Petit détour vers le
Japon (où j'installerai sans doute Cinémart prochainement
pour un cycle consacré aux Kaijū eiga,
ou, films de monstres japonais, avec ses plus illustres représentants). Si je ne m'abuse, j'avais déjà abordé le sujet à
travers le long-métrage Kingu Kongu tai Gojira
l'année passée sans pour autant aller plus loin. Pour cette entrée en
matière qui débouchera peut-être (très certainement, même, je
l'espère) sur un cycle, j'ai décidé de commencer par ce que l'on a
coutume de nommer désormais un crossover,
avec Mosura tai Gojira
du grand spécialiste en la matière, le cinéaste japonais Ishirō
Honda, celui qui par conséquent donna vie à deux des plus célèbres
pourvoyeurs de Tokusatsu
du type Kaijū
eiga sur
grand écran dès le milieu des années 1950 : d'un côté,
Godzilla, un immense reptile préhistorique endormi s'éveillant au
contact de radiations nucléaires provoquées par des essais
militaires (l'ombre d'Hiroshima et de Nagasaki plane très fortement
sur l’œuvre du cinéaste) et capable d'utiliser un souffle
atomique dévastant tout sur son passage, et dont l'utilisation est
consécutive au scintillement de son épine dorsale. De l'autre,
Mothra, un papillon gigantesque (sic!) dont l'arme la plus efficace
est la dispersion dans l'air d'un pollen empoisonné. Contrairement à
la majorité des monstres géants créés par la maison de production
japonaise Toho,
Mothra est l'une des rares figures bienfaitrices du genre Kaijū
eiga,
à part en de très rares occasions.
Nés
sur grand écran à quelques années d'intervalles (Godzilla en 1954
et Mothra en 1961), ces deux monuments du cinéma asiatique,
véritables portes-drapeaux de la culture japonaise, s'affrontent
donc pour la première fois au cinéma en 1964. Le grand méchant y
étant bien entendu le premier, quand le second, épaulé par les
fées Shobijin
(apparues
pour la première fois dans la première mouture incarnée par Mothra
et dans le rôles desquelles jouèrent déjà les sœurs jumelles Emi
et Yumi Itō du groupe pop japonais The
Peanuts),
servira l'humanité malgré l'attitude de hauts financiers ayant
choisi d'ignorer les suppliques des deux fées leur demandant de bien
vouloir leur restituer l’œuf de Mothra échoué en mer au début
du film afin de l'exploiter dans un parc d'attraction.
Mosura tai Gojira,
c'est encore et toujours l'occasion d'exhiber les travers de
l'humanité. L'exploitation du nucléaire au détriment de la nature,
celle des espèces animales (ici, en l’occurrence, l'oeuf de
Mothra, et plus tard, l'immense papillon lui-même). L’œuvre de
Ishirō Honda est également l'occasion d'y déployer la force
stratégique d'une armée japonaise contrainte de participer à une
bataille aux côtés d'une créature parvenue jusqu'au crépuscule de
son existence et ce, seulement dès sa seconde apparition sur grand
écran. Un Mothra dont l'attitude pacifiste est donc contrecarrée,
se muant en une force monstrueuse déclinante face à celle d'un
Godzilla ne cessant de croître. A noter que la dite armée se
prendra un revers d'anthologie, Mosura tai Gojira
ne pouvant, alors, pas être taxé de propagande pro-militaire.
Des
points de vue aidés en cela par des effets-spéciaux désuets mais
qui à l'époque firent sans aucun doute leur petit effet chez les
spectateurs japonais (chez nous, le film ne sortira qu'à l'occasion
d'un festival consacré aux longs-métrages de la Toho,
et ce, plus de trente ans après en 1995). Ishirō
Honda n'y va pas avec le dos de la cuillère, de la technique la plus
simple et par conséquent, la moins
« gracieuse »
(un acteur est planqué sous le costume plutôt rigide de Godzilla),
jusqu'à la conception de nombreuses maquettes (d'immenses meubles
pour l'appartement dans lequel apparaissent les fées Shobijin
pour la première fois, et une ville entièrement reconstituée pour
des destructions de masse), en passant par des techniques
d'incrustation éprouvées, même si en comparaison, on est encore
très loin d'atteindre la perfection d'un The
Incredible Shrinking Man
signé pourtant sept ans auparavant par le cinéaste américain Jack
Arnold. Pour autant, Mosura
tai Gojira
assure le spectacle de bout en bout. Une confrontation anthologique
entre deux monuments de la culture japonaise dont la mort de l'un
n'est finalement qu'une étape vers la renaissance...
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