Antonio flaire un coup
fumant lorsque lors d'une projection cinématographique, il tombe nez
à nez avec Maria, jeune femme timide lui tournant le dos et n'osant
pas se montrer. Et pour cause : son visage et son corps son
entièrement recouverts de poils. Pour Antonio, il ne fait aucun
doute que la jeune femme pourrait lui rapporter de l'argent s'il
l'exhibe. C'est ainsi qu'il la libère avec de belles paroles des
contraintes de l'enfermement dans l’hôpital dans lequel des nonnes
l'ont gracieusement recueillie. N'avouant pourtant pas à la jeune
femme ses véritables intentions, Maria va d'abord servir de viande
fraîche aux curieux de tous poils (sans mauvais jeu de mots) avant
de prendre sa revanche sur Antonio ainsi que sur la vie...
En dépit de ses
gesticulations, de sa verve bouffonne, le personnage qu'interprète
l'acteur italien Ugo Tognazzi n'est pas des plus attachant. On aurait
même tendance à le décrire comme repoussant, abjecte,
opportuniste, bref, une assez mauvaise personne. Face à une Annie
Girardot grimée en femme à barbe qu'il exploite et dont la
silhouette élancée est entièrement recouverte de poils. Un singe,
une guenon, un phénomène de foire, humilié, exploité, allant
jusqu'à déclencher parfois les pulsions primaires d'un pseudo
professeur davantage réceptif à sa virginité avérée plutôt qu'à
la résolution de son problème connu désormais sous le nom
d'hypertrichose. Le Mari de la Femme à Barbe permet
à Marco Ferreri, à travers ce portrait de couple étonnant,
d'étudier les rapports entre hommes et femmes. Ici, Antonio est seul
maître à bord. En sauveur, il épargne à Maria une vie
d'enfermement tout en lui proposant une alternative proche de ce
qu'elle a vécu et nanti de difficultés auxquelles elle avait
jusqu'ici réussi à échapper : le regard de l'autre. Ou des
autres puisque rendue publique, elle est exhibée telle un monstre de
foire, mal aimée par un homme qui se dit son protecteur mais qui ne
voit en elle qu'une manne financière.
Marco
ferreri décrit de plus avec beaucoup de justesse l'émancipation
d'une femme qui au contact de 'son homme' va peu à peu prendre
confiance en elle. Au point d'avoir des choses à dire et des points
de vue à imposer. Ugo Tognazzi, du moins son personnage, perd le
contrôle des affaires, Annie Girardot gagnant du terrain, grignotant
des miettes jusqu'à obtenir enfin ce qu'elle désire le plus au
monde : son statut de femme véritable.
Et Marco Ferreri de
rendre grâce à la beauté d'Annie Girardot en lui restituant sa
féminité, elle qui aura subit un enlaidissement total durant la
quasi-totalité d'un film mettant en lumière la différence et son
exploitation par un individu malintentionné. Un homme forcé
d'accepter le changement non pas par volonté mais par dépit. Et
quel plus beau cadeau alors que d'accorder à Maria tout ce à quoi
veulent prétendre les femmes : avoir un enfant. Une Maria dont
la grossesse aura d'ailleurs de miraculeux effets sur sa pilosité.
Retour à la normale pour Antonio forcé de travailler comme ouvrier,
offrant ainsi à son couple une vie normale. Tout va bien, dans le
meilleur des mondes. Du moins, pour cette fois, d'autres n'ayant pas
eu autant de chance (Elephant Man de David Lynch).
Davantage encore que la
simple exposition d'une 'monstruosité' à peine concevable encore de
nos jours, Le Mari de la Femme à Barbe est une
merveille de grâce qui derrière ses allures d’œuvre provocante
cache une sensibilité profonde accordée par une Annie Girardot en
état de grâce. Un long-métrage qui, paraît-il, fut assez mal
accueilli au festival de Cannes en 1964 ! Marco ferreri signe
ici un chef-d’œuvre et s'offre deux magnifiques interprètes...
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