En voilà un qui a bien
failli passer à la trappe. Surtout si l'on n'est pas encore trop
coutumier du fait que certains longs-métrages ne sont pas prévus
pour une sortie cinéma et que l'on ne suit pas trop l'actualité
VOD. L'avant-dernier film de Alex de la Iglesia est donc sorti
l'année dernière en France, directement en mode « vidéo à
la demande » le 3 octobre. Un sort réservé également à
El Bar, le dernier bijou du cinéaste espagnol. Mi
Gran Noche n'est peut-être pas aussi formidablement
accrocheur que certains autres joyaux d'Alex de la Iglesia, mais tout
de même. L'histoire totalement absurde de José, employé comme
figurant lors de l'enregistrement d'une émission de télévision
consacrée au Nouvel An vaut le détour. Maintenant,
toutes
proportions
gardées, et sans jamais tenter de hisser un seul
instant Mi Gran Noche au
niveau du chef-d’œuvre auquel je vais essayer de le comparer, le
spectacle auquel il nous est offert l'occasion d'assister ressemble à
peu de chose près, tout en demeurant fort lointain (suis-je assez
clair ?), au dantesque final de Phantom of the
Paradise.
Avant que certains s’énervent ou abandonnent précipitamment la
lecture de cet article, je m'explique. Il demeure, dans l'un comme
dans l'autre, un foisonnement extraordinaire. Un délire visuel dont
l'énergie est si communicative que l'on ne peut rester insensible
devant un tel spectacle. L’œuvre de de Palma et celle de de la
Iglesia abordent le septième art comme le terrain d'un travail
considérable en matière de mise en scène. Le placement des acteurs
(principaux et figurants parmi lesquels ont retrouve d'anciens et nouveaux fidèles du cinéaste, Mario Casas, Blanca Suarez, Santiago Segura, Hugo Silva, Carlos Areces, Carmen Machi, Carmen Ruiz, Ana María Polvorosa, ainsi que le chanteur espagnol Raphaël), le montage nerveux, et le récit
apocalyptique font de Mi Gran Noche un
long-métrage épuisant. Pas vraiment drôle d'ailleurs, donnée qui
semble depuis peu avoir abandonné l'univers du cinéaste espagnol.
Alors
que jusqu'à maintenant Alex de la Iglesia nous avait habitués à un
cinéma reposant sur une mécanique plutôt simple mais efficace (une
première partie classique et une seconde beaucoup plus sauvage),
l'auteur du Jour de la Bête
jette les spectateurs dans la fosse aux lions dès les premières minutes. Une fois encore, il
aborde le monde du spectacle. A l'image de Muertos
de Risa
qu'il signa en 1999, l'espagnol explore la face sombre du phénomène.
Mais plutôt que de nous servir un drame, il préfère façonner son
œuvre afin de la rendre joyeuse. Condensé de tout ce qu'offre de
folie et d'urgence l'oeuvre d'Alex de la Iglesia, Mi
Gran Noche offre
un panel exhaustif de tout ce qui demeure factice. Des figurants
contraints d'applaudir ou de rire sous l’œil avisé du chauffeur
de salle. Des artistes souriants, face caméra, mais qui dans l'ombre
des coulisses se plantent des couteaux dans le dos. L'amour et
l'amitié sont eux-mêmes mis à rude épreuve. Les sentiments sont
bannis des rapports qu'entretiennent idoles et groupies. Le premier
est narcissique, soucieux de l'image qu'il reflète dans les médias,
anxieux de se faire voler la vedette. Le second, lui, est encore plus
insidieux. L'amitié se construit en à peine quelques semaines mais
prend fin lorsque l'autre n'apporte que malheur et désolation. Parmi
ce fatras d'hypocrisie émerge un amour bancal. Entre un chômeur
plus habitué aux sites de rencontres et pornographiques et une jolie
jeune femme désespérée de ne pas trouver le grand amour en raison
du sort peu enviable systématiquement accordé à ceux qu'elle
rencontre.
Le
rythme imprimé par Alex de la Iglesia à Mi
Gran Noche donne
le vertige. Les caméras virevoltent dans un manège qui donne le
tournis. Le spectacle est permanent. Il s'y déroule une foule
d'événements, au premier et au second plan. Et même si
l'avant-dernier film de l'espagnol est loin d'atteindre les qualités
de ses précédents longs-métrages, on ne peut que s'incliner, une
fois encore, devant la force de sa mise en scène...
Intéressant, j'essaierai de le trouver.
RépondreSupprimerL'inconnu de nulle part