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vendredi 14 juin 2024

Lost Highway de David Lynch (1997) - ★★★★★★★★☆☆

 


 

C'est en repensant à un article consacré à Eraserhead qui dort dans les entrailles de mon PC, tellement navrant que je n'ai jamais osé le publier, que je me suis enfin décidé à consacrer un cycle à l'un de mes quatre ou cinq cinéastes préférés. Si l'on devait me poser la question et citer instantanément deux ou trois noms, Alejandro Jodorowsky, David Cronenberg et David Lynch seraient sans doute parmi les premiers à m'inspirer... L'ami Mike (il se reconnaîtra) et moi avons eu beau évoquer chacun nos préférences en la matière de ce génie qui n'a pas refait surface sur grand écran depuis son incroyable Inland Empire en 2006, je réalise en fait qu'il m'est presque impossible de réellement dresser mon top trois des œuvres que David Lynch a réalisé depuis ses débuts. Il m'est en effet plus simple de rejeter Sailor et Lula que de dire si Eraserhead trouve finalement davantage grâce à mes yeux que Lost Highway, Mulloland Drive ou encore Blue Velvet qui durant de très nombreuses années demeura mon préféré. Peut-être parce que je l'avais découvert à l'époque sur grand écran, contrairement aux autres. ''Dick Laurent is dead...''. C'est sur cette simple phrase que démarre véritablement Lost Highway. Une forme d'énigme comme le cinéaste aime à les cultiver. Régurgiter à travers des mots ce que l'on a pu ressentir durant ce qui s'avère de la part de son auteur une énième expérience cinématographique est rude (Il n'y a guère que le Jodorowsky de Santa Sangre, le Cronenberg de Faux-semblants ou le Noé de Enter the Void pour me faire autant vibrer). Terriblement rude. Surtout lorsque le réalisateur conserve auprès de lui la plupart des clés, laissant ainsi le spectateur se démerder avec sa propre manière d'envisager le récit. Autant dire qu'aller chercher chez d'autres les explications qui permettraient de coucher sur papier dématérialisé une analyse éclairée ne servirait à rien. Et quitte à se tromper sur la marchandise, quelle importance ? Qui d'autre que David Lynch lui-même peut véritablement se targuer de connaître le fin fond de l'affaire ? Réponse : personne... Comme je m'étais fait à l'époque la réflexion au sujet de Eraserhead, la plupart des longs-métrages signés du réalisateur américain ressemblent à des cours d'eau relativement tranquilles, du moins jusqu'à un certain point. Jusqu'à ce que la quiétude des eaux soit dérangée par de tempétueuses cascades brouillant des pistes qui jusque là s'avéraient étonnamment fluides. Ça n'est bien sûr pas toujours vrai (Inland Empire), mais Lost Highway fait figure d’œuvre bicéphale, où la schizophrénie vient frapper de plein fouet non seulement le récit mais les spectateurs eux-mêmes.


Le film apparaît comme un puzzle qui demande un minimum de réflexion pour que chaque pièce soit repositionnée au bon endroit. Puis vient le moment où un type un peu fou débarque dans votre chambre et vient tout foutre en l'air, chacune des pièces en question retombant côté pile et révélant un tout autre décor... Je n'en démords pas : tout ou presque découle de ce geste de ''réconfort'' offert à Fred (Bill Pullman) par la main bienveillante de son épouse Renée (Patricia Arquette) : Une petite tape dans le dos alors qu'il peine à lui faire l'amour. Une humiliation. Difficile d'insinuer autre chose, surtout lorsqu'on a l'art et la manière comme David Lynch de filmer cet acte théoriquement anodin... On devine la suite : suspicion, jalousie et au final, le corps de Renée allongée sur le lit du couple, baignant dans son propre sang. Fred ? Arrêté, accusé de meurtre, condamné à la peine capitale et, en attendant, enfermé dans une cellule du couloir de la mort. Rien que de très classique pour une histoire d'amour virant au cauchemar. C'est pourtant très précisément au moment où le générique de fin devrait logiquement dérouler son habituelle litanie sur fond noir que le récit semble réellement démarrer. Car un fait extraordinaire vient de se produire : Fred a disparu de sa cellule et à sa place s'y est retrouvé une jeune garagiste du nom de Pete (Balthazar Getty). Patatras ! On (ne) reprends (pas) les mêmes et on (ne) recommence (pas). Si vous choisissez de ne pas ôter les parenthèses, alors vous et moi sommes d'accord. Avec son récit à double tiroirs, sa cassure qui intervient après seulement trois-quart d'heures (le film dure près de cent-trente cinq minutes), la symbolique de la veuve noire, ces personnages qui se chevauchent, s'assimilent les uns aux autres, le renversement de certaines croyances typiquement européennes (la Blonde et la Brune, l'épouse et la maîtresse), sa figure démoniaque (l'homme mystère interprété par l'impressionnant Robert Blake), sa part de rêve et ses zones d'ombre, Lost Highway est typiquement ''Lynchéen''. Une œuvre labyrinthique qui à son tour renvoie à cette éternelle obsession du réalisateur pour les drapés rouges derrière lesquels s'activent des forces obscures. Retour dans le passé ou voyage dans le temps, transfiguration, passion charnelle (David Lynch transforme instantanément Patricia Arquette en icône sexuelle et sensuelle), le film est l'un des nombreux chefs-d’œuvre de l'artiste. À regarder encore et encore, sans la moindre réserve et sans modération, jusqu'à cet ultime instant où peut-être la lumière complète se fera sur ce projet totalement fou, barré, rare, complexe, noir mais surtout magnifique...

 

1 commentaire:

  1. J'étais passé complètement à côté de Mulholland Drive. Comme du Memento de Nolan (entre autres). Peut-être devrais-je réessayer...

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