Annoncé en générique
de fin comme l'un des volets du cycle ''Contes de l'âge d'or'',
le scénario de la palme d'or du festival de Cannes 2007 n'aurait
sans doute pas fait tâche au milieu des Conte de la Folie
Ordinaire de l'écrivain
américain Charles Bukowski. 4 luni, 3 săptămâni și
2 zile (4 mois, 3 semaines, 2 jours) arborait
déjà chez le réalisateur, scénariste et producteur roumain
Cristian Mungiu, une volonté farouche de filmer un sujet aussi cru
que réaliste. Dérangeant et austère. Tout comme cela sera le cas
cinq ans plus tard avec le formidable După
dealuri
(Au-delà des Collines).
Pour l'heure, la mystérieuse signification qui entoure le titre de
ce long-métrage se situant à l'époque où régnait le despote
Nicolae Ceaușescu qui fut exécuté auprès de son épouse quelques
années plus tard reste une énigme. C'est dans ce contexte où le régime a été
durci depuis bien des années que l'on fait la connaissance de Otilia
et Găbița. Deux jeunes étudiantes roumaines qui partagent la même
chambre dans un foyer universitaire.
Cristian
Mungiu nous convie à partager l'existence de ces deux jeunes femmes
sur une échelle de temps assez courte puisque moins de vingt-quatre
heures se seront écoulées avant que le générique de fin ne
survienne dans un silence respectant avec une infinie pudeur le drame
auquel le spectateur aura été convié durant un peu plus de
quatre-vingt dix minutes. Le cinéaste oppose au régime en place, la
prise de position de ces deux jeunes femmes qui vont lutter ensemble
pour que l'une d'elles puisse se débarrasser de l'enfant qu'elle
porte malgré les risques qu'elle et son amie encourent. Cristian
Mungiu met en place tous les dispositifs nécessaires à l'avortement
de Găbița (Laura Vasiliu), qui en est donc à son quatrième mois
environ de grossesse (d'où le titre du long-métrage). Réservation
d'une chambre d'hôtel afin de pratiquer l'avortement à l'abri des
regards curieux qui pourraient se poser sur l'adolescente et
rendez-vous avec l'avorteur Domnu' Bebe (l'acteur Vlad Ivanov). Bien
que Găbița soit enceinte, c'est en fait son amie et colocataire
Otilia qui demeure la véritable héroîne du film. Merveilleusement
incarnée par Anamaria Marinca (qui depuis a tourné auprès de
Francis Ford Coppola, Julie Delpy ou encore Ruppert Sanders), c'est
bien l'actrice roumaine et son personnage qui portent sur leurs
frêles épaules ce drame authentiquement poignant dans lequel, on le
réalise, même les proches sont incapables de comprendre ou
d'intervenir dans ce genre de situation.
Le
cinéaste oppose en parallèle l'anniversaire de la belle-mère
d'Otilia auquel la jeune femme est conviée (et même carrément
contrainte par son petit ami), créant ainsi une tension
insupportable puisque dès lors, Cristian Mungiu abandonne l'autre
héroïne de 4 luni, 3 săptămâni și 2 zile,
celle-là même autour de laquelle s'articule normalement le récit.
Le spectateur est alors pris à témoin des angoisses qui nouent les
tripes d'une Otilia qui n'est présente à l'anniversaire que sur un
plan strictement physique. Le cinéma de Cristian Mungiu n'étant
jamais gratuit, il ne verse pas ici dans le grand-guignol ou le
morbide dans lesquels il serait si facile de se laisser aller. Le
roumain n'a d'autre ambition que de raconter un quotidien que
certaines, malheureusement, vivent sans doute encore de nos jours. Si
4 luni, 3 săptămâni și 2 zile
est un conte pour adulte, il ne peut en revanche s'envisager comme un
message d'espoir... Plutôt comme un message d'alerte qui n'impose
aucun point de vue personnel.
Certaines
séquences s'avèrent cruelles et toucheront peut-être même
davantage encore le public féminin, touché dans ses propres
entrailles dans cette histoire que d'aucun pourrait juger
d'exhibitionniste mais qui s'avère en fait être davantage un
document qu'une œuvre ouvertement offensante. À noter que le
traitement de ce sujet hautement ''radioactif''
a provoqué un tollé qui s'est étendu bien au delà des frontières
virtuelles de la Roumanie puisque même en France, certains ont tenté
de faire interdire la sortie du film en DVD alors même qu'il
s'agit sans doute de l'un des plus formidables témoignages de
tolérance envers la femme roumaine, détentrice de ses propres choix
personnels. Quoi qu'il en soit, 4 luni, 3 săptămâni
și 2 zile
reste un grand film, sensible, respectueux, émouvant et parfois
terrible. À ranger notamment aux côtés de l'excellent Lilya
4-ever
du cinéaste suédois Lukas Moodysson sorti en 2002...
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