Lorsque David Cronenberg
choisi d'orienter son œuvre sous un angle où l'horreur, le
fantastique et l'épouvante n'ont plus vraiment droit de cité, il
n'en résulte pourtant pas des tentatives si éloignées de ses
travaux passés. Après avoir trituré les chairs dans tous les sens
jusqu'à l'ultime et brillante transformation de Seth Brundle en
mouche dans The Fly
en 1987, le rouge a peu à peu laissé placé au gris. Ou plutôt, à
la matière grise. C'est ainsi que sont nés une succession de chefs-d’œuvre dont le plus grand d'entre tous demeurera sans doute à
jamais l'extraordinaire Faux-Semblants
qu'il réalisera dès l'année suivant le succès de The
Fly.
Suivront Le Festin Nu,
M.Butterfly,
ou encore Crash.
En 2005, la voie du canadien semblait prendre une fois encore un
chemin différent en s'éloignant encore un peu plus du concept dont
il fit le point central de son œuvre avec A
History of Violence.
Désormais, plus de chairs modifiées par l'entremise d'expériences
génétiques, ni d'altérations psychologiques dues à des rapports
humains privilégiant le monopole ou la possession exclusive des
sentiments.
David
Cronenberg se serait-il définitivement débarrassé de ses
obsessions passées ? Pas vraiment. Car si l'on regarde en
profondeur cette histoire relevant désormais davantage du thriller
que du fantastique ou de l'épouvante, A History
of Violence ne
peut s'empêcher de cultiver une certaine ressemblance avec certaines
œuvres de David Cronenberg. Un long-métrage dont le scénario
aurait pu être embrassé par deux autres génies du septième art,
les frères Coen, mais que l'un des rois de l'horreur qui signa en
1976 l'un des maîtres-étalons de la contagion (Rage)
ou la sublime adaptation d'un roman de Stephen King en 1983 (The
Dead Zone)
réussit à intégrer à la perfection au reste de sa filmographie.
C'est
ainsi donc que le spectateur fait connaissance avec Tom Stall,
propriétaire d'un restaurant qui un soir fait preuve d'acte
d'héroïsme en tuant deux criminels avant que ceux-ci ne s'en
prennent à ses employés ainsi qu'aux clients. Considéré alors par
les habitants de Millbrook comme un héros, cet homme courageux
intéresse de très près les médias qui relèguent très rapidement
l'événement. Malheureusement, pour Tom, son épouse Edie et leurs
deux enfants Jack et Sarah, leur paisible existence va bientôt être
bouleversée par l'arrivée d'un certain Carl Fogarty (excellent Ed
Harris) qui affirme reconnaître en Tom un certain Joey Cusack qu'il
rend notamment responsable de son œil crevé il y a de cela
plusieurs années. Mais alors que Tom affirme ne pas être celui que
l'étranger dit être, les choses se corsent le jour où Fogarty
menace Tom de s'en prendre aux siens s'il n'accepte pas de retourner
avec lui à Philadelphie...
Voilà
donc pour ce début de récit. Un thriller somme toute plutôt calme
en apparence. Pourtant, et au delà des quelques envolées sanglantes
lors des règlements de compte, certains détails sauteront sans
doute aux yeux des fans du cinéaste canadien. Car s'il semble avoir
abandonné toute velléité pour les mutations d'ordre génétique et
psychologiques, ne nous y trompons pas: le choix du héros de changer
d'identité afin de faire table rase sur son ancienne existence
conserve un rapport privilégié avec quelques-uns des travaux les
plus passionnants de David Cronenberg. C'est donc sous la forme du
thriller et dans un style beaucoup plus ''classique'' que le
réalisateur poursuit son aventure si personnelle. En résulte
une œuvre sur la condition d'un individu et sa rédemption face à
son passé (ses retrouvailles avec son frère Richie mettant un terme
définitif avec son ancienne vie). Un passé qui ressurgit et qui
montre la fragilité d'un personnage capable d'arborer à nouveau le
visage du monstre qu'il était et de ses capacités de ''combattant''
alors même que jusqu'à maintenant il affichait le comportement d'un
bon père de famille exagérément calme. David Cronenberg profite du
sujet de Josh Olson inspiré d'une série de comics américains de
John Wagner et Vince Locke pour réfléchir sur les conséquences de
tels actes et notamment sur le comportement du fils de Tom qui par la
force des choses plongera lui aussi dans la violence. A
History of Violence
est porté à bout de bras par un Viggo
Mortensen impeccable et précieux. Peut-être pas le meilleur
Cronenberg, mais le cinéaste parvient à faire obliquer son œuvre vers
une voie pleine de promesses...
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