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lundi 12 août 2019

Le Mari de la Femme à Barbe de Marco ferreri (1964) - ★★★★★★★★★☆



Antonio flaire un coup fumant lorsque lors d'une projection cinématographique, il tombe nez à nez avec Maria, jeune femme timide lui tournant le dos et n'osant pas se montrer. Et pour cause : son visage et son corps son entièrement recouverts de poils. Pour Antonio, il ne fait aucun doute que la jeune femme pourrait lui rapporter de l'argent s'il l'exhibe. C'est ainsi qu'il la libère avec de belles paroles des contraintes de l'enfermement dans l’hôpital dans lequel des nonnes l'ont gracieusement recueillie. N'avouant pourtant pas à la jeune femme ses véritables intentions, Maria va d'abord servir de viande fraîche aux curieux de tous poils (sans mauvais jeu de mots) avant de prendre sa revanche sur Antonio ainsi que sur la vie...

En dépit de ses gesticulations, de sa verve bouffonne, le personnage qu'interprète l'acteur italien Ugo Tognazzi n'est pas des plus attachant. On aurait même tendance à le décrire comme repoussant, abjecte, opportuniste, bref, une assez mauvaise personne. Face à une Annie Girardot grimée en femme à barbe qu'il exploite et dont la silhouette élancée est entièrement recouverte de poils. Un singe, une guenon, un phénomène de foire, humilié, exploité, allant jusqu'à déclencher parfois les pulsions primaires d'un pseudo professeur davantage réceptif à sa virginité avérée plutôt qu'à la résolution de son problème connu désormais sous le nom d'hypertrichose. Le Mari de la Femme à Barbe permet à Marco Ferreri, à travers ce portrait de couple étonnant, d'étudier les rapports entre hommes et femmes. Ici, Antonio est seul maître à bord. En sauveur, il épargne à Maria une vie d'enfermement tout en lui proposant une alternative proche de ce qu'elle a vécu et nanti de difficultés auxquelles elle avait jusqu'ici réussi à échapper : le regard de l'autre. Ou des autres puisque rendue publique, elle est exhibée telle un monstre de foire, mal aimée par un homme qui se dit son protecteur mais qui ne voit en elle qu'une manne financière.
Marco ferreri décrit de plus avec beaucoup de justesse l'émancipation d'une femme qui au contact de 'son homme' va peu à peu prendre confiance en elle. Au point d'avoir des choses à dire et des points de vue à imposer. Ugo Tognazzi, du moins son personnage, perd le contrôle des affaires, Annie Girardot gagnant du terrain, grignotant des miettes jusqu'à obtenir enfin ce qu'elle désire le plus au monde : son statut de femme véritable.
Et Marco Ferreri de rendre grâce à la beauté d'Annie Girardot en lui restituant sa féminité, elle qui aura subit un enlaidissement total durant la quasi-totalité d'un film mettant en lumière la différence et son exploitation par un individu malintentionné. Un homme forcé d'accepter le changement non pas par volonté mais par dépit. Et quel plus beau cadeau alors que d'accorder à Maria tout ce à quoi veulent prétendre les femmes : avoir un enfant. Une Maria dont la grossesse aura d'ailleurs de miraculeux effets sur sa pilosité. Retour à la normale pour Antonio forcé de travailler comme ouvrier, offrant ainsi à son couple une vie normale. Tout va bien, dans le meilleur des mondes. Du moins, pour cette fois, d'autres n'ayant pas eu autant de chance (Elephant Man de David Lynch).

Davantage encore que la simple exposition d'une 'monstruosité' à peine concevable encore de nos jours, Le Mari de la Femme à Barbe est une merveille de grâce qui derrière ses allures d’œuvre provocante cache une sensibilité profonde accordée par une Annie Girardot en état de grâce. Un long-métrage qui, paraît-il, fut assez mal accueilli au festival de Cannes en 1964 ! Marco ferreri signe ici un chef-d’œuvre et s'offre deux magnifiques interprètes...

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