En un autre lieu, dans d'autres circonstances, ça n'est pas quatre
ou cinq étoiles que mériterait la plupart des longs-métrages
signés de l'italien Bruno Mattei, mais sept ou huit. Ne serait-ce
que pour prouver à celles et ceux pour qui il est le cinéaste le
plus mauvais qu'ait engendré le septième art, je parle bien
évidemment de ceux qui ne connaissent probablement pas, au hasard,
James Nguyen et son improbable saga Birdemic,
qu'ils ont tort. Mille fois tort. A n'en pas douter, il demeure dans
la catégorie loin d'être honteuse qu'il a honorée de dizaines de
longs-métrages, l'un des maîtres incontestés. Et il le prouvait à
nouveau en 1987 avec le film de guerre Strike
Commando : Section d'Assaut.
Un moment de cinéma comme il en existe tant, mais à lui seul, le
représentant d'un genre qui n'existe plus vraiment autrement qu'à
travers des dizaines, des centaines, des milliers de DTV qui ne
retrouvent jamais cette fraîcheur, cette spontanéité qui faisait
la marque de fabrique d'un cinéaste dont l'oeuvre fut un peu trop
rapidement enterrée. Heureusement, il est des êtres pour lui rendre
hommage. A l'exemple de David Didelot et son ouvrage BRUNO
MATTEI, Itinéraire Bis.
Pas réellement fan de films de guerre à part lorsque le héros, un
ancien combattant de retour au pays,
'retourne' une
ville entière à cause d'un enc.... de shérif qui lui refusait une
douche et un repas chaud (Rambo),
ou lorsque son auteur propose une vision hallucinée et traumatisante
d'un conflit bien réel (Requiem pour un
Massacre),
c'est après avoir été profondément marqué par l'ennui devant une
œuvre dont j'attendais sans doute beaucoup trop (Troma's
War)
que Bruno Mattei m'est apparu comme le messie. Une dame blanche
sévèrement burnée (car il en faut pour oser s'attaquer au monument
Rambo
ou à l'un de ses ersatz Portés Disparus)
croisée non pas sur une route de campagne perdue mais dans le
couloir menant aux chiottes de mon appartement.
C'est
avec un appétit certain que je me lançais donc dans la projection
de Strike Commando : Section d'Assaut
que j'imaginais envoyer du lourd tandis qu'au moment très précis où
démarrait le générique de début, David Didelot me corrigeait par
messagerie qu'il envoyait en réalité du TRES lourd. Et
effectivement, bien que commençant à être habitué au cinéma du
grand spécialiste es nanars, j'étais loin de penser que le
spectacle dépasserait mes espérances. Et en même temps, j'imagine
qu'en m'exprimant ainsi, je donne l'impression que Bruno Mattei n'est
qu'un prétexte servant à passer un pur moment de rigolade. Mais en
réalité, cela va bien plus loin. Au delà des rires forcément
irrépressibles que génèrent d'innombrables situations, le film de
l'italien regorge de trouvailles non-sensesques relevant parfois du
génie. En effet, il demeure impossible de parler de Strike
Commando : Section d'Assaut
sans évoquer les rapports qu'entretient le héros, le sergent
Michael Ransom, avec le jeune Lao, l'un des gamins d'un village qui
sera rasé par l'ennemi durant le conflit vietnamien. Des dialogues
relevant de la friandise gourmande, sucrée, doublés dans des tons
monocordes qui renforcent le grotesque de la situation. Bien sur, on
n'y croit pas un seul instant, et lorsque meurt 'enfin'
le gamin, comment ne pas être pétri de sentiments devant les larmes
de crocodiles versées par ce vétéran de Ransom.
Bruno
Mattei tente d'injecter une part d'émotion dans un film de guerre
qui répète à intervalles réguliers des scènes d'action durant
lesquelles, des vagues d'ennemis commandées par l’infâme Jakoda
sont systématiquement dissoutes par le pendant italien de Stallone.
Faut pas l’énerver Reb Brown, car dans la peau du sergent Ransom,
le bonhomme impressionne. Mais, peut-être pas autant lorsque après
avoir été anéanti par la mort de plusieurs villageois, on le voit
sourire comme si le drame n'avait pas eu lieu, quelques secondes
auparavant. On ne demandera pas au cinéma de Bruno Mattei, une
quelconque logique. Le bonhomme y va avec le cœur, et c'est là,
tout ce qu'on lui demande. Tourné aux Philippines comme plusieurs de
ses longs-métrages, Strike Commando :
Section d'Assaut s'offre
la présence de l'acteur américain Christopher Connelly qui dans la
peau du colonel Radek rappelle le personnage qu'incarnait Charles
Napier dans Rambo 2 : la Mission.
Il ne s'agit d'ailleurs pas du seul point de comparaison entre les
deux films puisque Bruno Mattei s'octroie le privilège de piller
dans l’œuvre de George P. Cosmatos en reprenant par exemple les
fameuses séances de tortures, ici, sublimée par le jeu magnifique
(mais défaillant) de Reb Brown. Vu dans sa version française, le
film gagne sans doute encore davantage à être découvert dans la
langue de Molière, les doubleurs faisant un travail de sape
remarquable. Dialogues monotones et manque de conviction participent
à l'aura d'un film qui mérite amplement ses galons de chef-d’œuvre
du nanar. Allez, j'ose. Sept étoiles...
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