Frantic (qui
en anglais signifie frénétique), le douzième long-métrage de
Roman Polanski, replonge les spectateurs au cœur d'un Paris
anxiogène douze ans après l'effrayant Le
Locataire
dans lequel le réalisateur incarnait lui-même un petit immigré
d'origine polonaise plongé dans les affres de la paranoïa. Cette
fois-ci, c'est au tour d'un chirurgien originaire de San Francisco
d'être confronté à un tout autre genre d'angoisse : installé
depuis moins d'une heure avec son épouse Sondra dans la chambre d'un
luxueux hôtel parisien, le docteur Richard Walker sort de la douche
lorsqu'il constate que celle-ci a disparu. Parti à la recherche de
sa femme dans un Paris nocturne et interlope, le chirurgien découvre
très vite que Sondra n'a pas été enlevée par hasard. L'une des
valises qu'ils ont récupérée à l'aéroport de Roissy ne leur
appartient pas. Après s'être renseigné auprès de divers habitants
du quartier, avoir signalé la disparition de Sondra au commissariat
puis avoir demandé de l'aide à l'ambassade américaine, Paul
réalise qu'il ne peut compter que sur lui seul. Arrive alors
Michelle, la propriétaire de la valise. La seule qui semble pouvoir
aider Paul dans ses recherches...
D'origine
franco-polonaise, l'immigré Roman Polanski sait s'y prendre
lorsqu'il s'agit d'inscrire certains personnages de ses films dans
des contextes qui leurs sont totalement étrangers. Concernant
Frantic,
l'auteur de Rosemary's Baby,
du Pianiste
et du récent J'Accuse repoussait
dans ses derniers retranchements ce même principe en plongeant
l'acteur américain Harrison Ford dans un Paris particulièrement
dérangeant. Sur un fond de racisme dont le héros fait les frais à
travers le comportement arrogant et moqueur de certains personnages,
Roman Polanski réalise un long-métrage au suspens haletant. Surtout
dans sa première partie, jusqu'à ce que les tenants et les
aboutissants de l'affaire soient mis à jour. La seconde partie,
elle, se concentre surtout sur l'espoir du héros de retrouver son
épouse, interprétée par l'actrice américaine Betty Buckley dont
les plus âgés des spectateurs se souviennent sans doute de son
interprétation de Sandra Sue Abbott Bradford dans la série culte
Huit, ça Suffit
qui fut diffusée pour la première fois en France à partir de
février 1985. Ainsi que sur l'objet de son elèvement et de sa
séquestration avec cette interrogation : est-elle toujours en
vie ? Si la deuxième moitié de Frantic est
très sensiblement moins attrayante que la première, il n'en demeure
pas moins que l’œuvre de Roman Polanski est l'un des meilleurs
thrillers produits en cette deuxième moitié des années 1980.
L'une
des forces majeures de Frantic
(outre d'avoir ignoré l'idée d'un doublage en français, ce qui
renforce le dépaysement du héros) est pour le réalisateur qui
adapte une nouvelle fois un scénario du fidèle Gérard Brach,
d'avoir poussé à l'extrême la fragilité de son personnage. Tout
d'abord désarçonné par la disparition incompréhensible de son
épouse, puis dénué de tout moyen de pression. Paul Walker ne parle
de surcroît pas du tout français (ou si peu). D'où la difficulté
de mener son enquête dans les meilleures dispositions. De plus, et
contrairement à ce qui est désormais la norme, Paul Walker n'est
pas armé et n'a donc aucun moyen de se défendre. Roman Polanski
pousse même la caricature en faisant de son héros un homme qui
s’essouffle rapidement quand vient le moment de poursuivre à pied
la seule capable de lui venir en aide. De l'union entre Roman
Polanski et son actrice et épouse Emmanuelle Seigner naîtront deux
enfants et plusieurs projets cinématographiques dont Frantic
sera le premier. Après avoir débuté dans L'Année
des Méduses
de Christopher Frank en 1984 puis avoir poursuivi avec Détective
de
Jean-Luc Godard en 1985 et Cours Privé
de Pierre Granier-Deferre en 1986, la jeune actrice incarne Michelle,
rebelle et paumée, engagée dans une dangereuse affaire à laquelle
seront mêlés le chirurgien et son épouse. Sexy en diable, la
française n'est pas la seule interprète hexagonale à arpenter le
long-métrage de son futur époux puisque l'on y découvre notamment
Gérard Klein et Alain Doutey en réceptionnistes de l'hôtel où
loge le couple d'américains et Dominique Pinon en SDF, témoin de
l'enlèvement de Sondra Walker. Accompagné par le score du
compositeur italien Ennio Morricone et financé à hauteur de vingt
millions de dollars, Frantic
est un thriller remarquablement bien mené...
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