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samedi 10 novembre 2018

Soirée Courts-Métrages




Soirée un peu particulière hier à partir de 21h00 puisqu'uniquement consacrée au format court. Douze courts-métrages plus ou moins réussis, avec quelques courts-métrages anecdotiques et d'autres, au contraire, carrément réjouissant. La soirée à débuté avec Pièce Rapportée de Carine May et Hakim Zouhani, ou comment assurer la cohésion familiale lorsque l'un de ses membres est enfermé en prison depuis de nombreuses années. Nous sommes en 2050 et Kamel sort enfin de prison après avoir purgé une peine de vingt-six ans. Le monde autour de lui a bien changé et chez son fils, sa belle-fille et leur gamine qui l'accueillent à bras ouverts s'est imposé un nouveau membre : un androïde, parfaite réplique de Kamel. Pièce Rapportée est une dystopie dans laquelle la vie de chacun est régie selon des codes (une voix annonce à tous les mesures à prendre dans la journée) dans un milieu qui rappelle des quartiers sensibles remis au goût du jour (les tours HLM version 2050 arborent d’étranges silhouettes). Si le sujet est intéressant, il manque cependant de profondeur et malgré sa durée d'un quart-d'heure se révèle au final assez ennuyeux. Tout comme La Peur du Vide de Thomas Soulignac qui s'offre tout de même les services de l'actrice espagnole Carmen Maura (La Communidad), enfermée dans un appartement dominé par un impressionnant tas de détritus qui semble mu par une existence propre. Pas vraiment clair, le récit nous mène sur un chemin qu'il est difficile d'identifier. Tout au plus verrons-nous dans ce récit finalement assez plat, le portrait sinistre d'une vieille dame obsédée par le vide (le tas de détritus semble en effet volontairement boucher la seule vue en hauteur de l'appartement de la propriétaire), mais surtout, une courte chronique sur la solitude et la vieillesse menant à une certaine forme de psychose.

Les onze minutes de Welcome Home Allen proposent quant à elles un contenu totalement différent, du moins, beaucoup plus ouvert puisqu'il met en scène quatre homme (des vikings?) de retour chez eux après avoir accompli une mission durant laquelle ils ont perdu l'un des leurs. L'un des principaux atouts du court-métrage de Andrew Kavanagh demeure dans le contraste entre ces individus provenant d'une époque qui semble n'avoir rien de commun avec le monde qui les entoure. J'en veux pour preuve la petite embarcation à moteur, ou plus encore le minuscule village constitué de mobile-homes. Un voyage dans le temps intriguant et non dénué d'intérêt, entre Le Guerrier Silencieux de Nicolas Winding Refn et Coin Coin et les Z'Inhumains de Bruno Dumont. Étonnant. La soirée se poursuit donc dans de meilleures conditions. Ce que tente à prouver Le Prix à Payer du sud-coréen Lee Chung-Hyun. La rencontre entre une gamine de dix-huit ans qui accepte d'offrir sa virginité à un type exclusivement attiré par les jeune fille mineures, contre la somme de mille dollars. Assez cru, ce court de quatorze minutes réserve une surprise aussi dérangeante qu'inattendue servant de morale à un sujet plutôt délicat et osé à aborder. 
L'une des excellentes surprises de cette soirée nous venait de Belgique. Rappelant l'un des fameux épisodes de la série de science-fiction The Twilight Zone sans forcément en reprendre l'élément fantastique, Le Monde à l'Envers évoque un monde dans lequel la normalité est conçue de manière différente de la notre. Peter Ghesquière imagine en effet un univers dans lequel la trisomie est la norme et l'homme tel qu'il est idéalement représenté chez nous est une tare. Poétique, Le Monde à l'Envers est également assez touchant, presque exclusivement interprété par des acteurs atteints de trisomie 21 (l'auteur jouant avec humour sur l'absence d'un chromosome chez le fils du couple pour expliquer sa déficience). Le court-métrage de Peter Ghesquière est surtout l'occasion de contempler une œuvre à l’esthétisme irréprochable rappelant fortement les œuvres (d'art) de Roy Andersson (Sånger Från Andra Våningen).



A la suite de ce joli moment de tendresse, passage vers la caisse d'un supermarché où le cent-millième client se voit offrir l'opportunité de remplir gratuitement un caddy. Il a pour cela, droit à une minute seulement. Son épouse, qui a pour habitude de collecter tous les bons de réduction possible décide la veille d'entraîner son époux afin qu'il puisse optimiser la minute qu'il lui permettra dès le lendemain de remplir un caddy de marchandises gratuites. Mais rien ne va se passer comme prévu. Gratis de Merijn Scholte-Albers et Tobias Smeets est un pur moment de détente opposant une femme au caractère vénal à un époux subordonné. D'une duré de huit minutes seulement, ce court est l'occasion de mettre en avant certains des dysfonctionnements du couple bien que les auteurs aient choisi d'apporter une conclusion optimiste. La Tête des Autres de l'américain Stephen Winterhalter joue, lui, dans un registre plutôt macabre avec son assemblée de nantis assistant à des exécutions sommaires et sans procès. Un enchaînement de décapitations sans autre motivation que les joies du spectacle. Esthétiquement irréprochable, ce court de douze minutes pâtit surtout de son manque de profondeur en matière d'écriture. Si Stephen Winterhalter a su capter le visage de ses interprètes et l'incroyable décor qui les entoure, on est cependant déçu de n'y voir rien d'autre qu'une recherche esthétisante...



Direction la Suisse avec l'excellent Martien de Maxime Pillonel où le braquage d'une station-service ne va, bien entendu, pas se dérouler comme prévu. Entre spectacle déjanté à la Alex de la Iglesia et surréalisme, le spectateur navigue dans un univers abracadabrantesque dans lequel surnagent un sourd, un cul de jatte, un mongolien, et deux braqueurs amateurs. Simple, mais jouissif ! Totalement anecdotique mais heureusement, d'une très courte durée (2 minutes), Le Mariage de Ben et Chris Blaine oppose un couple à marier à plusieurs opposants au mariage lors de la cérémonie. De quoi souffler durant cent-vingt secondes avant l'excellent Kleptomaman de l'allemande Pola Beck où la mère d'un tout jeune enfant est surprise par le vigile d'un supermarché en train de voler dans les rayons. Pour se sortir de cette situation délicate, la jeune femme raconte au vigile médusé sa condition de mère, de la conception de son enfant, jusqu'à son accouchement. Enormissime court-métrage de huit minutes, Kleptomaman est sans aucun doute le meilleur court auquel nous avons assisté hier soir. Bourré d'humour, parfois osé, Pola Beck dresse le portrait d'une mère de famille qui pour s'en sortir ose énumérer tous les aspects négatifs que peut connaître une future maman. Inventif, délirant, superbement monté, Kleptomaman est un pur moment de bonheur cinéphilique. A voir absolument !!!

C'est autour de deux courts-métrages dont la thématique est sensiblement la même que nous avons terminé notre soirée. D'un côté, Le Syndrome de la Serrure de Jean-Baptiste Durand, de l'autre Goutte à Goutte d'Alexandre Gillet et Benjamin Pallier. Deux courts français qui se révéleront au final assez anecdotiques et tournant autour des toilettes. Dans le premier, une jeune femme pressée d'aller aux toilettes est dérangée par l'arrivée inopinée d'un étranger, dans le second, deux hommes que tout oppose se croisent dans un urinoir. Le premier est relativement classique, mais le second, lui, propose une conclusion originale mais absconse du fait que les interprètes soient assez mauvais. Une fin de soirée consacrée aux courts-métrages assez décevante mais qui ne nous fera pas oublier les quelques pépites que nous avons découvertes durant ces deux heures de programme. A réitérer le plus rapidement possible...

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