En plein cœur de Madrid,
les clients habituels d'un bar se retrouvent comme chaque jour. Eux
mais également quelques inconnus qui passent ici tout à fait par
hasard. Le bar est tenu par la patronne Amparo, laquelle emploie
depuis des années, Sâtur, qu'elle considère comme son propre fils.
Parmi les clients se trouvent ce jour-là Trini, une habituée qui
passe son temps le dos tourné, le regard rivé devant une machine à
sous et Israel, un clochard que la propriétaire du bar a pris sous
son aile. Aujourd'hui, les lieux comptent huit clients. Outre Israel
et Trini ont passé la porte du bar Nacho, Andrés, Sergio, un
balayeur, ainsi qu'un individu apparemment malade qui dès son
arrivée s'est réfugié dans les toilettes. Un autre également mais
qui ne tarde pas à quitter l'établissement et qui, dès qu'il a
passé la porte d'entrée, se prend une balle en pleine tête.
Dehors, les rues sont évacuées. Il n'y a plus âme qui vive à part
Amparo, Sâtur et leurs clients. Le seul à véritablement
s'inquiéter du sort du pauvre homme étendu sur le trottoir, c'est
l'éboueur. Qui contre l'avis des autres décide de sortir et de lui
venir en aide. Sur la liste des cadavres, l'éboueur est le suivant.
Lui aussi meurt d'une balle dans la tête. Persuadés qu'ils ont
peut-être été les victimes d'un attentat perpétré par un tireur
fou, les personnes retranchées dans le bar commencent à émettre
des hypothèses. L'inquiétante grandit lorsqu'ils se rendent compte
que la télévision ne retransmet aucune information concernant le
drame qui vient de se dérouler devant le bar. Pire : les
cadavres disparaissent et bientôt, des individus en combinaison
viennent mettre le feu devant l'établissement. Pour Trini, Nacho et
les autres, il s'agit alors d'une question de survie...
Alex de la Iglesia
revient en 2017 avec son dernier né, El Bar.
Et autant vous prévenir tout de suite : le cinéaste espagnol
auteur des remarquables Le Jour de la Bête, Mes
Chers Voisins, Le Crime Farpait, Les
Sorcières de Zugarramurdi (pour ne citer que ceux là alors
même que toute sa filmo (ou presque) mérite d'être explorée)
revient en très grande forme avec une œuvre qui contrairement à la
majeure partie de ses longs-métrages ne traite pas celui-ci d'un
point de vue uniquement humoristique mais fait preuve d'un talent fou
pour les ruptures de ton puisqu'après une première partie
faussement tragique reprenant en partie les codes inhérents aux
films d'infectés sur un ton où l'humour noir possède une place
prépondérante, le cinéaste plonge ses interprètes dans un climat
horrifique assez bien fichu pour un auteur qui ne verse
habituellement pas trop dans ce type d'ambiance (pour cela, il faudra
remonter jusqu'au Jour de la Bête qui, au demeurant,
était plus drôle que réellement inquiétant). De la propreté
javellisée du bar aux tréfonds des égouts d'une ville charriant
une quantité incroyable de déchets, le cinéaste opère un savant
changement de ton, radicalisant son propos au point d'imposer à ses
interprètes une complète collaboration. A ce titre, Mario Casas,
Blanca Suarez, Carmen Machi, Secun de la Rosa et surtout, oui,
surtout Jaime Ordonez accomplissent un travail d'interprétation
remarquable. Dans des conditions effroyables, voilà leurs
personnages plongés dans des eaux plus dégueulasses encore que
celles du Gange. Étrons et autres résidus de la vie quotidienne des
habitants de Madrid accompagnent des actrices et acteurs qui
n'hésitent pas à plonger directement au fond de cette rivière
putride.
Au delà de la folle
course à la survie qu'entreprennent les excellents
«souffres-douleur» d'Alex de la Iglesia, l'auteur dénonce les
dérives médiatiques qui ont tendance à faire avaler aux citoyens
des informations plus ou moins erronées. L'espagnol tente de manière
quelque peu détournée (toujours cet humour diaboliquement noir) de
désamorcer l'actualité brûlante concernant les récents attentats
qui eurent lieu peu de temps auparavant à Paris avant le tournage de
El Bar qui lui, fut tourné en Espagne. Le dernier bébé du
génial espagnol Alex de la Iglesia ne déroge pas à la règle qu'il
s'est fixé depuis le début de sa carrière (à part en de très
rares occasions avec l'anglais Crimes à Oxford et la
commande La habitación del niño) :
une énorme dose d'humour noir, un climat parfois inquiétant, une
grande cuillerée de suspens et surtout, un bordel extraordinairement
maîtrisé. Un Alex de la Iglesia comme on l'aime, comme on l'adore,
comme on le vénère...
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