Le
"bad lieutenant" d'Abe ferrara est un flic passionné de
base-Ball, qui parie l'argent de son bookmaker sans compter, sur des
matchs qu'il perd systématiquement et qui font de lui un homme de
dettes de jeu qui n'arrive jamais à rembourser. Alors il joue,
encore et encore, des sommes toujours plus élevées, le condamnant
ainsi à devoir être sur ses gardes lorsqu'il est sommé par celui
qui lui avance les fonds de le rembourser au plus vite. Il risque sa
vie à chaque coin de rue d'autant qu'il pousse ses collègues
policiers, qui n'ont pour lui que peu de respect, à miser sur des
matchs perdus d'avance.
Le
"bad lieutenant", c'est aussi et surtout ce policier
corrompu qui règle les petites affaires de quartier par la voie du
fric qu'il récupère dans la poche des petits voyous qui viennent
tout juste de braquer un petit épicier et qu'il garde pour lui au
lieu de le rendre à son propriétaire. C'est aussi celui qui
régulièrement se rends chez une amie toxicomane afin de se donner à
sa principale passion: la drogue.Dans de longs plans-séquences on
assiste à la déchéance d'un homme qui peu à peu s'enfonce dans
l'univers morbide et crapoteux de la toxicomanie et qui s'échappe
des réalités de la vie pour ne plus vivre que par et pour lui-même.
Les mortelles fumées qu'il inspire à travers un tube d'aluminium le
rendent incontrôlable et dangereux non seulement pour ceux qui
l'entourent mais aussi et surtout pour lui-même.
Une
affaire pourtant va peut-être lui permettre de remettre un peu
d'ordre dans sa vie. Une jeune nonne s'est faite violer par deux
jeunes voyous qui ont réussi à s'enfuir. Le "bad lieutenant",
chargé de l'enquête, va se faire un devoir de résoudre cette
affaire. D'un tempérament odieux, il semble être touché par cette
mission qui lui est confiée et lors de laquelle, dans la chapelle ou
a eu lieu le viol, il rencontrera même le Christ lors d'une scène
totalement hallucinatoire. Les événements se précipitent au fur et
à mesure que l'intrigue évolue et on finit par se demander si la
rédemption liée à l'enquête sur le viol de la jeune nonne et à
laquelle il semble être attaché va le sauver ou si ses différentes
transgressions dans sa vie de flic corrompu finiront par le mener
jusqu'à sa propre mort...
En
y repensant rétrospectivement, imaginer un acteur comme Alain Delon
interpréter ce flic pourri à l'écran lors des années quatre-vingt
aurait été impensable. Celui de Ferrara est corrompu, drogué et
violent. Lui qui est censé protéger la société dans laquelle il
vit montre ce qu'elle a de plus pernicieux. Dès les premiers
instants on se rends compte que ce personnage étoilé n'a rien du
quelconque policier habituellement rencontré dans les rues d'une
ville de la taille de New-York. On le surprends tout à fait
inconscient de ce qui l'entoure, ne jetant qu'un regard distrait,
voire totalement désintéressé aux scènes de crimes sur lesquelles
il se rend. Il l'a recherche peut-être pourtant cette vie idéale,
et qui peut-être est celle qui la poussé un jour à entrer dans la
police. La seule qui finalement l'ai accueillie à bras ouverts,
c'est celle, artificielle, des drogues dures. Abel Ferrara ne se
moque de personne et rend son flic dépendant à la pire de toutes :
le crack.
Sous
l'emprise des cristaux, le "Bad Lieutenant" ressemble au
personnage en couleurs se promenant au fil d'un décor en noir et
blanc qui le restera jusqu'au moment ou il devra rendre des comptes à
ses futurs bourreaux ainsi qu'à dieu lui-même. La drogue va de
paire avec le sexe et alors que l'extase se fait attendre, on assiste
à la descente aux enfers d'un homme qui finalement ne cherche ni le
plaisir charnel ni le plaisir psychique mais plutôt un moyen radical
d'échapper au monde qui l'entoure. Un univers qui finalement finira
par l'absorber faisant de lui l'un des pions d'un monde qu'il
renie.
Abel Ferrara n'avait jamais été auparavant aussi loin dans la description d'une Amérique malade et corrompue. Alors que son "Ange De La Vengeance" se permettait de faire justice elle-même en tuant à tours de bras le sexe fort après avoir subit deux viols consécutifs et que son "King of New-York" ambitionnait de devenir simplement le maître incontesté et redouté de la ville de New-York et de son trafic de drogue, son "Bad Lieutenant" n'a lui d'autre ambition que de survivre dans un monde qu'il rêvait autrement. Harvey Keitel est incroyable de réalisme et on le sent souffrir dans son interprétation d'autant plus qu'il semble réellement habiter son personnage. La visions de Zoe Lund en toxicomane est un choc pour tout ceux qui l'ont connue à travers "L'Ange De La Vengeance". Elle qui était si belle avec son visage angélique n'est dans "Bad Lieutenant" que l'ombre d'elle-même. Car si Harvey Keitel ne se drogue que de façon fictive dans le film, Zoe elle, s'est perdue dans les affres de la drogue et à même finit par en mourir en 1997 d'un arrêt cardiaque.
Un
film coup de poing qui sonne presque le glas d'une carrière
exceptionnelle puisque Ferrara ne
parviendra plus a réaliser de film de cette trempe.
Culte !
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