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vendredi 6 septembre 2024

L'armée des ombres de Jean-Pierre Melville (1969) - ★★★★★★★★★☆

 


 

Après avoir enchaîné durant la même soirée Pas très normale activité de Maurice Barthélémy, Parole de flic de José Pinheiro et L'armée des ombres de Jean-Pierre Melville, allez savoir pourquoi, mais j'ai choisi d'écrire sur ce dernier plutôt que sur l'un des deux autres. Le premier ne méritant probablement qu'injures et dégoût tandis que le second, de mémoire, eu déjà le ''privilège'' d'avoir été chroniqué ailleurs par mes soins. J'ai presque honte de l'avouer, mais je n'ai pas souvenir d'avoir déjà vu l'un ou l'autre des longs-métrages réalisés par ce cinéaste majoritairement apprécié des cinéphiles. C'est donc chose faite aujourd'hui. Peut-être le début d'une passion que viendra, je l'espère, confirmer la projection prochaine de ses œuvres parmi les plus importantes... Mais pour commencer, évoquons L'armée des ombres, long-métrage inspiré de l’œuvre littéraire de l'écrivain, journaliste et ancien résistant français originaire de Villa Clara en Argentine. Hommage à la résistance écrit en 1943 alors qu'il est installé à Londres, il semble logique que Jean-Pierre Melville se soit emparé du sujet, lui qui fut lui-même résistant lors de la Seconde Guerre Mondiale. Adaptation d'un roman dont l'auteur apportait un message de vérité tout en changeant les lieux et les noms des protagonistes afin de les protéger, L'armée des ombres met en scène quelques-uns des plus grands interprètes de l'époque. Âgé de seulement vingt-sept ans et alors que la guerre est finie, Jean-Pierre Melville rêve déjà de devenir réalisateur. Mais craignant que le sujet ne soit trop ambitieux, il attendra pas moins d'un quart de siècle avant de mettre enfin son projet initial à exécution. C'est donc en 1969 que L'armée des ombres voit le jour. Antépénultième long-métrage d'un cinéaste dont la carrière est déjà dotée d'une solide filmographie (Le Doulos, L'aîné des Ferchaux, Le samouraï), L'armée des ombres réunit deux des principaux interprètes du Deuxième souffle qu'il avait déjà réalisé trois ans auparavant.


Alors qu'en 1966 tout semblait devoir séparer les personnages que Lino Ventura et Paul Meurisse incarnaient à l'époque, désormais l'un et l'autre des nouveaux protagonistes qu'ils interprètent paraissent unis dans un même élan de patriotisme. L'action débute le 20 octobre 1942 et alors que Philippe Gerbier (Lino Ventura) est transféré dans un camp de concentration, quelques lignes de dialogues suffiront pour imposer ce personnage capable de s’accommoder très facilement de n'importe quelle situation. Redouté, même par ceux qui en ont désormais la garde du fait de certaines de ses relations, ce brillant ingénieur des Ponts et Chaussée se distingue des autres prisonniers et semble même doté d'un certain mépris vis à vis de trois d'entre eux... Robuste, portant une paire de lunettes rondes qui ajoutent à la personnalité du protagoniste la fonction d'érudit (bien qu'il ne semble rien y connaître au jeu de dominos), Philippe Gerbier prépare aux côtés d'un jeune électricien de formation leur évasion. Mais entre-temps, l'ingénieur est une nouvelle fois transféré, cette fois-ci à l'hôtel Majestic de Paris, pour y être interrogé par la Gestapo. Il parvient cependant à prendre la fuite après avoir tué un garde allemand et s'échappe pour se rendre jusqu'à Marseille où se trouve le réseau de résistance dont il est la tête pensante... Les principaux partenaires de Lino Ventura vont dès lors apparaître successivement à l'écran, comme un long passage de témoins. Paul Crauchet qui incarne le bras droit de Gerbier, Félix Lepercq, passe la main à Jean-Pierre Cassel, lequel interprète Jean-François Jardie, l'ami de Félix, avant de laisser à son tour la place à la formidable Simone Signoret dans le rôle de Mathilde, l'un des membres les plus importants du réseau avant que ne soit de nouveau rendu le témoin à Jean-Pierre Cassel qui cette fois-ci ira à la rencontre de Paul Meurisse qui incarne le rôle de son frère, Luc Jardie. Les principaux interprètes désormais présentés, revenons sur l'esthétique générale de L'armée des ombres. Une composition des couleurs qui est l’œuvre du directeur de la photographie Pierre Lhomme qui jusque là avait notamment œuvré chez Jean-Paul Rappeneau, Philippe de Broca, Costa-Gavras, Yves Boisset ou encore William Klein.


Un travail remarquable dû à des choix artistiques de la part d'un Jean-Pierre Melville pour qui le noir et blanc restera une marque de fabrique durant la moitié de sa carrière et dont celle de L'armée des ombres ne se démarque pas tout à fait. En effet, afin de retranscrire le pesant climat de l'époque, le directeur de la photographie opte pour des teintes grisâtres presque permanentes et où la couleur a bien du mal à se faire une place. Le soleil lui-même préférant se cacher derrière d'épais nuages, le long-métrage ressemble parfois à une longue succession de cartes postales d'époque ou de témoignages photographiques propres au contexte de guerre mondiale et d'oppression que le film dépeint à la perfection. Ce qui n'empêche pas quelques micro-ratés comme lorsque est filmée une maquette exposée à quelques pathétiques flammes lors d'une attaque aérienne... Le montage de Françoise Bonnot qui en outre travailla plusieurs fois auprès de Henri Verneuil dans le courant des années soixante ou collabora la décennie suivante avec l'italien Dario Argento sur Quatre mouches de velours gris, le polonais Roman Polanski sur Le locataire ou le français Jean-Jacques Annaud sur La victoire en chantant (sans parler de son travail lors des décennies suivantes) est significatif de cette pression que semble vouloir exercer Jean-Pierre Melville sur le spectateur, chaque séquence ou presque étant l'occasion pour lui de présenter l'aventure de ses personnages sous son aspect le plus périlleux... La mort du traître. L'évasion de l'hôtel Majestic ou du tunnel d'exécution sont autant de séquences anxiogènes et sidérantes à mettre sur le compte d'une mise en scène et d'une interprétation minutieuses. Quelques séquences émouvantes elles aussi sont à marquer d'une pierre blanche. Des actes du quotidien dont la simplicité émeut. Comme lorsque Luc Jardie boit son café, heureux de revoir son frère ou lorsque Mathilde prend la main de Gerbier dans la sienne... Malgré la noirceur quasi pernanente, il peut même parfois arriver au spectateur de laisser s'échapper un sourire discret d'entre ses lèvres comme lors de ce passage où Gerbier s'amuse de la tenue exotique de certains représentants de l'armée britannique portant le fameux kilt ! Ceci avant que n'intervienne bien évidemment un retour cruel à la réalité. Notons enfin la superbe partition musicale du compositeur français Eric Demarsan à l'occasion de laquelle l'on entendra notamment un extrait de Spiritual for String Choir and Orchestra composé en 1941 par l'américain Morton Gould et qui chez nous devint célèbre en devenant le générique de l'émission Les dossiers de l'écran diffusée sur la deuxième chaîne de l'ORTF puis sur Antenne 2 entre 1967 et 1991...

 

1 commentaire:

  1. C'est sûr que Melville et Barthélémy, ça ne boxe pas vraiment dans la même catégorie (même si j'aime bien les Robins des Bois quand ils étaient ensemble) ! :-)
    Aussi curieux que ça puisse paraître, je n'ai pas vu ce classique de notre cinéma. Peut-être à cause de l'histoire car je fais un peu une overdose des films sur la Seconde Guerre Mondiale. Enfin, un jour peut-être...

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