par l'actrice américaine Betty Buckley dont les plus âgés des spectateurs se souviennent sans doute de son interprétation de Sandra Sue Abbott Bradford dans la série culte Huit, ça Suffit qui fut diffusée pour la première fois en France à partir de février 1985. Ainsi que sur l'objet de son elèvement et de sa séquestration avec cette interrogation : est-elle toujours en vie ? Si la deuxième moitié de Frantic est très sensiblement moins attrayante que la première, il n'en demeure pas moins que l’œuvre de Roman Polanski est l'un des meilleurs thrillers produits en cette deuxième moitié des années 1980.

L'une des forces majeures de Frantic (outre d'avoir ignoré l'idée d'un doublage en français, ce qui renforce le dépaysement du héros) est pour le réalisateur qui adapte une nouvelle fois un scénario du fidèle Gérard Brach, d'avoir poussé à l'extrême la fragilité de son personnage. Tout d'abord désarçonné par la disparition incompréhensible de son épouse, puis dénué de tout moyen de pression. Paul Walker ne parle de surcroît pas du tout français (ou si peu). D'où la difficulté de mener son enquête dans les meilleures dispositions. De plus, et contrairement à ce qui est désormais la norme, Paul Walker n'est pas armé et n'a donc aucun moyen de se défendre. Roman Polanski pousse même la caricature en faisant de son héros un homme qui s’essouffle rapidement quand vient le moment de poursuivre à pied la seule capable de lui venir en aide. De l'union entre Roman Polanski et son actrice et épouse Emmanuelle Seigner naîtront deux enfants et plusieurs projets cinématographiques dont Frantic sera le premier. Après avoir débuté dans L'Année des Méduses de Christopher Frank en 1984 puis avoir poursuivi avec Détective de Jean-Luc Godard en 1985 et Cours Privé de Pierre Granier-Deferre en 1986, la jeune actrice incarne Michelle, rebelle et paumée, engagée dans une dangereuse affaire à laquelle seront mêlés le chirurgien et son épouse. Sexy en diable, la française n'est pas la seule interprète hexagonale à arpenter le long-métrage de son futur époux puisque l'on y découvre notamment Gérard Klein et Alain Doutey en réceptionnistes de l'hôtel où loge le couple d'américains et Dominique Pinon en SDF, témoin de l'enlèvement de Sondra Walker. Accompagné par le score du compositeur italien Ennio Morricone et financé à hauteur de vingt millions de dollars, Frantic est un thriller remarquablement bien mené...

mercredi 3 avril 2019

Lunes de Fiel de Roman Polanski (1992) - ★★★★★★★★☆☆



La première chose à savoir lorsque l'on se lance dans le récit d'un peu plus de cent-trente minutes que dure Lunes de Fiel, le quatorzième long-métrage du cinéaste franco-polonais Roman Polanski, c'est qu'il faut si possible se procurer la version originale intitulée Bitter Moon et non pas celle qui efface en partie la sensualité d'Emmanuelle Seigner, pour le coup, atrocement doublée. Il faut dire que cette œuvre hype-sexuée vaut par tous ses compartiments. De la félinité de l'actrice et épouse du réalisateur. De ses formes toutes en courbes voluptueuses engoncées dans des robes ajustées. Et de ce timbre incroyablement lancinant et pénétrant qui disparaît dans la langue de Molière, échangée contre celle d'une agaçante gamine qui la voudrait plus garce, mais aussi sans contexte, moins charnelle (j'en suis encore à me demander si Emmanuelle Seigner n'a pas elle-même sapé le travail!). Cette petite mise au point effectuée, lançons-nous dans l'exploration de ces deux êtres passionnés (et passionnants) livrant sans tabou, ce qu'il est sans doute raisonnable de comparer à un amour destructeur... D'après l’œuvre du romancier français Pascal Bruckner, Roman Polanski, John Brownjohn, Jeff Gross et Gérard Brach (fidèle au cinéaste depuis son Répulsion de 1965) signent une œuvre belle, mais profondément malsaine. Où l'amour côtoie la perversion. Le masochisme, le sadisme. Le voyeurisme,l'exhibitionnisme.

La rencontre sur un paquebot de croisière entre le duo formé par Hugh Grant et Kristin Scott Thomas. Un couple jeune, beau, mais classique. Et celui que composent Emmanuelle Seigner et Peter Coyote. Atypique, sauvage, à la sexualité exacerbée. Entre dégoût et fascination, c'est tout l'enjeu et toute l’ambiguïté qui tournent autour de l'étrange relation qui naît entre le britannique Nigel Dobson et l'américain Oscar Benton. Mais aussi entre Nigel et la française Micheline Bouvier. Roman Polanski dresse l'état des lieux d'un amour qui d'abord emprisonne le couple (passion, jalousie, vengeance), et qui avec le temps, s'effiloche pour ne plus ressembler qu'à de l'affection. Une complicité qu'il faut alors nourrir de jeux plus ou moins cruels et brutaux, quitte à emporter avec soi un couple des plus classique rencontré récemment. Le personnage incarné par Peter Coyote reflète à merveille l'inéluctable achèvement de cette passion dévorante qu'il partageait avec Micheline et qui ne ressemble désormais plus qu'à de la pitié. De ce message aussi bouleversant que cru qu'il délivre à Nigel au tout début jusqu'au témoignage bouleversant d'un amour qui au fil du temps s'est détérioré.

A ce titre, Emmanuelle Seigner est poignante, seule à y croire encore alors qu'elle incarnait jusqu'à maintenant une jeune femme délurée, immature, portant robes sexy et moulantes. La passion étant désormais unilatérale, Micheline perd peu à peu de sa féminité, avilie par celui qu'elle aime mais qui ne cesse désormais de l'humilier. Lunes de Fiel devient inconfortable. Pour Roman Polanski, le contrat est déjà rempli : le spectateur s'identifie majoritairement au personnage de Micheline, celui d'Oscar revêtant le visage du monstre. Et puis... Et puis...
Film sur l'amour passionnel, sur l'amour fou, Lunes de Fiel se mue peu à peu en un cauchemar qui s'adresse directement au spectateur. Avec une infinie justesse, le cinéaste signe sans aucun doute l'un des plus beaux témoignages sur le thème de l'amour, au point d'en oublier presque ses deux autres principaux interprètes Hugh Grant et Kristin Scott Thomas. La musique de Vangelis apporte un souffle romanesque presque désuet, magnifiant la mise en scène de Roman Polanski et la prodigieuse interprétation d'Emmanuelle Seigner et Peter Coyote. Un chef-d’œuvre ? Oui,sans conteste...

mardi 2 avril 2019

The Ninth Gate de Roman Polanski (1999) - ★★★★★★★☆☆☆



Réalisé par le cinéaste franco-polonais Roman Polanski, « maître es paranoïa » (Répulsion, Le Locataire), et scénarisé par le cinéaste lui-même ainsi que par John Brownjohn et Enrique Urbizu à partir du roman d'Arturo Pérez-Reverte, Le Club Dumas, The Ninth Gate est le seizième long-métrage de son auteur. Un retour vers une thématique qu'il avait mise de côté après son angoissant Rosemary's baby en 1968. Deux films qui entretiennent bien des rapports même si dans le cas de The Ninth Gate, son final laisse supposer d'une mystification alors que dans l’œuvre signée en 1968, les dernières images laissaient supposer l'existence réelle du Diable. C'est sur cette ambiguïté que joue le cinéaste en cette année 1999. Une année symbolique que certains prophétisèrent comme étant l'emblème d'une série d'événements cataclysmiques : Armageddon, changements climatiques, invasions extraterrestres, boule de feu détruisant notre planète, etc...
Aujourd'hui, même si l'on est tous revenus de ces prédictions qui n'ont finalement pas eu lieu, redécouvrir The Ninth Gate n'est peut-être pas une mauvaise idée, d'autant plus que le sujet s'éloigne drastiquement de ces rumeurs (in)fondées par des individus peu scrupuleux à l'intention des crédules du monde entier.

Passionnant de part le sujet traité d'une part, et par la manière qu'à Roman Polanski d'en faire sien, The Ninth Gate est une excellente surprise, mis en scène avec subtilité et magistralement interprété par l'acteur américain Johnny Depp qui dans la peau de Dean Corso, se voit confier une mission particulièrement délicate. A la recherche d'ouvrages littéraires rares, il en estime également la valeur. Réputé pour être l'un des meilleurs dans sa catégorie, il est engagé par Boris Balkan (l'acteur américain Franck Langella, notamment vu dans The Box de Richard Kelly) afin d'authentifier dans un premier temps l'un des trois seuls exemplaires de l'ouvrage Les Neuf portes du royaume des ombres de l'écrivain du dix-septième siècle Aristide Torchia qu'il possède, et ensuite d'acquérir les deux autres, l'un se situant au Portugal et le dernier en France. Bien qu'étant passionné par son métier, Corso est davantage attiré par l'argent. C'est donc contre un gros chèque qu'il accepte de mener des investigations, à commencer par la visite de Liana Telfer, dont l'époux s'est pendu récemment après avoir justement vendu son exemplaire de l'ouvrage à Boris balkan...

The Ninth Gate va mener notre héros dans une intrigue passionnante, entre enquête et mysticisme, ce personnage ambigu traversant plusieurs territoires tels que les États-Unis, le Portugal, l'Espagne mais aussi et surtout la France, la Seine et Marne, les Pyrénées-Orientales, le Val-d'Oise, l'Aude et même la capitale française se partageant la vedette. Des décors souvent majestueux. Entre grandes villes, châteaux et villages archaïques. Un enchantement pour les yeux, mais aussi pour les oreilles puisque Roman Polanski confie aux bons soins du compositeur polonais Wojciech Kilar (La Jeune Fille et la Mort en 1994, Le Pianiste en 2002 tout deux réalisés par Roman Polanski) d'écrire la musique envoûtante de The Ninth Gate. Une partition qui participe grandement à l'ambiance d'un long-métrage que l'on pourrait quelque peu rapprocher des investigations menées par les personnages de Guillaume de Baskerville et Adso de Melk dans le chef-d’œuvre de Jean-Jacques Annaud, Le Nom de la Rose. Toutes proportions gardées bien évidemment puisque l’œuvre de Roman Polanski lui est malgré tout quelque peu inférieure.

Outre la présence de l'actrice et épouse de Roman Polanski Emmanuelle Seigner (que le cinéaste emploiera à de nombreuses occasions), le spectateur à l’œil aiguisé remarquera sans doute la quadruple interprétation de l'acteur José Lopez Rodero (dans le double rôle des jumeaux libraires et des déménageurs) dont il semble qu'il n'ait pas interprété d'autre rôle au cinéma. Avec The Ninth Gate, Roman Polanski retrouve l'ambiguïté de ses œuvres passées, surtout durant les deux premiers tiers du film. On regrettera sans doute que la cérémonie succédant aux investigations du héros n'ait pas été filmée avec davantage d'investissement (on aurait sans doute rêvé d'une séquence aussi magistrale que l'incroyable cérémonie du Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick) et que la fin se laisse aller à quelques débordements faussement fantastiques. Il ne faut cependant pas bouder son plaisir car à travers The Ninth Gate, c'est véritablement toutes les aspirations du réalisateur franco-polonais qui ressurgissent...
Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...