Ahhhhh les années
quatre-vingt. Riche décennie qui vit émerger chez nous le duo Début
de soirée,
Jean-Pierre Mader, Rose Laurens, Jeanne Mas, Julie Piétri, Images,
Gold
et tant d'autres artistes tandis que de l'autre côté de La Manche,
Depeche Mode
et The Cure
commençaient déjà à faire partie de ceux qui allaient
révolutionner le monde de la pop-music avec, d'un côté, la New
Wave
et de l'autre, la
Cold Wave.
En 1983, tandis que les professeurs de français se succédaient à
mon chevet pour tenter de m'imposer la littérature classique
française, je découvrais tardivement Stephen King et dévorais
presque littéralement Simetierre
avant de rattraper mon retard en me procurant tout ce qu'il avait
écrit jusque là. Riches, oui, furent les années quatre-vingt. Et
peut-être même davantage en matière de cinéma puisque énumérer
les œuvres qui depuis sont devenues des classiques ou mieux, des
films cultes reviendrait à abandonner sa propre existence pour
plusieurs jours le temps de dresser une liste véritablement
exhaustive des œuvres qui marquèrent notre jeunesse. Pauvres
adolescents d'aujourd'hui, nourris aux Smartphones, aux réseaux
sociaux et aux blockbusters super-héroïques... S'il savaient à
côté de quoi ils sont passés, ils feraient un procès à leur
géniteurs pour ne pas avoir été conçus des décennies en arrière.
Parce que les années quatre-vingt, ça ne fut pas qu'une question
d'art qu'il s'agisse du quatrième, du cinquième ou du septième
évoqués ici. Ce fut aussi et surtout, une ambiance et une
philosophie de vie qui sont l'une et l'autre parties depuis en fumée.
Si aujourd'hui entrer dans une salle de cinéma ressemble à un
voyage dans le désert du Sahara tant l'on se sent dans un cas comme
dans l'autre terriblement seul, à l'époque, c'était autre chose.
Pas de pouffe explorant les réseaux sociaux durant la projection ou
de groupes d'attardés parlant plus fort que les personnages à
l'écran mais des salles bien remplies. Et encore fallait-il tout de
même bien choisir le cinéma et la séance pour quiconque ne
supportait pas le moindre souffle sur sa nuque (Parole de
sociopathe!). David Lynch, David Cronenberg, John
McTiernan, James Cameron, John Carpenter Arnold Schwarzenegger, Bruce
Willis, etc...
Des noms qui d'un côté
attiraient ceux qui aimaient qu'on leur triture les méninges et de
l'autre, sans doute les plus nombreux, qui vouaient une passion pour
l'action, le fantastique, la science-fiction ou l'horreur ! Un
cinéma qui à l'époque semblait nettement plus procédurier que de
nos jours puisque je me souviendrais toujours qu'au guichet d'un
cinéma parisien l'on m'avait interdit l'accès à la salle projetant
The Last Horror Film
de David Winters avec le mythique couple Caroline Munroe/Joe Spinell
que l'on retrouvait deux ans après le film culte de William Lustig,
Maniac !
Un cinéma beaucoup moins populaire que ne le fut celui de Steven
Spielberg, Joe Dante ou... John Landis dont il est question ici. Ces
trois se retrouvèrent d'ailleurs cette même année aux commandes de
l'anthologie Twilight Zone: The Movie
en compagnie de l'australien George Miller (la franchise Mad
Max).
John Landis, donc. Le genre de réalisateur à la carrière
absolument exemplaire. Mais si j'avoue ne pas connaître sa
filmographie par cœur, sont demeurées dans mes souvenirs quelques
œuvres parmi les plus formidablement cultes qui soient. The
Blues Brothers
en 1980, Un prince à New York
sept ans plus tard et entre les deux, Trading
Places
qui chez nous vit le jour sous le titre, Un
fauteuil pour deux.
Lequel était incarné par au moins trois acteurs parmi les plus
''addictifs'' de cette époque malheureusement révolue. Dan Aykroyd
que l'on retrouvera notamment l'année suivante dans le premier volet
de la franchise Ghostbusters
dans le rôle du Dr Raymond Stantz et acteur fidèle de John Landis
puisqu'avant cela il interpréta l'un des deux principaux rôles de
The Blues Brothers
avant de réapparaître dans Twilight Zone: The
Movie ou
dans Into the Night
(Série noire pour une nuit blanche).
À ses côtés, Eddie Murphy que je ne ferai l'insulte à personne de
présenter. Véritable star qui enchaîne alors les gros succès en
salle, tels 48h
de Walter Hill en 1982 ou Le flic de Beverly
Hills
de Martin Brest en 1984 mais qui fera l'erreur de réaliser lui-même
l'épouvantable Les nuits de Harlem
(seule occasion qui m'ait été donnée de quitter la séance bien
avant la fin).
Pour
la touche féminine, nous retrouvons Jamie Lee Curtis, fille des
stars du cinéma Janet Leigh et Tony Curtis et que John Carpenter
lança en 1978 sur les rails du cinéma avec Halloween
après
quelques passages à la télévision (et notamment dans l'épisode
numéro trois de la sixième saison de Columbo
intitulé The Bye-Bye Sky High I.Q. Murder Case
(Les
surdoués)).
Un fauteuil pour deux
est la rencontre relativement brutale de deux hommes et de deux
univers diamétralement opposés. D'un côté, la rue. Celle du
clochard Billy Ray Valentine. Un individu particulièrement
prédisposé à la fourberie qui un jour croise la route de Louis
Winthorpe III, directeur général de la société de courtage
Duke & Duke Commodity Brokers et dont
les frères et supérieurs hiérarchiques Mortimer et Randolph Duke
vont se servir lors d'un pari parfaitement insensé : en effet,
Louis (Dan Aykroyd) va se retrouver déchu de ses fonctions tandis
que Billy Ray (Eddie Murphy) prendra sa place au sein de la société.
Et ce, pour des raisons clairement invoquées par les deux frères
comme les spectateurs auront l'occasion de le découvrir. Un
fauteuil pour deux
est un concentré de bonheur. Une œuvre à la puissance comique
rarement égalée et un concept parfaitement intégré. Sur la base
d'un scénario écrit par Timothy Harris et Herschel Weingrod, John
Landis signe une œuvre à l'attention du grand public, jamais
méchante malgré la cruauté dont est victime l'ancien directeur
général de la part des frères Duke. Redécouvrir Un
fauteuil pour deux
aujourd'hui, c'est constater combien le genre s'est appauvri même si
quelques miracles ont parfois lieu. L'action se situant à
Philadelphie, le long-métrage de John Landis est une véritable
carte postale des lieux tels qu'ils étaient représentés à
l'époque. Une véritable fourmilière avec ses commerces, son métro,
ses gosses qui jouent dans les rues des quartiers pauvres, ses SDF,
mais aussi ses lieux chics et celles et ceux qui font ''tourner la
boutique''.
Un fauteuil pour
deux
n'est pas qu'un long échange entre deux formidable acteurs sur la
base de dialogues certes finement ciselés (notons en outre la
présence de Ralph Bellamy et Don Ameche dans les rôles des frères
Randolphe et Mortimer Duke, de Denholm Elliot dans celui du majordome
Coleman ainsi que celle de la sexy Jamie Lee Curtis dans celui de la
prostituée Ophelia) mais dresse également le portrait de deux
mondes plus ou moins retranchés dans leurs fondations. Jusqu'à ce
qu'interviennent nos deux scénaristes qui imaginent alors que d'un
simple geste le monde peut, d'un côté, littéralement vaciller et
de l'autre, donner à un ''invisible'', toutes ses chances de
remonter la pente. Alors, fiction ou réalité ? Que l'on soit
du côté de l'ancien directeur général ou du nouveau, il est
étonnant (amusant?) de voir combien les personnalités des deux
héros restent telles qu'elles furent jusque là quelle que soit leur
nouvelle condition. John Landis semble vouloir s'en tenir aux
personnalités originelles de l'un et de l'autre. Billy Ray
personnifiant la bienveillance tandis que Louis, lui, demeure en
partie l'être ''hostile'' qu'il semble avoir toujours été. Et
pourtant aussi différents que soient l'un et l'autre, Un
fauteuil pour deux
délivre un message plutôt optimiste selon lequel, dans l'adversité,
il est capable de concevoir que deux hommes qui n'ont aucune chance
d'être proches peuvent s'allier face à deux vils représentants de
la Haute Société afin qu'éclate la vérité. Le film témoigne
également d'une certitude : qu'il est bien plus aisé de
s'acclimater à sa condition de nouveau riche que de survivre en tant
que nouveau mendiant. Le long-métrage de John Landis se positionne
lors de sa sortie en bonne place puisqu'il sera le quatrième plus
gros succès de l'année 1983 sur le territoire américain, derrière
l'épisode 6 de Star Wars,
l'excellent Tendres passions
et le film musical Flashdance
mais également devant Wargames,
le James Bond Octopussy,
le génial Scarface
de Brian De Palma
ou les séquelles Superman 3,
Les dents de la mer 3
et Psychose 2.
Financé à hauteur de quinze millions de dollars, le film en
rapportera le sextuple avec pas moins de quatre-vingt dix millions
engrangés...
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