Au début des années 2000, le cinéaste et producteur américain
Gore Verbinski prouvait qu'il était en mesure de remplir la délicate
mission de réaliser le remake de l'un des meilleurs films
d'épouvante japonais, Ringu
du cinéaste Hideo Nakata, tout en ne produisant qu'une infime part
de déchets. Une tentative plutôt convaincante qui laissa notamment
place à trois des volets de la franchise
Pirates des Caraïbes
et une tentative avortée d'en créer une nouvelle mais qui semble
avoir échoué à l'issue du premier opus (la suite des aventures de
Lone Ranger : Naissance d'un
héros ne
sera sans doute jamais tournée). Fort logiquement comparé au succès
de Pirates des Caraïbes,
le film est un échec et ne rapportera pas beaucoup plus que le
budget de 215 millions de dollars alloués à l'origine.
Avec
ses 40 millions de dollars de budget, soit la plus petite somme
consacrée à l'un de ses films juste après son Mouse
Hunt
datant de 1997, Gore Verbinski prouve que l'argent ne constitue pas
l'essentiel d'un long-métrage et que sans le talent de son écriture
(ici, l’œuvre du scénariste et romancier Justin Haythe), de sa mise
en scène ou de son interprétation, un film reposerait sur des bases
manquant d'aplomb.
Si
le récit de A Cure for
Wellness n'entretient
que de lointains rapports avec le Shutter
Island
de Martin Scorsese, il paraît cependant évident d'en établir une
certaine comparaison. D'un point de vue esthétique tout d'abord
puisque les deux oeuvres se rejoignent sensiblement sur ce point,
mais aussi en terme de narration. D'un côté comme de l'autre, elles
opposent deux individus enquêtant sur la recherche de patients ayant
respectivement disparu. Deux trames qui vont opposer ces héros
ordinaires (d'un côté le marshal Teddy Daniels, incarné par
l'acteur Leonardo DiCaprio, de l'autre le jeune cadre ambitieux
Lockhart interprété par Dane DeHaan) non seulement à la recherche
de la vérité mais également les pousser malgré eux à une
certaine forme d'introspection.
A Cure for Wellness
est une œuvre ambitieuse de presque deux heure-trente magnifiée par
la superbe photographie du directeur de la photographie monténégrin
Bojan
Bazelli
et par l'exceptionnel site qui ouvrit ses portes à l'occasion du
tournage: le Château de Hohenzollern, fief ancestral de la famille
royale et impériale du même nom. Une ambition qui malheureusement,
finira par s'étioler à force de durer au delà du raisonnable. Des
cent-quarante six minutes que dure le long-métrage de Gore
Verbinski, le cinéaste aurait dû le ''nettoyer'' d'une bonne
demi-heure. Celle qui justement clôt l’œuvre en prenant des airs de
grand-guignol explicatif à l'attention d'un public sans doute jugé
d'insuffisamment instruit pour s'être déjà fait une opinion sur
les tenants et les aboutissants de cette histoire qui, en revanche,
débute sous les meilleurs augures.
Alors
que j'étais déjà personnellement près à l'identifier comme un
étant un excellent prétendant au titre de ''Shining
des années 2010'',
A Cure for Wellness
a sans doute tenu la route pendant une bonne partie de l'intrigue,
mais est malheureusement retombé à travers une dernière demi-heure
que le cinéaste s'est sans doute senti obligé de transformer en un
banal récit. Une histoire mêlant le Prométhée moderne de Mary
Shelley à une certaine forme de vampirisme moderne sans croix, ni
ail ni dents longues. Les seules dents longues que vous trouverez
dans A Cure for Wellness
sont d'ailleurs celles du héros impeccablement incarné par l'acteur
américain Dane DeHaan dont la vague ressemblance avec son homologue
Leonardo DiCaprio aurait presque été gênante si le jeune
interprète originaire d'Allentown en Pennsylvanie n'avait fait
preuve d'un talent exceptionnel.
Dans
la peau de l'arriviste Lockhart, l'humeur de l'acteur et surtout, son
apparence, changent à mesure que son personnage intègre
consciemment les activités sous-jacentes que mène Volmer, le
directeur d'un centre de remise en forme prisé de riches et vieux
milliardaires. Un Volmer incarné par l'acteur et producteur
britannique Jason Isaacs qui endosse à l'occasion, le costume et
l'attitude d'un ersatz du Josef Mengele de triste mémoire. Du moins,
c'est ce que laissent supposer certains détails. Des indices que le
cinéaste s'amuse à faire sauter en éclats pour mieux divertir le
spectateur et l'emmener vers de multiples voies qui mènent
finalement toutes à des incertitudes jusqu'à ce qu'enfin nous soit
révélée la terrible vérité.
A
vrai dire, le sujet n'est pas nouveau. A titre d'exemple, il
suffirait juste d'évoquer le classieux The
Hunger
de Tony Scott avec Catherine Deneuve et David Bowie sorti
trente-quatre ans plus tôt pour s'en convaincre. Cependant, le
traitement que fait Gore Verbinski de son sujet attire l'attention de
l'amateur de thrillers mâtinés d'épouvante. Car dans ce dédale de
pièces qui ne mènent parfois que dans des culs de sac, dans ces
profondeurs abyssales où sont menées des recherches sur ce symbole
qu'il est devenu commun de nommer sous le terme de ''Fontaine
de Jouvence'',
l'auteur de The
Ring
sait y faire pour s'attirer les faveurs des amateurs de frissons. Et
ce, que grâce lui soit rendu, sans qu'à aucun moment il n'ait eu
recours à la méthode du ''Jump
Scare''
qui de toute manière n'a plus aucun effet depuis des années. Gore
Verbinski évoque surtout l'idée selon laquelle aucune voie de
secours n'est possible. Entre les charges, les responsabilités
professionnelles pesantes du héros travaillant à New York, et le
village absolument terrifiant, seul refuge possible mais non dénué
de danger (la totalité des habitants semble atteinte de
consanguinité. En bref, des ''rednecks''
à la sauce suisse-allemande), tout semble le ramener à son point de
départ. Cette dévoreuse implacable, cette remarquable batisse qui
fut le théâtre, jadis, d'un événement que l'on relate encore de
nos jours entre les murs de cette prison dorée.
Beau
comme un ancien modèle de voiture toute en courbes élégantes. Mise
en scène, cadrage, décors, lumière et montage remarquables.
Interprétation au cordeau. Sublime partition musicale du compositeur
britannique Benjamin Wallfisch (la berçeuse est furieusement entêtante)... Tout aurait dû faire de A
Cure for Wellness,
l'un des plus importants films d'épouvante des années 2010.
Pourtant, ce n'est qu'à quelques pas de la ligne d'arrivée que le château de carte finit par s'écrouler sous le poids explicatif de
son auteur. Dans d'autres circonstances, le spectateur aurait pu
louer cette volonté de la part de Gore Verbinski de vouloir faire
durer le plaisir de manière paroxystique, mais à vouloir trop en
faire, c'est l'effet inverse qui se produit et le spectateur finit
par ne plus espérer que l'arrivée du générique de fin. A voir
tout de même pour son énorme potentiel et surtout pour ses...
disons.... cent première minutes...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire