Découvert hier en
début d'après-midi, le dernier long-métrage du cinéaste français
Stéphane Brizé est peut-être le dernier grand film que j'aurais eu
l'occasion de découvrir cette année. Après Tout le Monde
Debout
de Frank Dubosc et Les Garçons Sauvages
de Bertrand Mandico. Trois longs-métrages sur toute une année de
cinéma, ça peut paraître peu. Mais trois œuvres signées par des
artistes français, ça a le mérite d'être évoqué. En
Guerre
est le nouveau drame social de Stéphane Brizé qui avec La
Loi du Marché
su émouvoir les jurys de Cannes et des Césars en permettant à son
principal interprète de remporter dans les deux cas le prix du
meilleur acteur. Vincent Lindon incarne pour la quatrième fois le
principal personnage dans une œuvre signée par un cinéaste
préoccupé par le sort réservé à de plus en plus d'ouvriers français qui sous la broyeuse patronale risquent chaque jour de se
retrouver sans emplois. L'acteur connaît déjà bien le sujet pour
l'avoir abordé auprès de Stéphane Brizé, mais s'était intéressé
à ce type d'événement en incarnant le rôle principal de
l'excellente comédie de Pierre Jolivet en 1999, Ma
Petite Entreprise,
dont le personnage d'Ivan Lansi s’attaquait sur un ton beaucoup
plus léger aux assurances censées le dédommager de la perte de son
entreprise. Désormais, c'est à l'échelle d'une entreprise
employant plus de mille cent salariés que En
Guerre
oppose ceux-ci à une multinationale d'origine allemande dont
l'unique intérêt est de rapporter toujours plus d'argent à ses
actionnaires.
Alors
que les employés ont accepté de faire des sacrifices en abandonnant
leurs droits à des primes afin de sauver leur entreprise, et en
signant un accord leur promettant qu'elle ne fermera pas avant un minimum de cinq ans, Laurent Amadéo et les siens constatent avec
effroi que la direction n'a pas tenu son engagement puisque qu'après
seulement deux ans, l'usine Perrin Industrie se voit obligée de
fermer ses portes. Un constat plus qu'amer pour plus d'un milliers de
salariés qui vont monter au front avec en tête de cortège, un
Laurent très remonté.
Stéphane
Brizé choisit de mettre en scène de manière particulièrement
réaliste des dizaines de seconds-rôles, Vincent Lindon se faisant
tout d'abord relativement discret avant de devenir celui qui va
servir de chair à canon auprès de la direction, des médias, et de
ses collègues eux-mêmes. Entouré par un casting brillant, l'acteur
est formidablement naturel, le cinéaste insistant parfois en le
filmant dans un cadre approximatif renforçant l'aspect documentaire
du sujet évoqué. Entre manifestations, sièges des différents
locaux administratifs, interventions dans les médias, discussions
entre salariés, Direction et syndicats, Stéphane Brizé parvient en
l'espace d'un peu moins de deux heures à détailler toutes les
étapes d'un combat qui oppose les employés d'une entreprise vouée
à la fermeture à la direction et à des politiques qui se murent
d'abord dans le silence avant d'être contraints de lâcher du leste.
Et c'est alors qu'entre en jeu les broyeuses judiciaire, patronale et
politique. Avec un réalisme saisissant, le cinéaste rend compte de
toutes les étapes qui mènent certains employés à monter des
barricades et d'autres à rendre les armes contre un gros chèque. En
Guerre
fait très largement écho aux problèmes que rencontrent
généralement au moins une fois dans leur vie les petits employés d'une
grosse entreprise remaniant sa structure afin de toujours plus
rapporter d'argent à ses actionnaire.
Stéphane
Brizé filme sur le vif et signe un chef-d’œuvre. L'un des drames
sociaux les plus efficaces et les plus poignants jamais réalisés.
Sans jamais faire preuve de la moindre démagogie, l'histoire de ces
centaines d'ouvriers impacte profondément le spectateur qui ne peut
que se reconnaître dans ce combat entre les petites gens et les
costard-cravate.
Le spectateur devient acteur silencieux d'un combat pratiquement voué
à l'échec. Vincent Lindon y est sublime, quant à Mélanie Rover,
Jacques Borderie, David Rey, Olivier Lemaire, Isabelle Rufin, Bruno
Bourthol (et j'en passe des dizaines), certains sont touchants quand
d'autres se révèlent le reflet de l'absence de conscience morale.
En Guerre
se révèle un exercice de style au ton contemporain et divertissant capable d'ouvrir
les yeux de ceux qui vivent à des années-lumière et préfèrent
les garder fermés. Admirable !
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