Lorsque
l'on a un père aussi con que le sien, on comprend que le gamin de
l'intro ait envie d'échapper aux punition d'un géniteur qui ne jure
que par la bière et les magasines pornographiques. Quand à la mère,
elle a le courage de ces femmes battues qui se résignent à
s'écraser devant les vociférations de maris autoritaires qui ne
leur laissent en général que le droit de raccommoder leurs
pantalons en jeans. La progéniture se rebelle, prend une gifle et
voit sa lecture préférée finir à a poubelle. "Qu'il aille
pourrir en Enfer" murmure l'enfant à l'attention d'un père qui
s'en est allé se rafraichir le gosier dans le salon. L'avorton
aurait-il pu imaginer voir débarquer alors devant la fenêtre de sa
chambre la goule qui orne habituellement la couverture de son comics
préféré? La présence de celle-ci sonne comme une invitation au
pays des rêves macabres qui pullulent dans chacune des pages de
"Creepshow", la fameuse bande-dessinée responsable du
drame familial. C'est ainsi que s'ouvre le film, nous entrainant dans
cinq histoires horrifiques mises en scène par le grand maitre George
A. Romero ("Dawn Of The Dead").
Father's
Day,
le premier segment, nous entraine dans la demeure d'un richissime
vieillard mort sous les coups de cendriers assenés par sa fille
Bedelia sept ans plus tôt. En effet, ce père particulièrement
jaloux des rapports qu'entretenait sa fille avec un homme de
soixante-quinze ans fit tuer ce dernier lors d'une partie de chasse.
Vengeant la mort de son bien aimé en tuant son géniteur, Bedelia
célèbre depuis chaque année la fête des pères en réunissant
autour d'elle ses deux neveux. Elle qui d'habitude est d'une
exactitude exemplaire se fait désirer. Alors qu'elle arrive aux
abords de la grande maison familiale, elle choisit de passer devant
le cimetière afin de rendre visite à son père . Ce dernier,
revanchard, ne trouve rien de mieux que de sortir de sa tombe afin de
souhaiter à sa manière la fête des pères. C'est ainsi que,
décharné, il va éliminer tour à tour les membres de sa famille
jusqu'à obtenir le gâteau qu'il désira le jour même de sa mort...
Des cinq chapitres de Creepshow,
celui-ci apparaît comme le plus faible. Si l'idée délirante du
retour d'un vieil acariâtre apparaît comme une solution efficace
aux projets de vengeance qu'il murit depuis sept ans dans sa tombe,
l'aspect humoristique sonne relativement plat et les effets-spéciaux
n'ont pour l'instant rien d'exceptionnel.
A
propos d'humour, le second segment titré The
Lonesome Death Of Jordy Verrill
apparaît comme une bien meilleure alternative. Interprété par
l'immense Stephen King (auteur du scénario basé sur son recueil de
nouvelles The
Crate And Weeds),
ce chapitre voit un bouseux être témoin de la chute d'un météore
dans son jardin. Le pauvre bougre imagine devenir riche à l'idée de
vendre le précieux objet à la science mais en tentant de refroidir
le rocher fumant, ce dernier se brise en deux et laisse échapper une
curieuse substance bleutée que Jordy Verrill aura la malencontreuse
idée de toucher du bout des doigts. S'en suit alors une très
étrange modification physique du bonhomme qui se transforme
littéralement en plante verte. Stephen King est irrésistible dans
ce rôle de doux dingue en salopette. On entre véritablement dans le
principe à partir de ce récit court mais efficace. Au dela de
l'humour, et ce malgré la durée du chapitre, un certain suspens
arrive même à s'imposer. Un très bon épisode que l'on se régale
de revoir.
Avec
Something
To Tide You Over,
on change ici littéralement de décor pour aborder une vengeance
totalement différente du premier segment. Ici, il est question
d'adultère. Richard Vickers (l'excellent Leslie Nielsen) sait
pertinemment que sa femme Becky le trompe avec un certain Harry
Wentworth (Ted Danson). C'est donc avec un plaisir certain que cet
amateur de vidéo imagine une vengeance à la hauteur de l'affront.
Piégeant l'amant de sa femme en lui affirmant que si celui-ci ne
fait pas exactement ce qu'il lui demande Becky trouvera la mort,
Harry accepte de suivre Richard jusqu'à une plage lui appartenant et
de se laisser enterrer jusqu'au cou dans le sable. Branchant alors un
téléviseur à l'attention de sa victime, Richard propose avec une
certaine délectation de faire découvrir à Harry le sort qu'il a
décidé de lui faire subir et qui déjà, est en train d'emporter
Becky.
En effet, les images que diffuse en direct le poste de
télévision montrent Becky subissant le même sort que son amant.
Mais enterrée un peu plus bas sur la plage, elle commence à
ressentir les effets de la marée montante... Avec cet épisode, on
change radicalement d'univers et surtout, d'ambiance. Un certain
malaise s'installe lorsque Richard, de retour chez lui, assiste à la
lente agonie de sa femme et de son amant grâce aux caméras qu'il a
directement branché devant ses victimes enterrée sur la plage.
Lui-même semble se rendre compte de toute l'horreur de son acte
durant un instant. Ce qui n'aurait pu être qu'une simple histoire de
vengeance se transforme alors en une représaille inattendue de la
part des victimes du bourreaux. Un excellent épisode donc,
interprété par un Leslie Nielsen étonnant.
The
Crate.
Lorsqu'une caisse vieille de plus d'un siècle et demi est découverte
par Mike, un employé d'une université, c'est l'excitation chez le
professeur Dexter Stanley. Sauf qu'au moment d'ouvrir le précieux
objet, rien ne se passe comme prévu. Enfermée à l'intérieur
depuis de très nombreuses années, une bestiole choisit de se
dégourdir la mâchoire en dévorant le pauvre Mike. Faisant par de
sa découverte à son ami le professeur Henry Northrup, ce dernier
imagine alors un plan pour se débarrasser de son encombrante épouse,
la détestable Wilma que tous ses amants surnomment "Billie".
Loin
d'être le plus mauvais segment du film, cet épisode demeure
néanmoins assez faible en comparaison des deux qui le précèdent.
La talentueuse Adrienne Barbeaux (New-York
1997)
en fait voir de toutes les couleurs à son dégonflé de mari (Hal
Holbrook) qui trouve enfin le moyen de se venger et de trouver le
courage de se débarrasser d'une femme pour laquelle il ne ressent
plus rien. La créature ressemble à une marionnette du muppet Show
qui aurait été atteinte par les radiations de Tchernobyl. Ce n'est
qu'une poupée nantie d'une rangée de dents immenses et acérées.
Peu effrayante donc mais comme Creepshow
est avant tout un recueil de courts-métrages
horrifico-humoristiques, on pardonne le peu de crédibilité de la
bête.
They're
Creeping Up On You
diffère des autres épisodes en ce sens où il paraît être situé
dans un lieu et dans un temps indéfinis avec pour unique décor un
appartement d'une blancheur et d'une propreté maladive. D'ailleurs,
Upson Pratt, ce vieil excentrique qui en fait voir de toutes les
couleurs à ses employés, il apparaît comme un être détestable
qui ne supporte pas la présence de cafards chez lui. Et pourtant,
ces derniers vont l'envahir au point que la bombe qu'il utilise
habituellement afin de se débarrasser de ses gênants visiteurs
n'aura plus la moindre efficacité. Interprété par E.G. Marshall,
ce segment joue sur la peur des insectes rampants d'autant plus que
le contraste entre l'appartement au teintes monochrome et ces
horrible petites bêtes accentue le malaise. Au départ deux ou trois
spécimens osent s'approcher de l'ignoble individu qui demeure dans
cet appartement aseptisé. Mais lorsque l'invasion est lancée, ce ne
sont plus quelques cafards qui le provoquent mais bien des dizaines
de milliers de ces créatures. Le court-métrage se termine en
apothéose sanguinaire qui voit un être indigne de faire partie des
nôtres être digéré par une armée de cafards venus venger leur
semblables tombés sur le champ de bataille. Marshall est somptueux
dans toute sa méchanceté et l'ambiance cafardeuse et clinique du
décor apporte un sentiment curieux qui mêle l'angoisse à une
certaine forme de claustrophobie.
Réalisé
par l'illustre George A. Romero, Creepshow
se révèle donc un excellent film à sketches scénarisé par le non
moins célèbre Stephen King, l'un des auteurs fantastiques les plus
lus dans le monde. Tentant avec succès de reproduire l'ambiance des
comics horrifiques américains, certaines scène sont mises en scène
de manière à leur donner l'apparence de planches dessinée mues par
une certaine forme de vie propre. Un peu comme ces mangas-live nés
des mangas japonais. Les effets-spéciaux signés Tom Savini, s'ils
ne font pas partie des meilleurs qu'il ait conçu pour le cinéma
d'horreur, conservent tout de même une bonne tenue. A voir, et à
revoir donc...
Mais
au fait, qu'arrive-t-il donc au jeune Billy? Vous savez, le jeune
enfant qui s'est fait rosser par son père au tout début du film.
Pour le savoir, il suffit de jeter un œil à ce Creepshow
d'anthologie.
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